Né à la dernière ère des chandelles, Séraphin de la Lune est un passager de son époque : les deux pieds plongés dans les terreuses certitudes du temps, avec sur le front la poussière vive des vieux chemins.
Dans sa tête, des champs de fleurs amassées une à une à travers ces sentiers perdus parcourus pour un oui, pour un non.
Séraphin n’est pas pressé dans la vie. Le soir il allume l’âtre à toute heure. Le cadran de son horloge, c’est la voûte nocturne, son carillon, les étoiles.
Il côtoie si bien les épouvantails croisés entre mars et septembre que parfois, au crépuscule comme sous les lunaires clartés, sa silhouette se confond avec leurs haillons de chimère.
La nuit ses songes sont troublés par le cri de la chouette et les chuintements d’Eole dans les arbres.
A la dure saison, au matin le givre cogne âprement à sa porte pour lui offrir sa dentelle de glace et de lumière. Aux aubes vernales, la Création bourgeonnante parfume toute sa demeure. Le ciel ardent d’août empli de braises et d’orages enflamme son esprit de rêves électriques. A la récolte des fruits, sans façon il se régale de pommes et de raisins et s’enivrera bientôt de leur suc que fermentera le tonneau...
Tout enchante Séraphin : midi aussi bien que minuit, le fracas de la grêle tout autant que la brume paisible, l’herbe folle du fossé si commune à ses yeux comme le mystère des nuages virtuoses, le cri inquiétant du corbeau en plein bouillard et le chant joyeux de la haute alouette, le charme aérien des cloches dans le lointain ou la mélancolie soudaine de son glas...
Depuis sa maison isolée, au coeur de cet univers champêtre, l’horizon de Séraphin est rempli de promesses.
Séraphin de la Lune sait qu’il vit dans un monde bouleversant. La preuve, des volutes de fumée s’élèvent, là-bas à la jonction de la terre et de la nue...
Séraphin, fasciné, suit du regard le point qui chemine. Et qui lentement grossit, s’approche, s’approche de plus en plus dans un mugissement sourd mêlé d’allégresse... C’est de la folie, c’est merveilleux, impensable : la modernité passe à quelques encablures de son gîte !
- Tûûûût ! Tûûûût !
Jamais le tonnerre n’a été si doux.
Le convoi crachant avec majesté sa flamme de neige fait trembler les murs de son foyer.
Et Séraphin, en transe, regarde s’éloigner la locomotive tractant ses lourds wagons, laissant sur son passage le témoignage volatil de sa réalité de charbon et d’acier où iront s’abreuver, à mesure humaine, ses rêveries d’authentique enfant du XIXème siècle.
17 commentaires:
Le 19-eme siècle, la poésie, la Lune, les bossus, les galaxies, les vieille-filles laides et le rêve forment votre univers littéraire, VOTRE SIGNATURE sur la page céleste du Verbe.
La ou vous commencerez a vous "renouveler" selon le gout des lecteurs, vous deviendrez peut-être plus populaire, mais plus insignifiant a l’échelle de la Vérité : le monde est déjà pollue par des Huellebecq a l’image du gout déchu de notre temps.
Raphaël Zacharie de Izarra,
L'habilité de votre narration m'a fait vivre cette histoire comme si j'y étais.
et cette phrase :
"le givre cogne âprement à sa porte pour lui offrir sa dentelle de glace et de lumière"
Génial.
Merci.
et "la poussière vive" est tout aussi magnifique que la phrase mentionnée par le "Monsieur"
"- Tûûûût ! Tûûûût !"
quel trait de génie
Cette autre phrase :
"Le ciel ardent d’août empli de braises et d’orages enflamme son esprit de rêves électriques."
Du talent.
J'adore la ponctuation
et les déterminants
Anonyme, "- Tûûûût ! Tûûûût !" est sans doute la seule chose que vous ayez pu comprendre.
Raphaël Zacharie de Izarra,
La jalousie dont certains de vos détracteurs sont animés est un excellent indicateur de votre talent, n'en doutez jamais.
Le harcèlement qu'opèrent ces personnes à votre encontre ne fait que démontrer leur vile condition : empêtrés dans la bourbe de leur indigence, ils ont désespérément conscience de ne jamais parvenir à égaler votre pointure, d'où ce besoin constant de chercher à vous rabaisser à leur niveau de sombres paltoquets.
Ou l'amusement de cracher sur la branlette intellectuelle
Anonyme,
Ce n'est pas de l'intellect ici mais de la littérature.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Il ne suffit pas de mettre de beaux mots à la suite pour faire de la littérature.
Anonyme,
En effet, il ne suffit pas de mettre de "beaux mots", comme vous dites, à la suite pour faire de la littérature.
Je suis le premier à confirmer cette évidence...
Mais où voulez-vous en venir exactement ? Votre réflexion me pousse à penser qu'il ne suffit pas non plus de bêtement savoir lire pour avoir le sens littéraire.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Chez vous, tout est moyen et tiède ( je ne parle pas strictement de ce texte).
Je dirais même plus que les propos distillés sur ce blog bas et froids
3/20 Médiocre
signé un royaliste qui méprise la petite noblesse.
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