J'ai rencontré
Olivier sur la Toile il y a deux ans. Il passait d'improbables annonces
pour trouver l'âme jumelle, qu'il ne trouva jamais. Sa maladresse, sa
grossièreté, son outrance m'avaient touché. Tout en me liant d'amitié avec cet
oiseau tombé du nid, je l'étudiais. Et plus je l'étudiais, plus je m'étudiais MOI. Et à travers
moi, d'une manière plus générale, les rouages secrets de l'âme humaine...
Explications et
extraits de textes postés à son sujet sur un groupe de discussions littéraire
(forumlitteraire@yahoogroupes.fr) :
En suivant Olivier
jusque sur un site d'annonces de rencontres amoureuses, voici comment je me
suis présenté :
OLIVIER, UN
PASSIONNANT SUJET D'ETUDE
Je m'appelle
RAPHAËL ZACHARIE DE IZARRA, je suis venu m'inscrire sur ce site de rencontres
spécialement pour pouvoir suivre de près les pérégrinations informatiques de ce
personnage improbable (et
pourtant bien réel !) nommé OLIVIER.
Je le connais depuis quelques mois (je l'avais rencontré par hasard sur la
toile). Ses annonces
m'avaient fait tellement rire que je me suis décidé à étudier sérieusement
cette personne. Aujourd'hui nous sommes devenus amis, plus ou moins. Je l'aide à
rédiger des annonces plus conformes, à parler aux femmes, à les séduire un tant
soit peu... Son extrême maladresse en ce domaine le rend réellement touchant.
Je suis un observateur, ce personnage me fascine par sa naïveté, sa brutalité,
son ignorance, sa désinvolture et son immaturité. A la fois monstre de foire et
profondément humain, ce Olivier est un cas. J'ai ri avec les autres de ses
maladresses, mais je ne me suis pas contenté de rire, j'ai dans un second temps
souhaité l'aider. Il est en effet trop facile de se moquer des gens et de les
laisser ensuite dériver dans leur illusions... Je tente de lui apprendre à
parler aux femmes, même si l'entreprise est encore loin, très loin d'aboutir.
J'ai ri férocement de son annonce au début, comme la plupart d'entre vous, mais
pensez-vous que l'hilarité stérile puisse aider un tel égaré à progresser dans
la vie ? OLIVIER est une âme candide et grossière, un coeur sans nuance, un garçon
taillé dans le roc sexuel et la guimauve amoureuse, une sorte d'exclus du monde
des sentiments policés, parfaitement étranger aux intrigues des jeux amoureux.
Ce garçon en détresse cherche une femme comme un enfant chercherait un gros gâteau
: sans contrepartie, immédiatement, impérieusement, gratuitement et à sens
unique. Il est fort bête, inutile de se le cacher, ce qui ajoute à la difficulté
de l'entreprise d'éveil de sa conscience. Tenter de faire mûrir un fruit aussi
vert est une affaire de longue haleine, fastidieuse qui demande patience,
altruisme, ouverture d'esprit. Ce que je m'emploie à faire. Ce Olivier est
mon rat de laboratoire en quelque sorte. Avec lui j'expérimente l'aventure
humaine appliquée aux relations amoureuses.
++++++
Certes Olivier n'est
pas un interlocuteur facile.
Sombre,
mauvais, gentil aussi -mais
dans certaines limites-, borné,
colérique, grossier et même parfois franchement abject, pour la plupart d'entre
nous -pour ne pas dire pour
nous tous- Olivier est
l'incarnation même du Mal, de la Bêtise, ou de l'insignifiance, dans le
meilleur des cas.
Bref, Olivier
est un de ces hères informels et sans visage aux antipodes de nos belles et
bourgeoises conceptions sur l'humain. L'exemple par excellence de ce que nous
appelons avec tant d'orgueil une "piètre
compagnie". Pathétique
oiseau de son propre et morne monde fait de jours gris et de solitude, triste
ombre apparue sur ce globe pour mieux s'y égarer dans d'insolubles brumes, Olivier
est un citoyen invisible, un semblable qui n'existe pour personne, un être sans
hauteur et sans défense, une voix qui n'a pas droit au chapitre.
A son sujet
tout le monde est d'accord pour se moquer de lui, le mépriser, l'exclure. Sous
des formes plus ou moins policées, plus ou moins aimables, plus ou moins
hautaines, plus ou mois insidieuses... Et sous les prétextes les plus nobles :
amour de l'intelligence, haine de la bêtise, mépris de la médiocrité, fuite
vers les hauteurs, préférence pour la lumière...
Les mêmes se prétendent
solidaires, fraternels, altruistes... Pas un ne prend la peine de se pencher
sur lui !
Toutes les
excuses étant bonnes pour le rejeter, le bannir, le traiter comme un "problème secondaire", lui Olivier, cet être humain, ce
semblable, ce frère, ce mortel né sous le même soleil qui nous éclaire, qui se
désagrègera sous la même terre qui nous ensevelira nous aussi, toutes les
excuses étant bonnes, disais-je, pour faire de cet humain une sorte d'objet
encombrant, il ne reste plus personne pour mettre en pratique les généreux idéaux
que sont la fraternité, la solidarité, l'altruisme... Si bien défendus en théorie,
si peu partagés dans la pratique !
Sa misère,
personne ne l'appelle misère. Non, ce serait un mot trop beau pour Olivier,
pensons-nous... L'indigence de Olivier, nous préférons l'appeler
"sottise", "inintelligence", "saleté". C'est
tellement plus confortable, plus rassurant, plus expéditif, et donc plus lâche,
de voir de la simple bêtise là où il y a en réalité un océan de détresse, de
vraie, d'authentique, de concrète, terrible, profonde détresse humaine.
Qui s'est penché
sur le berceau de Olivier ?
Personne.
Absolument
personne. Raciste, haineux, violent, bête : tels sont les reproches qu'on luit
fait. Facile.
Trop facile. Je
répète : qui s'est penché sur le berceau de Olivier ? Qui a daigné lui tendre
la main, l'écouter non pas avec cordiale, froide, distante attention mais avec
chaleur ? Qui lui a prodigué tendresse, amour, humanité, amitié, enfin toutes
ces flammes chères à l'homme et qui le rendent meilleur, qui adoucissent les
coeurs grossiers, affinent les âmes les plus épaisses ?
Que celui qui
une fois, une seule fois, après avoir ri de ses travers et maladresses lui a
ensuite tendu la main avec sincérité, avec coeur, avec humanité, sans
hypocrisie, que celui-là, et que celui-là seulement se permette de lui reprocher
ses noirceurs.
Olivier, je ne
te jetterai pas la pierre, moi dont le coeur s'est tourné vers toi avec
simplicité, sans fard ni vanité aucune. Olivier je te le dis en vérité, le
royaume de l'Intelligence appartient aux êtres fraternels. Olivier, je te rétablirai
dans ta dignité. Sous mon aile tu deviendras un astre.
Et sous ma lumière
tu seras un homme.
Un homme, Olivier.
=======
PRECISION :
A ceux qui
seraient tentés de me reprocher de faire la "promotion
humoristique" de Olivier
D.
Certes je me
moque gentiment de ce léger malade mental. Je ne m'en cache pas. Mais il faut
savoir que cette collaboration "imbécilo-esthétique" va plus loin que
les simples apparences.
Car enfin il
n'en demeure pas moins vrai que je suis la première personne qui s'est sincèrement
intéressée à lui. Rejeté par tous, Olivier D souffre depuis toujours
d'exclusion, accentuée par sa surdité.
A la
"charitable" indifférence de ceux qui le rejettent d'emblée sans
chercher à le connaître, pensant avec fatuité tout savoir de lui au premier
abord, j'oppose un authentique sentiment, non seulement de curiosité, mais
aussi d'amitié pour ce pauvre diable sur qui nul n'a jamais pris la peine de se
pencher avec pitié et fraternité. Olivier D est le révélateur de nos manques,
de nos faiblesses, de nos petites lâcheté humaines. Par sa simple existence il
met à l'épreuve nos belles théories sur la fraternité, sur la compassion envers
les plus faibles, les malchanceux...
Sur mon chemin,
jusqu'ici lorsque j'ai voulu présenter dans sa vérité Olivier D, je n'ai trouvé
que de nobles âmes pour le mépriser, le juger, voire le haïr. Face au concret,
bizarrement tous les beaux sentiments chrétiens, humanistes, socialistes, communistes
et même républicains s'écroulent !
C'est vrai que
je joue férocement avec sa candeur. N'importe ! J'ai trouvé ce moyen pour
communiquer intensément avec cet esseulé.
Je suis devenu
son seul ami. Le seul. Le premier.
Une révolution
affective pour lui.
A tous ceux qui
me condamnent sous prétexte que sur le mode sarcastique je sors cet indigent de
son mortel anonymat de pauvre diable qui n'a rien pour lui, que font-ils, eux ?
Rien.
Ils critiquent
mes moqueries à l'endroit de Olivier D, disent unanimement que je suis cruel,
odieux avec lui... Tandis qu'eux, en adoptant une parfaite indifférence à l'égard
de ce Olivier, sont persuadés d'être meilleurs que moi ! Or il n'y a pire arme
psychologique que l'indifférence...
Je me moque de Olivier
D c'est vrai, en attendant moi je suis sa chaleur, son réconfort, son écoute.
Son ami. Et je suis sincère. J'éprouve une réelle amitié pour ce crucifié de
notre société que personne n'écoute, ne tente de comprendre, d'apprivoiser.
Toutes ces
belles âmes prêtes à s'investir pour sauver des affamés à 10 000 kilomètres de
là se défilent étrangement dès qu'il faut prêter un peu de temps aux plus
humbles de notre société... Ces moralisateurs me répondront qu'ils n'ont pas le
temps à perdre avec des imbéciles comme Olivier D... Quel orgueil ! Quel mépris
des faibles !
Hé bien moi
j'ai du temps à consacrer à cette âme en ruine. Moi j'ai du temps à perdre avec
ce miséreux. Moi j'ai du temps à consacrer aux plus petits, aux humbles, aux
exclus.
Et j'ai même
l'ambition de donner des ailes à ce lourdaud. Que dure notre collaboration
humoristico-humaniste !