En arrivant à Clinchamp, je me retrouve dans une mare d'étoiles mortes. Une vallée de flammes mornes. Une plaine d'heures molles.
Et moi, telle une âme folle, je suis dans mon royaume au milieu des champs.
Seul avec les regrets du vent, la mélancolie des herbes, le chagrin des arbres. Tout autour de moi n'est plus qu'ennui, vide, misère. Les oiseaux ressemblent à des formes anodines dans l'azur, l'horizon se réduit à une ligne sans espoir, le ciel porte des cheveux gris.
Et je souris à ces cadeaux amers qui me tombent sur la tête.
Ces calamités du quotidien me rendront toujours heureux, moi que Dieu a doté d'ailes. En effet, ces ombres qui effraient tant mes frères humains incarnent l'essentiel à mes yeux, non le superficiel. Je suis indifférent au beau fixe, aux fleurs statiques, aux nuages trop blancs, au bonheur immobile. Mais très sensible à la langueur des éléments, depuis leurs mortelles lenteurs jusqu'à leurs sanglots d'enclumes. Et ce plomb plus bas que terre, là-bas chez les ploucs de Clinchamp, se reflète en moi de manière lumineuse.
En cet endroit méconnu de la Haute-marne, je deviens un papillon au coeur du malheur : la lourdeur ambiante de cette obscure contrée m'allège, sa brume me transforme en plume, sa torpeur me fait monter.
Une telle campagne aux airs si pesants fera systématiquement se lamenter les endormis. Et se réjouir les initiés.
Moi, ce paradis des corneilles m'émerveille, cet asile des sombres volatiles m'enchante.
La poussière, la boue, et la pluie de ce trou à vaches constituent mon élixir de jouvence, la quiétude de mon esprit, mon oxygène spirituelle.
Ce lieu raillé du monde moderne, loin de tout, sans avenir et sans valeur, est un caillou brut et pur dans ce siècle de toc, le dernier sanctuaire de vérité qui soit digne de mon vol.
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