Qu’est-ce que la Poésie ?
Ce vin des dieux monte à la tête des esthètes tel un mets capricieux et doux, meringué et acidulé, mou et croustillant qui se déguste en dehors des heures de repas. Ce nectar immatériel est non seulement l'art de chanter les bouches d'égout de nos quartiers mais également le meilleur moyen de faire tomber la pluie en juin. La voix des anges est un puits de sentences sans plafond qui se perd dans les méandres d'un ciel invariablement bleu. Sauf quand il pleut, puisque nous venons de voir que la lyre avait le pouvoir étonnant de recouvrir nos rues de matière aqueuse.
J'ajoute non sans outrecuidance que cette flûte de l'esprit est aussi un matelas de coton azuré qui flotte dans les airs nébuleux et sur lequel s'étend de temps à autre le joueur de luth en mal d'inspiration. Mais passons sur l'aspect olympien de cette chose précieuse, plutôt anecdotique, pour nous attarder sur son côté commun, qui est le plus répandu.
Ce mystère qui enflamme les muses constitue la soupe du soir du mortel qui ne veut pas mourir. Elle peut être chaude, épaisse, claire, hachée, légèrement aréneuse ou bien franchement horticole. Elle se présente comme une rigole qui conduit les humeurs domestiques vers les sillons féconds du cultivateur. Une sorte de ruisseau sidéral duquel s'écoule un sang assez pur abreuvant des partitions patriotiques.
La folie du beau, voyez-vous, c'est l'aptitude humaine à transposer le discours vulgaire sur des hauteurs quasi divines. Jouer du langage comme d'un piano, émettre des notes avec des citrons verts, des papillons bruns ou de vieilles cruches. En un mot, faire braire le verbe.
La grâce universelle qui descend des astres se ramasse dans des soupières, elle se marie à merveille avec les condiments du quotidien, s'accompagne habituellement de laitue et de fraises des bois. Elle se digère un cigare aux lèvres ou une bague au doigt.
Mais surtout, et voilà bien l'essentiel, la Poésie, cette musique de la Création, ressemble à une digestion cosmique auto régénératrice qui ensemence la Beauté. C'est une coulée céleste traversant nos âmes qui, après les avoir agitées, transformées, épurées, s'en retourne aux étoiles dans de grands jets lactés.
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