Je rêve de venir m'enterrer sous le ciel tombal de Clinchamp, cette
localité peuplée de morts-vivants qui semblent eux-mêmes ignorer qu'ils sont au
paradis des ploucs.
Leur séjour hors du fracas moderne est un éden consistant en une impasse de
terre et d'azur, un gouffre de silence et d'inertie, un océan de léthargie
contemplative, et pour finir, une mare de rêves aussi paisibles que
statiques...
Entre boue et verdure, bois communs et humbles foyers, ce village qui
tourne inlassablement en orbite autour d'un siècle révolu s'est définitivement
perdu vers de mortels crépuscules.
Dans son voyage suicidaire vers une utopie à la hauteur de son clocher, il
a depuis longtemps accosté les rives plates de l'immobilisme rural.
Bref, ce cimetière hanté par des fantômes en sabots ressemble à un terminus
mortuaire de la vie provinciale.
Mais à côté de ces lourdeurs, c'est aussi -du moins à mes yeux-, un étang
de joies ternes et rustiques. Un marécage de bonheurs désuets sur lequel voguent
les âmes simples et sans histoires des lieux... Un jardin de fleurs séchées,
totalement ignoré du monde, qui m'attire ainsi qu'un oiseau fatigué vers une
branche morte où se poser.
Je vois cet endroit au décor improbable, ce paysage au visage sans nom,
cette campagne aux allures de néant, comme le dernier asile de mon existence
lassée des mondanités, des fumées et autres vacuités que m'inflige le
sort.
Je n'aspire plus qu'à me reposer loin des artifices de la ville et du
progrès, vivre des jours authentiques pleins de clarté, de franchise, de
fraîcheur.
Me retirer dans cet univers reculé où jamais rien ne se passe. Et où tout
ce qui s'y attarde prend racine.
Enfin, retrouver les heures glorieuses de la Création, à l'image de ces
aubes originelles que l'on voit apparaître chaque matin, là-bas, dans les brumes
de Clinchamp, ce pays obscur aux funèbres pesanteurs et, paradoxalement, source
secrète de toutes les lumières.
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