Elle n'était pas spécialement jolie ni même très intelligente.
Par contre j'avais affaire à une personnalité totalement anti
romantique.
C'est pour cette dernière raison que je m'épris follement de cette
brindille sèche. Elle compensait avantageusement son corps plat, quasi
squelettique, par les formes monstrueusement développées de son prosaïsme.
Son coeur n'était qu'un organe purement utilitaire destiné à faire circuler
son sang, rien de plus. Et quand elle parlait, elle assommait : ses mots
résonnaient soit comme le cliquetis sans âme d'une machine à écrire, soit pareil
au fracas vulgaire d'un lave-vaisselle.
Elle n'éprouvait pour moi que des sentiments de caillou, ce qui me
ravissait étant donné que je suis un marbre détestant les épanchements.
De mon côté je l'aimais, certes. A ma façon, c'est-à-dire en lui offrant des
épines au lieu de fleurs. Ce qui semblait d'ailleurs la toucher.
Dans les plaisirs de la chair je la chevauchais dans des gestes
parfaitement mécaniques, et c'est dans ces instants précieux quelle me lisait sa
dernière liste de commissions ou bien le mode d'emploi de sa yaourtière
électrique, toujours avec sa voix d'automate.
Ainsi au fil du temps j'appris beaucoup sur les contenus de ses paniers
domestiques et sur les diverses fonctions techniques de ses appareils ménagers.
Au bout de quelques années de cette relation de fer je lui demandai sa main
qu'elle me refusa, me trouvant trop mou, trop sentimental encore.
Mais le jour où je revins en blouse bleue avec les clés d'un magasin de
quincaillerie, elle épousa immédiatement ma boutique.
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