Le crachin à Clinchamp ressemble à des crachats de ciel dans les champs,
avec plein de mornes éclats dans les chemins.
Ce sont alors, en ces terres tristes, des jours ternes qui brillent comme
des lanternes dans la brume.
Rien ne brûle ni ne s'éclaire dans ce monde où règnent et l'onde et
l'ombre.
Et moi, ivre de mélancolie, je respire avec délices l'air sombre de ces
journées sans Soleil, sans vie, sans fleurs. Je marche entre les fossés et
m'enfonce vers de vastes impasses champêtres... Je sais qu'au bout de la route,
je serai emporté par l'océan de l'ennui. Bercé par le vent ou par le rêve.
Enchanté de cet envol vers la folle atonie. Heureux de mes ailes
démesurées.
En partance pour l'azur, par la seule force de ma plume, loin des horizontalités du sol.
Oui, la pluie fine qui voile cet univers d'une magistrale grisaille me fait
l'effet de l'éther : au contact de la molle intempérie, perdu dans mes pensées supérieures, je m'évade dans les
hauteurs célestes, là où les nues palpitent sous des formes nouvelles et rendent belles les heures lourdes d'en bas.
Je vogue ainsi dans les sphères vertigineuses d'une autre réalité, tel un oiseau à l'élan majeur quittant soudainement l'attraction terrestre pour atteindre les nuages.
Au lieu de m'alourdir
l'âme, bien au contraire la bruine l'allège, l'éclaircit, la rend joyeuse, comme si
c'était finalement de la lumière.
L'eau fine qui plonge dans un silence de mort ce clocher enterré de la Haute-Marne est ma plus pure source de joie.
Ces flots lents et monotones de brumaille et de platitudes tombant sur les toits muets, les espaces ordinaires et les têtes vides de ces lieux chantent en moi comme des violons lumineux.
C'est dans ces moment précis que je communie avec les hôtes les plus précieux et les plus élégants de Clinchamp qui restent à portée de ma vue : les vaches.
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