La Mort a déposé sa couronne funèbre sur mon front. Sans fioriture. Me voilà étendu dans un linceul. Des larmes sont versées. Bien inutilement, puisque je suis mort.
La Mort ne m'a pas demandé mon avis, elle m'a élu sans me prévenir. Me voilà roi parmi les vivants : j'ai accédé à la dignité de cadavre. Je suis devenu une curiosité, une statue qui impressionne, même si je n'ai plus l'air de rien.
La Mort m'a emporté, je laisse au monde le souvenir insignifiant de mon passage. La Mort vous emportera vous aussi, d'un formidable coup de faux et avec un grand rire cynique. De manière si réelle, que dans votre prison de bois se brisera toute vanité. Regardez-moi, regardez mon visage impassible. C'est votre propre reflet que vous voyez. Ce mort exposé dans un linceul sophistiqué, c'est vous. Vous le savez, et vous avez peur.
C'est moi qui suis mort, c'est vous qu'on enterre : vous êtes blêmes, solennels, affligés. Vous redoutez ce moment où ce sera votre tour. Vous n'y voulez pas songer, mais cela vous obsède. Son rire cynique vous obsède, sa faux vous obsède...
Votre tour arrivera, patience.
En attendant vous faites comme si. Vous feignez de ne pas entendre l'écho de son rire aigu. Vous faites semblant d'ignorer que vous êtes en sursis, vous aussi. Et vous jouez à m'ensevelir. Sans oser vous l'avouer, vous vous voyez à travers ce cadavre qui n'est pas le vôtre.
Chacun de vous voit sa tête à la place de ma tête.
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