J'errais au bord de l'étang, mélancolique. L'automne était morne, la lune pleurait, le vent chuintait dans le crépuscule, monotone à mourir. Au loin s'élevaient les plaintes d'un âne, poignantes. Ainsi là-bas un être affligé semblait partager ma peine... Je marchais, résigné, au bord de l'onde. Isolement, accablement, ennui, dégoût : quatre murs oppressants, quatre raisons pour ne plus songer à rien d'autre qu'aux barreaux de mon âme en deuil.
Le bourriquet dans le lointain se lamentait toujours. Etais-je le seul à percevoir sa détresse ? En moi, une brume sans fin, un vide sombre, une vallée désolée. Les braiments de l'animal résonnaient comme un glas grotesque dans la campagne. L'écho pitoyable sous les étoiles de la créature déshéritée accentuait ma douleur. Le quadrupède adressait à qui voulait l'entendre son désespoir.
Le grison au-delà du marécage, hors de vue, oublié de tous, ne racontait-il pas à l'Univers entier son humble chagrin ? J'avais l'impression de récolter ce soir-là la plus secrète misère du monde, venue de l'horizon, tentant de monter jusqu'aux astres, pour finalement retomber sur mes épaules...
Les appels de la pauvre bête ressemblaient à une prière dans la nuit, j'en fus touché. Des cordes insoupçonnées vibrèrent chez moi. Je sentis mon humanité s'étendre jusqu'aux figures les plus modestes de la nature. En pensée je rejoignis l'équidé. Les yeux fermés je le caressai au cou. Puis je le chevauchai. Alors tout s'illumina. Des espaces radieux s'ouvrirent devant moi. Je me retrouvai au milieu d'une prairie éclatante de lumière, sur le dos du baudet. Ses braiments sinistres s'étaient transformés en autant de rires. Des gens m'aimaient, qui m'appelaient tout autour de moi. Partout, des fleurs vives, de l'eau claire, une joie irréelle.
Je rouvris les yeux dans l'obscurité. Séléné soupirait toujours au-dessus de ma tête. La brise gémissait dans la plaine. Le marais me parut plus noir que jamais. La saison était un véritable tombeau. Et ma solitude, une pierre dans la fosse.
Longtemps, l'âne manifesta son infinie tristesse dans le lointain.
VOIR LES DEUX VIDEOS :
VOIR LES DEUX VIDEOS :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire