A Clinchamp les cloches sont bien banales, tant par leur aspect que par
leurs effets, voire quasi invisibles bien qu'elles s'activent invariablement à
chaque heure qui passe.
Mais lorsqu'elles sonnent ainsi, mine de rien, parfois elles réveillent de
vieilles figures du passé, quelques morts oubliés dans le cimetière et deux ou
trois fantômes qui se sont attardés ici et là entre rêves crépusculaires et
légendes recouvertes par les ronces des siècles.
Ordinairement les flammes de l'airain ne font résonner nulle tête, laissent
indifférents hommes et vaches, n'effraient pas même les moineaux du clocher.
Mais à de rares exceptions, elles embrasent le ciel, illuminent les espaces
déserts du village, donnent un sens nouveau aux chemins sans issue, font naître
des sommets insoupçonnés au-dessus du paysage plat, font entendre une voix
supérieure aux âmes attentives.
Elles envoient dans l'azur des appels joyeux à tous les oiseaux, et des
anges leurs répondent. Elles répandent à travers plaines et champs un bonheur
d'éther, dans la nue des flots de légèreté, et l'on peut alors percevoir le
chant d'un vent intérieur dans les herbes folles. Elles diffusent une paix
céleste jusqu'au fond des bois et reçoivent en retour un écho plein
d'enchantement.
En ces moments aussi éphémères que miraculeux, les lèvres de l'église
émettent leur son de métal et les éléments de la terre tout autour, jusqu'aux plus hautes nues,
leur rendent grâce sous forme de prière, chacun à sa manière.
C'est là que se manifestent les présences endormies que stimulent les
palpitations sacrées du pieux édifice.
A qui prête une oreille secrète, un oeil pénétrant en ces minutes choisies,
se manifesteront ces intrus surgis -ne me demandez pas d'où exactement, je n'en
sais rien- des plus mystérieux recoins de Clinchamp.
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1 commentaire:
Tellement beau !
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