Enfant, je croyais plus que tout aux vérités de laboratoires : la science, les mathématiques, l'algèbre, la logique, les lois visibles, les réalités palpables, l'intelligibilité matérielle des choses, l'évidence des concepts... Telles étaient les clés du monde qui m'entourait. Les seules pensais-je, avec mes manuels scolaires pour Bible, le soleil pour repère, la table de multiplications pour lois.
Dès l'âge de raison, le monde avait pris pour moi la forme rassurante, implacable d'une vaste pensée cartésienne débarrassée d'inutile beauté et d'émotion superflue.
J'avais des bornes en moi, celles de la puérilité qui ne voit les choses que de piètre hauteur. Les enfants sont sots : ils ne voient rien d'autre que la science au-delà de l'horizon qu'ils s'amusent à calculer, mesurer, n'imaginent que des atomes sous leur oreiller, n'accordant aucun sens à leurs songes, ne veulent rien savoir de l'Univers qui n'entre pas dans leur docte cervelle nouvellement imprégnée d'inflexible raison !
Comme tous les gosses de sept ans, j'étais un âne.
Mais très vite ma vue grossière du monde s'affina, le bagage purement rationnel me tenant lieu d'intelligence ne pouvant suffire pour appréhender ce qui dépassait du cadre. Je constatais que plus le contenu de mes manuels à l'école était dense, ramassé, et donc censé être indiscutable, plus la marge était grande autour de ces austères vérités... Ce qui me laissait d'autant plus de place pour dessiner des moutons et des roses tout autour.
C'est en devenant adulte que je compris tout. Là, la poésie s'ajoutait aux mathématiques, le mystère à la science, la beauté aux explications rationnelles... Pour donner son relief à la vie. Ecolier, j'étais bêtement matérialiste. Tout avait une explication, il suffisait d'ouvrir les manuels, de faire confiance aux savants, à la raison, à l'éducation nationale.
Peu à peu, derrière le froid calcul je découvrais la lumière.
Sous le plomb de la pensée rigoureuse, je percevais des plumes de subtilité, des arabesques d'esprit, des sinuosités poétiques qui se combinaient à la matière pour former la Réalité. Ainsi le carbone devenait principe vital plein de sens, le simple brin d'herbe miracle, l'eau merveilleuse énigme, entre infinie complexité chimique et infinie simplicité spirituelle... Même les formules mathématiques les plus rébarbatives avaient pour moi leur beauté intrinsèque : il me suffisait de porter un regard divin sur les chiffres pour qu'ils se mettent à briller. Je sentais que l'ordre procédait d'une essence supérieure, que les formes de la nature étaient calquées sur des figures célestes, enfin que l'invisible guidait le monde.
Si bien que plus je m'éloignais de l'enfance, plus je devenais rêveur, émerveillé, sensible, pur.
VOIR LA VIDEO :
https://rutube.ru/video/21007887cc8412daa9090dcdc3edbe3c/
https://rutube.ru/video/50c39ed09db349088b92f0ca6b31213d/
http://www.dailymotion.com/video/x43zbiy
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3 commentaires:
Si je devais choisir entre vos textes (du moins parmi ceux que je connais), cela me serait bien difficile. J'aime ceux qui sont la poésie à l'état pur, ceux qui parlent de vous et ceux...qui parlent de moi.
Non attendez, ne vous méprenez pas ! Je ne dis pas que vous y faite référence à ma personne !!!
Non.
Pas du tout.
Ils parlent de moi au sens figuré.
Ils sont des flaques d'eau dans lesquelles je saute à pieds joints. Des bouts de miroirs brisés ou se floute mon passé. Des rétroviseurs de métal poli dans lesquels je vois qu'il me rattrape. Qu'il n'est pas si loin finalement.
Ce que je veux vous expliquer, c'est qu'en ce qui concerne vos écrits, j'ai quelques préférences et le texte que je découvre aujourd'hui me parle particulièrement.
Déjà, je suis interpellée par l'expression “âge de raison”.
C'est une expression que l'on n'entend plus guère. Je me souviens de mon arrière grand-mère qui y faisait souvent allusion. En particulier qui nous disait qu'à dater de cet âge, nos péchés “compteraient” et que nous avions intérêt d'y prendre garde. Cela me fichait un peu la trouille, non que je fus particulièrement enfant difficile mais parce que j'avais l'impression de passer un cap, un palier important avec cet âge de sept ans.
Je me souviens très bien de ce jour là d'ailleurs.
Autre intérêt à ce texte, j'ai gardé vivante en mon esprit, (en tant que femme, donc selon les principes émis par la gente masculine avisée), des images.
Celles des livres de mon enfance. Des manuels scolaires. Condensés. Oui, forcément. Mais pas si étriqués que cela. Les livres d'avant sept ans il n'y en a pas beaucoup. Ils se limitent à l'abécédaire et à un ouvrage de première lecture.
Je n'ai pas connu le cours préparatoire puisque je savais lire. J'ai eu la chance d'avoir, avant les enfants de mon âge qui m'entouraient, un manuel de sciences naturelles, de géographie et surtout d'Histoire. Je revois très bien l'encadré jaune des deux ou trois phrases à connaitre par cœur.
Petite fille de la ville, et qui ne voyageait jamais, j'étais émerveillée de savoir qu'un gland puisse donner un chêne. Que la forêt abritait des champignons, des écureuils. Qu'il y avait temps des vendanges et des moissons. De voir que les nuages aux formes mystérieuses pouvaient se classer selon leur altitude.
Les noms de fleuves correspondaient à l'inaccessible étoile et aujourd'hui encore, je ne peux m'empêcher d'y penser chaque fois que je franchis la Loire ou la Seine. Je les embrasse du regard à chacun de mes passages comme une victoire. Comme une conquête.
J'avais une sainte horreur des fins d'années. De laisser maître ou maitresse et surtout de laisser mes précieux livres. Je devais sans doute être l'une des rares à pleurer en cachette à cause de ce qui réjouissait mes camarades.
Et septembre revenait. Et le cartable lourd mais le cœur léger, je rentrais chez moi pour découvrir mon nouveau trésor.
C'est là que, selon son genre, l'ouvrage se spécialisait, permettait d'approfondir.
C'était comme si je pénétrais au cœur du manuel précédemment abandonné avec les pâtés de sable de juillet. La pelle creusait un puits dans le puits de mes découvertes.
Et je traversais l'histoire, au galop. La main dans celle de Clio.
Je ne dessinais pas comme vous, petit prince. J'imaginais. Je n'ai jamais cessé. Je sais que je ne saurai jamais tout. Il y a trop à savoir. Du composé de silice au rayonnement invisible du chant qu'émet le mot cristal. Mais je sais que j'apprendrai. Toujours.
C'est peut être mon préféré. Ce texte. Votre texte qui parle de poésie, de vous, de moi. En tout cas, je le trouve très beau.
filledemnemosyne, que devenez-vous ?
Raphaël Zacharie de IZARRA
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