Séjournant depuis un mois à Clinchamp et insidieusement emporté dans ses
mortelles profondeurs d'immobilisme, mais également dans ses paradoxales
hauteurs oniriques, je prenais conscience jour après jour de la présence de
mystérieuses entités autour de moi...
Je sentais la flamme invisible de ces intrus.
Tant dans les airs que dans les eaux, aussi bien au ras du sol qu'infiltrés
dans la flore, au-dessus des arbres mouvants comme derrière les éléments plus
figés, filant entre les herbes folles ou bien posés sur tel élément
minéral...
Mais qui étaient donc ces hôtes impalpables peuplant la campagne
environnante de ce village perdu ? A quel phénomène étrange étais-je confronté ?
A qui avais-je affaire ? D'ailleurs, étais-je le seul à percevoir ces "drôles
d'oiseaux" se mêlant aux hommes, bois, champs et vaches sévèrement enracinés
dans ce monde reclus ?
Ces lieux champêtres oubliés du siècle recélaient manifestement un grand
secret.
Je n'osais parler de mes impressions aux autres habitants. Après tout, s'il
y avait eu des manifestations inexpliquées ici, j'en aurais entendu parler. A
quoi bon prendre le risque de passer pour un "original" parmi ces rustiques ? Je
soupçonnais chez eux une vue aussi brève que la hauteur de leur clocher, à en
juger par leurs apparences, leurs moeurs, leurs propos. Les villageois me
semblaient somme toute bien trop limités pour appréhender de tels faits, ou plus
exactement, de tels ressentis... Je crois que l'état de leurs pelouses carrées,
les apéros au bistrot ou la rutilance de leurs nains de jardin formaient leurs
préoccupations prioritaires.
Bref, je gardai le silence.
Je pense que la finesse verticale de mon esprit ainsi que ma sensibilité de
fol esthète agissaient tels des philtres : je devais bien être l'unique témoin
de ces prodiges...
Aussi, intrigué, assoiffé de lumières nouvelles, je décidai d'aller m'isoler
en pleine nuit au milieu de ces terres hantées, pour rencontrer frontalement,
directement cette réalité. Ou ce rêve.
Et là je fis la plus grande découverte qui soit en ces circonstances.
Une révélation à laquelle les riverains de la commune ne pouvaient
définitivement pas accéder, car trop proche de leurs pieds et donc trop éloignée
de leurs pensées...
Ces fantômes m'avaient dévoilé leur vraie nature. A moi exclusivement, rien
qu'à moi.
Comme des âmes volantes, des ailes de feu, des souffles essentiels, ces
formes immatérielles personnifiaient, en ce désert rural totalement à l'écart du
reste de la civilisation citadine, les plus vives émanations de la plus pure
Poésie.
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