La Dame Blanche de Clinchamp est toute noire.
Elle a pris la couleur de l'ennui des jours et de la boue des champs.
Et apparaît surtout aux heures creuses du temps qui se fige, vide et
mortel. Ce qui est la norme en ce pays de vaches et de néant où la platitude
règne jusqu'au sommet de toutes choses.
On peut la croiser facilement au détour d'un tas de purin ou d'un puits de spleen, entre matin de grisaille et crépuscule de brume : elle est là, qui attend l'oiseau terne aux plumes de plomb.
Avec sa face décevante de vieille péquenaude, elle n'effraie véritablement que le citadin élégamment chaussé. Et encore, uniquement pour des raisons de style.
Elle va et vient entre trou d'inertie et impasse champêtre, en quête de vent léthargique, de rêves dominicaux et de rats monotones.
Bref, elle crève de torpeur.
Ce spectre des chemins de cambrousse est une ombre soporifique, une enclume de lassitude, un épouvantail insipide.
Une face de charbon.
Un navet dormitif. Une fumée aussi insignifiante qu'une pierre. Une présence quasi absente.
Les rencontres avec cette molle apparition sont sans surprise. L'entité mystérieuse de Clinchamp manque singulièrement de personnalité ! Passagère du quotidien le plus morne, la pauvre errante ne sait que traverser inutilement les bois, traîner dans la plaine ou bien rester plantée comme une cruche au bord des fossés à attendre bêtement que l'éternité passe.
Quel légume elle fait !
Lorsque pour votre prochaine salade vous irez cueillir des pissenlits en ce royaume de l'immobilisme, un conseil : évitez de parler à cette folle.
Même si curieux, intrigué, incrédule en l'apercevant avec son regard dans le vague, son habit de nuit et ses pesanteurs de matrone endormie, vous brûlez de l'interroger... Vous irez au-devant de sacrées désillusions !
Certes, vous pourrez toujours la saluer.
Mais cela ne vous mènera nulle part, car fondamentalement, elle n'a rien à dire !
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