Ma demeure, une grosse cabane informelle perdue au coeur de la forêt -avec une cheminée pour tout chauffage- n'a pas de robinet, nulle électricité et encore moins de décoration.
Je ne consomme aucune viande, bois de l’eau claire, ne vais jamais au cinéma, ignore la télévision, suis totalement déconnecté des agitations du monde. Non par contrainte, exclusion ou pauvreté matérielle, mais par choix.
Je vis comme un moine.
Ou pour être plus exact, pareil à un authentique bourgeois sous le règne du grand roi Louis XIV. Même les pharaons ne vivaient guère mieux que moi, d’ailleurs certains mourraient jeunes.
Je suis sobre, disais-je.
Grâce à ce régime économique ma santé est excellente : je suis robuste, toujours en pleine forme, sain, rieur.
J’ai très peu d’argent. Enfin juste assez pour me nourrir et parer à mes besoins vitaux. Indifférent à la mode, isolé dans les bois je n’ai pas le souci de plaire à mes voisins, à un patron, à des clients, bref à une société superficielle. Les rares bipèdes que je fréquente sont tous gens supérieurement intelligents qui se moquent de la qualité ou de la couleur des vêtements que je porte. Je suis propre sur moi mais libre de me vêtir sans aucune pression sociale. J’ai le minimum pour vivre, j’estime donc être riche. D’autant que je suis très satisfait de mon sort de ce point de vue.
En décembre pendant que mes frères humains gavés en permanence de confort, de futilités et de surconsommation en tous genres se lamentent du froid, tremblent pour leurs canalisations ou crient au scandale parce que les axes routiers menant aux ”sports d’hiver” ne sont pas déneigés assez vite, de mon côté je me réjouis de la beauté du givre qui fait craquer mon abri et blanchit la sylve.
Et tandis que certains citoyens désenchantés de ce beau pays de France (que le gel rend encore plus ingrats envers la providence, sous divers prétextes dérisoires) portent plainte contre le maire de leur commune pour “négligence” parce qu’ils ont glissé avec douleur sur le verglas de la voie publique, je glisse moi aussi au fond d’un fossé dans une gerbe de flocons virevoltants. Et cela m’amuse.
Eux ont prévu cet “inconvénient” dans leur contrat d’assurance tous risques... Moi je n’ai rien prévu, je n'ai pas le moindre papier de garantie contre je ne sais quel danger. Et je ne me fais point mal. Mais il est vrai que lorsque viennent les gelées je ne pars pas en “vacances d’hiver” faire du ski à cinq-cent kilomètres de mes arbres enneigée... Par conséquent je réduis considérablement les chances de me faire... décerveler.
Aux températures plus clémentes, en avril ou mai, mes semblables calfeutrés dans leurs maisons chauffées entourées de moquette craignent encore les pollens. Ils remplacent leurs anticorps perdus en ingurgitant de la “parapharmacie.” Moi je respire les odeurs de la saison, me fait piquer par des abeilles, me lave à la manne qu'est pluie, insensible aux effets “nuisibles” des éléments que redoutent tant les citadins, et cela fortifie ma constitution au lieu de l’affaiblir.
Avec mon existence frugale, mes moeurs viriles, mon mode de vie rustique, mes moyens de subsistance modestes je passe pour un miséreux dans ma maison de rondins.
Dans cet environnement de mollesse, de frilosité, de geignards, de convoitises superflues, les hommes vraiment heureux sont ceux qui possèdent le moins de choses matérielles et vivent dans l’âpre bien-être naturel.
Les autres s’ennuient au point d‘aller courir après la neige, loin de chez eux. Alors qu'elle se trouve pourtant à leurs pieds. Et, à la période estivale, ils se dépêchent de rejoindre le sud afin d'y poursuivre désespérément les rayons du soleil... Le plus drôle, le plus absurde, c’est qu’ils se plaignent de la poudreuse en janvier et de la chaleur en juillet lorsqu'elles tombent sur leurs toits et en même temps ils vont les chercher à grands frais et avec avidité à des centaines de lieues de chez eux...
Depuis mon humble asile de branches sans tuyau ni câble électrique, ni téléphone, ni radiateur, ni tapis, ni écran, j’ai l’hiver en hiver, le printemps au printemps, l’été en été, l’automne en automne.
Mais surtout j’ai, en surplus gratuitement toute l’année : le plus simple de tous les bonheurs.
4 commentaires:
Dites-voir Raphaël, internet marche comment chez vous? Vous avez un groupe électrogène? allez va avouez que le confort moderne c'est appréciable, sinon personne ne vous connaîtrez, vous ne pourriez pas étaler vos humeurs sur la toile. Vous nous dites toujours être souriant ? pourtant ce n'est pas ce que je ressens sur la vidéo, vous m'avez l'air assez taciturne et plutôt bien pâlot. Sinon, pour l'hygiène vous faites comment, vous attendez qu'il pleuve ? Heureusement que vous n'habitez pas dans le sud :)) Maintenant je vais me permettre de vous donnez un conseil : l'eau emmagasinée dans des containers n'est pas des plus saine ! faites attention, les bactéries qui s'y développent provoquent des cancers.
Ma foi vous me direz que cela vous indiffère. Pourtant Raphael, le progrés, le progrés.....Au fait, la moquette heu.... c'est totalement dépassé, faudrait un peu vous sociabiliser et sortir un tout petit peu...ne serait-ce que pour l'ouverture d'esprit.....
Hortense,
Cet article n’est évidemment pas une stricte autobiographie mais une parabole à valeur pédagogique.
Je souhaitais railler ces éternels pleurnichards (repus, gavés, pourris de matérialisme et qui se plaignent sans cesse de la crise) en montrant que l’on peut être parfaitement heureux tout en arborant les signes extérieurs de la pauvreté, ou plus exactement de la prétendue pauvreté, celle qui est abusivement définie comme telle selon nos critères actuels et qui à mon sens n’est en rien de la pauvreté car la vraie pauvreté ne se mesure pas au degré de mécontentement des gens mais d’une manière plus objective.
Nous sommes tellement accoutumés à l’abondance que l’on prend la moindre contrainte naturelle ou le plus petit renoncement à ce maudit confort qui nous ramollit pour un signe de pauvreté, c’est dire le degré de la corruption des esprits !
Raphaël Zacharie de IZARRA
Hortense,
Ce texte est en partie autobiographique en réalité.
J'ajoute donc que je suis végétarien strict et définitif.
Cela dit j'ai effectivement INTERNET, le seul luxe de ma vie d'esthète. Je n'ai jamais dit être contre le luxe ou le confort mais contre l'excès de luxe et de confort.
Ce qui n'est pas pareil.
Je n'ai pas de téléphone portable, ne vais jamais aux sports d'hiver, ne pars pas en vacances (vulgaire et détestable), ne vais pas au cinéma, suis allergique à la télévision que je regarde de plus en plus rarement lorsque les programme en valent la peine (en général des documentaires ou reportages).
Je circule dans une voiture dégueulasse et toute cabossée que je ne lave jamais. J'ai pitié de ces DUPONT qui lavent leur voiture dans des centres de lavage. Le comble de la vulgarité selon moi. Ces hommes déchus, sans dignité, mettent leur fierté dans l'apparence de leur véhicule. Ils auraient honte de rouler dans leur voiture non lavée... A mes yeux ce sont des petits esprits, des infirmes spirituels, des victimes de l'abrutissement collectif.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Dites-moi mon cher Raphaël, vous devriez mieux choisir vos lectrices. Entre celles qui abusent du 4x4 et de l'eau de piscine et celles qui n'appréhendent que difficilement les paraboles (pas celles que l'on met sur les toits, celles de l'esprit) vous n'avez pas de chance. En tout cas, ce texte me plaît beaucoup, à tel point que je me demande si je ne l'ai pas écrit moi même (cette dernière remarque est puremennt destinée à semer le doute chez Monsieur Jawol.)
Lorenzo de Vicari
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