Christine,
Je ne vous oublie pas, amante. Je pense encore à toi, Christine mon cher, très cher Amour. Toi ma flamme littéraire, ma pluie d'encre noire, mon ivresse chartraine, mon feu oui, mon orage, ma froide écume…
Vous l’épistolière qui vous enracinez dans le temps par votre silence-même, je pense à vous sous l'averse de fin d’été qui tombe au Vieux-Mans. Vous me charmiez avec vos traits sans grâce, jadis… J’aimais me perdre longuement dans les profondeurs de votre physionomie sévère, à travers votre photo. Vos lettres lucides et romanesques vous rendaient aimable. Vous étiez mon ciel impossible, triste et sans éclat. Presque comique. Vous l’objet sans valeur, moi l’esthète paradoxal… Je voulais conquérir cette face faite pour les sentiments cruels et nobles, cyniques et sincères. En imagination je caressais votre visage, baisais vos lèvres, essuyais vos larmes… Et le songe était beau.
Christine, vous êtes belle et sombre, ingrate et charmante, triste et désirable. Hélas ! La maternité semble avoir apporté quelque imbécile rayon de lumière sur votre front, aimé autrefois pour son voile de mélancolie. Fragile, sans attrait et cependant touchante, vous incarniez l’idéal poétique, entre rose et pissenlit, cristal et caillou. Je rêvais de pâles conquêtes, de blêmes femelles, de lunaires créatures aux sourires énigmatiques et funèbres, et vous étiez là, hibou onirique planant dans la nuit de mon imaginaire fantasque et dolent… Oiseau étrange aux ailes silencieuses, vous m’ensorceliez avec vos yeux doux, avec vos mots durs, avec vos rires comme des sanglots.
Comment pourrais-je oublier vos élans timides et livresques, tendres et chagrins ? Vous m’aimiez à votre façon, et moi de même. Vous avec désenchantement et masochisme, moi avec égoïsme et férocité. Vous étiez lugubre, j’étais mondain. Cependant la Poésie présidait à cet hyménée supérieur. Là fut son salut. Les dieux de l’Art et des Lettres ont souscrit à cette union épistolaire. Aujourd’hui, alors qu’il pleut tristement sur la cité, j’éprouve quelque sincère tendresse pour vous, Christine.
Je contemple charitablement votre mine hier vouée à mes sarcasmes d’Amant immodeste. Je vous aime non plus seulement du bout hautain et séduisant de ma plume, mais aussi avec mon pauvre, simple, dépouillé cœur de mortel.
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