Elle était romantique et moi, dur comme une hallebarde.
Elle pleurait pour une fleur écrasée, je riais en égorgeant des
poulets.
Son coeur tendre d'agnelle sensible croyait pouvoir triompher de la pierre
logée dans ma poitrine martiale. Naïve, sotte et vaine, je l'aimais pour sa
chair offerte, son corsage plein et sa cuisse ferme.
Non pour les idées creuses de sa cervelle vide.
Elle pensait que ses sentiments délicats à mon endroit pouvaient changer ma
poigne d'acier en guimauve, ma gueule de loup en face de chaton, les flammes de
ma virilité en tiède et molle écume.
Face à cette adorable imbécile je demeurais un roc anguleux, un carnassier
sans pitié, un ogre assoiffé de tendrons.
Sa bêtise femelle m'amusait. Elle s'abreuvait de revues de psychologie,
d'ouvrages sur le développement de la personnalité, achetait des bougies
parfumées, toujours en quête de bien-être en toc, n'hésitant jamais à s'offrir
des services en vogue dédiés à la "réalisation de soi" tarifés à hauteur de sa
stupidité féminine, c'est-à-dire pas du tout au rabais...
Partagé entre moquerie et consternation, j'assistais aux errances
psychologisantes et autres vacuités de cette jolie dinde écervelée dont la seule
vertu, à mes yeux, consistait à accepter que je la farcisse de mon glaive
enflammé.
Hors de cette unique compétence à apaiser mes mâles appétits, je
considérais cette chevrette en jupons comme une parfaite nullité. Le pur produit
de ce siècle générateur de cloches et de cruches. Le stéréotype de l'oiselle
élevée aux aliments culturels allégés, nourrie par les pages intellectuellement
amaigrissantes de "ELLE".
Bref, je décidai assez vite de reprendre sérieusement en main l'âme égarée,
de lui mettre du plomb sous ses bouclettes et de la placer sur des rails plus
rectilignes.
Je brûlai ses romans d'Amélie Nothomb et d'Alexandre Jardin pour les
remplacer par des manuels de cuisine, de couture et de jardinage, la couronnai
d'une casserole, la fis asseoir sur son trône en forme de tabouret de trayeuse
de vaches avec un balai dans la main en guise de sceptre, pour en faire la reine
de mon foyer.
Du jour au lendemain la belle se retrouva au sommet de mon estime, passant
du statut de pondeuse d'inepties à celui de femme.
Rayonnante, elle se sentit pour la première fois de sa vie enfin
utile.
Au monde, aux hommes, à elle-même.
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