Prôner ce qui est ordinairement désigné comme des valeurs artificielles
fabriquées de toutes pièces par la pensée, n'est-ce pas finalement un signe de
grand avancement de l'esprit ?
En effet, ce qui est issu de la pure culture est éminemment raffiné,
estimable, sophistiqué. La fantaisie, l'art, la frivolité, les dentelles sont
issus du coeur de l'homme, non de son derrière.
N'est-ce pas là un signe évident de civilisation ? Seuls les sauvages, les
primitifs, les coureurs des bois sont proches de la terre. Eux ne regardent que
leurs pieds, quand je fixe ce qui dépasse ma tête. Les êtres évolués, tels les
aristocrates, les snobs, les mondains et autres piliers de salons, vivent dans
un royaume d'artifice, certes. Mais précisément, l'ornement culturel est le
propre des gens évolués affranchis des contingences domestiques, éloignés de
toute préoccupation prosaïque et blasés (donc libérés) de ces bassesses avec
élégance.
Je me réclame de cette évolution prétendument superficielle.
Ainsi j'apparais aux êtres primaires comme un snob, un fat, un prétentieux.
Du haut de ma sagesse, je suis hautain, fier, méprisant à l'égard de ceux que
j'estime être plus bas que moi. Exactement comme le font les va-nu-pieds des
jungles qui se considèrent eux-mêmes comme les modèles absolus de la Création et
continuent de faire valoir leurs vérités face au reste de l'Humanité, convaincus de la
supériorité de leurs croyances, de leur vision aiguë des choses, de leur place
privilégiée dans l'Univers.
En réaffirmant ma flamme, je déplais à la roture, à mes voisins, au monde
entier. Pourtant je demeure fidèle aux grands principes qui animent chacun
d'entre nous ici-bas...
Je ne me remets jamais en question tant je suis sûr de l'éclat de mes
opinions, de l'inanité de celles des autres, de l'importance de ma personne et
de l'insignifiance de ceux qui ne partagent pas mes vues.
Au yeux de mes contradicteurs, je dégouline de "mauvais sentiments" pour la
simple raison que je fais l'éloge de ma particule, de la justesse des choses
perçues à travers mon cher monocle, de mon nombril, de mon oisiveté. Je ne fais
que défendre mes intérêts, qui se trouvent être les plus contestés, les moins
flatteurs.
Je suis tout ce que mes détracteurs s'interdisent d'être : simplement
cohérent dans les limites de mon moule, à travers le prisme de mon verre
unique.
Le vrai pour moi, c'est ce que me montre mon lorgnon.
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