C'est le matin, le soleil brille sur la ferme où je suis né, la cour sent
le purin mêlé de foin et les vaches paissent au loin.
Je me lève comme un faune.
J'ai vingt ans, des poils sur la joue, de la broussaille ailleurs, une
chair de fer plus bas, l'éclat d'un loup dans le regard.
Et un mal de chien dans le ventre quand je pense à ces fleurs acides que
l'on désigne sous le terme de "demoiselles", mais que moi je préfère appeler
"femelles"...
La sève de ma jeunesse me monte à la tête et me fait perdre pied, et je suis
bien décidé à calmer cette flamme qui me brûle, à suivre cette pensée qui
m'ébranle, à alimenter ce rêve qui me ronge.
Et à continuer de souffrir de ce mal étrange qui ressemble tellement au
bonheur.
Ma plus douloureuse épine dans le coeur se nomme Blandine.
Une ortie plus belle que la rose et l'églantine. Une face d'ange au sourire
vénéneux. Un chardon en dentelles qui me torture toutes les nuits.
Et moi qui désire ses baisers d'amanite, je vais me jeter aujourd'hui dans
le brasier de ses bras dorés !
Bien sûr il y en a en ville plein d'autres Blandine aux noms plus clairs
encore, aux yeux moins cruels, aux gorges assez vaillantes, aux faces soit
sulfureuses soit sages, et qui elles aussi me font un fol effet, mais seule
Blandine brille comme un charbon ardent au fond de mes viscères.
Elle est ma maladie incurable. Avec elle, j'ai un orage dans les tripes et
la tempête dans l'âme.
Avec ses airs de papillon impassible, elle virevolte autour de mon
champignon et fait semblant de ne rien voir. Pourtant elle doit la sentir ma
grosse gueule de carnassier à l'haleine de bête qui s'ouvre quand elle
s'approche de moi avec ses petits souliers... Elle doit les entendre mes grosses
bottes d'ogre que je frappe contre le sol comme un soudard dès qu'elle apparaît
sous mon nez !
Elle doit la deviner, ma poutre sous le voile si mince de ma pudeur, non
?
Et moi pendant ce temps je retiens la foudre... Mais c'est fini !
Ma virilité lasse de demeurer trop longtemps captive va exploser. Je pars
donc sur-le-champ, et à travers champs, offrir ce que j'ai de plus cher à
Blandine.
Dans une heure elle frémira sous mon tonnerre, et heureuse que je fasse valoir si prestement mon dernier argument, pleurera de joie en empoignant
mon beau sceptre de roi.
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