Parfois, las du fracas de la cité qui m'écrase et m'engloutit, je viens en
pèlerinage à Clinchamp, incognito.
Je me dissimule alors dans un recoin perdu de cette campagne tant désirée,
à l'écart du village.
Là, bien caché par quelques buissons opportuns, confortablement installé
dans un petit creux de terre, j'observe de loin la vie paisible du clocher, à
l'écoute de la nature, entouré d'immensité, bercé par le vent.
Niché à l'abri des regards, mon humble poste d'observation devient aussi
mon refuge intime et je me sens comme un oiseau dans ses hauteurs.
Evadé de la ville, exilé de ce siècle, je me repose en ce lieu, soulagé des
pesanteurs citadines, et commence à respirer l'air de la liberté retrouvée.
Couché au ras des herbes avec la champêtre agglomération dans mon champ de
vision, je me laisse emporter par mes rêves.
Le spectacle bucolique de ces toits environnés de silence et de verdure
-image idéale atténuée par une légère brume- allié à la légèreté d'un ciel que
je sens infini au-dessus de moi, suffit à me plonger dans une véritable
extase.
Par sa beauté simple et essentielle, ce théâtre virgilien me comble de
sérénité, fait entrer plein d'azur dans mon âme. Et je m'envole vers les sphères
supérieure de la contemplation statique.
Campé dans ma cachette de broussailles, fondu avec le paysage, rendu
invisible, je laisse les heures couler et ne vois plus le temps passer. Loin de
m'ennuyer dans cet isolement ultime, au contraire j'apprécie chaque instant
devenu précieux, la brise qui me caresse, le moindre événement à portée de ma
conscience en total éveil.
Je suis à la porte d'un bonheur confus, étendu au bord d'une
sorte d'éternité. J'ai le sentiment d'être au seuil d'une félicité céleste qui prend sa source au fond de mon minuscule espace. L'impression que l'ombre où je suis blotti est un promontoire vers un océan de lumière.
Je me joins à l'Univers, aussi humble que soit ce tableau qui se déploie
devant moi, car, je le sais, des ailes sacrées me portent.
Bref, ce trou à rat depuis lequel, à l'insu de tous, je sonde ce monde
reclus et oublié est dérisoire, mais mon voyage est grandiose.
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