Tous les gens, des plus éduqués au plus primaires, vous affirmeront avec
des airs supérieurs qu'ils détestent les cancaneries, qu'ils s'occupent de
choses plus "intelligentes", qu'ils ne sont nullement intéressés par ces
bassesses, etc.
Hypocrisie !
Moi je me délecte des ragots, je raffole des rumeurs les plus extravagantes, prête une sincère attention à tout ce qui se dit dans les basses-cours de notre société.
Contrairement à ce que vous diront ces frileux, ces sinistres, ces indifférents, il est profondément humain d'entrer dans la ronde des cancans. L'homme est une créature fondamentalement sociale, il éprouve un impérieux besoin de communiquer, partager. Il est fait pour écouter et pour parler. Non pour se museler au milieu des siens, se boucher sottement les oreilles aux bruissements de l'Humanité au nom d'une prétendue tenue de son esprit...
Vous aussi, vous estimez faire partie de ces natures élevées qui ne se mêlent pas à la plèbe des concierges ?
Quelle prétention !
Celui qui met un point d'honneur à établir une distance hautaine entre lui et le reste du monde n'est en vérité qu'un égoïste qui tente de se faire passer pour une âme noble.
Il méprise ses frères en réalité.
L'humanisme véritable, c'est exactement le contraire de cette apparence de froideur.
Aimer son prochain, c'est être sensible à ses mesquineries comme à ses fastes, à l'écoute de ses délires et de ses fulgurances, proche de ses petitesses autant que de ses sommets.
Voilà pourquoi j'avoue n'être jamais de glace face aux feux des racontars. Le cirque social est un des plus forts ciments de la communauté des bavards. La comédie humaine n'est pas méprisable, elle est nécessaire et glorieuse. C'est dans les rires et les amertumes, les sarcasmes et les louanges, les flatteries officielles et les crachats secrets, qu'est le sel de la vie en collectivité.
Oui, le mortel se nourrit du contact verbal.
Peu importe la qualité de ces échanges, l'essentiel pour lui est de faire battre son coeur à travers le tourbillon ludique des paroles. Son verbe futile et souverain, royal et léger, aussi leste que sournois monte et descend joyeusement dans le ciel des potins, comme s'il jouait au cerf-volant avec ses propres mots et ceux des autres. C'est à celui qui abattra l'adversaire ou dépassera le concurrent en termes acerbes dans l'arène des papotages de basse ou de haute voltige...
Le bipède adore ferrailler contre ses semblables, bénir en haut lieu ou maudire au fond de son trou de rat, médire sous cape ou louer avec artifice.
Voilà qui est charitable, plein de chaleur, de truculence et d'agrément !
Seuls les menteurs, les solitaires, les asociaux, les rigides, les austères, les enterrés, les exclus, les rabat-joie feignent de se placer au-dessus de ces romans de rues... Comme ils se trompent !
Il n'y a pas plus vital, joyeux et infiniment humaniste que de caqueter sur les uns et les autres de salons feutrés en sorties de messe, de places publiques en confessionnaux et de veillées rurales en comités d'initiés...
Les murmures et éclats de voix émanant du poulailler des vivants sont la preuve de la vigueur des pondeurs de joies et de réjouissances. Les colporteurs de vents et folies sont les troubadours éternels de nos villes et campagnes. C'est tout l'opposé de la sèche indifférence, laquelle est un des grands maux de la Terre.
Prendre part au débat informel, intime et indiscret de la ruche, c'est la vivifier !
Bref, le commérage est la forme la plus authentique de l'amour. C'est la flamme de la cité, le foyer ardent des chaumières, le soleil des caves, la lumière de tout ce qui palpite et se régale de mythes et de miettes !
Alors que l'insensibilité tue.
Je le clame fort : rien de ce qui est à hauteur de ma vue ne m'indiffère, les petitesses de mes voisins me touchent, le quotidien d'autrui me passionne.
J'appartiens au peuple des rieurs.
Et brûle de tendresse pour la race des volatiles heureux qui sautillent, jasent et pépient de bonheur !
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