J'ai construit une cabane à Clinchamp, à l'orée d'un bois, hors des sentiers
profanes, à l'abri des intrus, loin des artifices de ce siècle.
Elle est mon refuge de lumière, mon repos céleste, ma fenêtre sur
l'infini.
Là, est mon unique coin de paradis sur Terre. Je viens retrouver cet asile
de branches et de foin pour me faire oublier du monde.
Et n'exister qu'aux yeux de ce qui vole, brille, brûle. Me faire des amis
de paille et d'azur, d'or et de verdure, de plumes et d'esprit.
Et quand le vent m'appelle, quand l'horizon s'élargit et devient un ciel, quand l'heure est
propice, je sors de mon radeau de ramures pour me jeter dans l'océan de la
liberté.
Et respirer l'air de la beauté pure, m'abreuver des flammes de la vie,
jouer avec le feu de la joie, découvrir l'âme des nuages, admirer un autre
soleil et puis m'apercevoir que la réalité est un rêve...
Et que la Création n'est qu'un inlassable poème d'amour.
Une folie sacrée. Avec toutes ces étoiles aux pieds de Dieu... Et les hommes dans le creux de sa paume. Quel prodige !
Oui, l'Univers est une éternité de surprises, une Voie Lactée de consciences, une inextinguible palpitation.
Une fête au quotidien, un chemin sans fin, des jours inépuisables.
Et les mortels, au coeur de la divine tourmente, cheminent en tenant la main au mystère.
Debout au bord des fossés, à l'ombre des feuillages, traversant les plaines ou bien assis dans l'herbe, comme moi en ce lieu perdu, ils ont tout pour se réjouir.
Des banquets de loups et des souffrances d'aigles royaux. De longues marches dans l'obscurité et des récoltes de rocailles. Des gouffres à éclairer et des déserts à fleurir. Des rivages à explorer et des sommets à conquérir. Des nuits de peur et des fatigues dans le froid débouchant sur des aubes de gloire. Des guerres vaines qui finissent par des paix chèrement payées.
Des festins carnassiers, des danses sauvages et des rires de rat pour qu'ils se sentent humains. Des lourdeurs d'ogres et des pesanteurs de bêtes pour éprouver de vraies existences incarnées. Et des signes de légèreté autour d'eux pour leur faire pressentir qu'ils ont des ailes.
Qu'elles soient douces ou âpres, leurs oeuvres sont cependant chargées d'espoir.
Leur bonheur est fait de contrastes et de paradoxes, et leur tranquillité parfois n'est qu'une mer d'ennui.
Il leur faut un peu de larmes pour ajouter du sel à leur existence. Ou du piment pour la colorer. Et beaucoup d'humour, en guise de baume.
Pour le miel, que de simples choses. Cela suffit. Ils les trouvent toujours grandes, pour peu qu'ils les apprécient.
Enfin, la mort pour radieuse porte de sortie.
Et moi, depuis mon humble tanière de branchages au fond de la cambrousse, je contemple les champs en songeant à tout cela, heureux, ému, ravivé.
Alors, au-dessus de ce toit d'écorce où je m'étends, tout se révèle immense et lumineux.
Et ce ne sont plus d'austères oiseaux que je vois planer dans les nues de Clinchamp, mais des anges.
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