Projetons-nous dans un futur prometteur, difficilement
imaginable en termes de progrès scientifiques mais finalement pas si lointain
que cela dans le temps. Disons en l'an 21...
En cet
âge avancé de l'Humanité, les techniciens de la Terre ont enfin acquis la
maîtrise des dieux. Ils sont devenus des magiciens : à force d'efforts et de
patience, de sacrifices et de perspicacité, leurs oeuvres savantes ont atteint
de nouveaux sommets.
Désormais l'homme est capable de prodiges. Sa
technologie éprouvée lui permet d'envisager presque tous les rêves, bien des
folies, maintes aventures audacieuses... Et, en plus, de faire briller sur le
monde quelques étincelles d'espoir.
Bref, je
suis l'unique bipède à voyager vers Mars. Une expédition en solitaire, pour des
raisons spécifiquement techniques et logistiques inhérentes à l'ingénierie de ce
siècle lumineux où je suis né.
Emprisonné dans mon habitacle pour un long mois, je file vers l'inconnu, emportant avec moi l'enthousiasme de tous les habitants de la planète.
Me voilà
lancé dans le vide sidéral, plongé à une vitesse vertigineuse dans ce fameux
trou sans fin, sans forme, sans lumière qui émerveille et effraie à la fois et
que l'on appelle l'espace.
L'espace
: le rêve ultime des uns, le cauchemar absolu des autres.
Sillonnant le vide immense qui sépare les deux globes
frères du système solaire, seul avec moi-même, je médite sur le mystère de toute
chose.
Bousculé
par l'océan de ténèbres qui m'entoure, je m’éveille à des causes jusqu'alors
insoupçonnées, songe à des mystères qui avant cela m'avaient simplement
effleurés, prête attention à des sujets plus essentiels que ceux qui me
préoccupaient d'habitude.
Captif
de ma bulle d'acier voguant dans le néant, embarqué dans une extraordinaire
odyssée, emporté vers un horizon mythique, rare humain à tenter d'accoster
un rivage fabuleux, je prends conscience de mon extrême isolement, de ma chute
vers l'infini, de mon destin hors norme.
Après
avoir quitté la terrestre attraction, me trouvant si éloigné de mon asile natal,
livré aux profondeurs de mes pensées, déraciné de tout ce qui faisait mon
univers, je ne suis plus le même, j'ai changé.
Ce n'est
plus un terrien qui va marcher sur le sol martien. Mais une particule divine qui
va s'étendre en mon âme, un feu sacré qui va cheminer en moi, une flamme
spirituelle qui va se communiquer aux autres êtres.
L'important n'est pas mon pied qui laissera bientôt son
empreinte éphémère sur la poussière de ce royaume encore inviolé que je suis sur
le point d'aborder, non. Le plus glorieux n'est pas l'exploit mais la
contemplation.
C'est
d'être parvenu au bout de la route intérieure.
Ca y
est, j'ai atterri. Mon engin s'est posé. Je sors du vaisseau. Le paysage,
magnifique, effrayant, aussi mortel que fascinant,
m'illumine.
Face à
ce spectacle de pierres à perte de vue, à ce théâtre de vaste désolation,
sinistre, grandiose, si triste et si beau, pour la première fois de ma vie, tandis que je me retrouve si loin de Gaïa, je
me mets à prier.
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