Je parcours les terres ordinaires de Clinchamp, le coeur telle une plume,
le pas comme une aile, les idées en pleine altitude, inspiré par les muses de
la platitude, à l'affût de la moindre insignifiance, émerveillé par les
fulgurantes banalités que je croise.
Ne m'attendant à aucune déception, je me retrouve face à d'autres surprises
que celles auxquelles j'aurais pu être confronté.
Ainsi la poussière, les cailloux, les herbes, les fossés, les arbustes et
buissons prennent des allures nouvelles : ce ne sont plus de simples éléments
inertes de la campagne que je vois, mais des signes, des présences, des phares
qui jalonnent mon humble aventure initiatique. Des existences muettes,
discrètes, devenues presque invisibles aux yeux du commun, mais vibrantes sous
mon regard, faisant partie d'un quotidien secret, enfoui, mystérieux...
Bref, je traverse cet univers trivial les semelles alourdies par les
pesanteurs du sol, mais l'âme à la verticale.
Heureux de mon sort de flâneur, vagabondant avec mes rêves pour toutes
compagnies, je me promène là où nul ne vient jamais s'égarer, précisément parce
qu'il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à gagner.
Alors même qu'au premier abord tout autour de moi n'est que brume, silence
et déprime dans cette progression vers ce qui semble n'être que de l'ombre, du
vide et de la solitude, en réalité je marche la tête dans la lumière.
Je ne rencontre que des petits riens, des formes sans importance, de
modestes choses à portée de vue, sur mon chemin de misère. Une flamme m'éclaire
cependant.
L'horizon n'est point mon but. Ni le ciel ni le Soleil. Non, moi ce que je
veux, c'est rejoindre le fond de cette toile terne, plonger dans ce crépuscule
sans borne, aller plus loin que les profanes qui bêtement s'arrêtent aux
immédiates apparences, reculent devant ce qu'ils estiment être dérisoire, fuient
tout ce qui ressemble à l'ennui.
Je ne tombe finalement que sur quelques fleurs pâles, uniques trésors semés
sur ma route.
Et après avoir exploré cet océan, introuvable pour qui ne le cherche pas,
sondé cette immensité à laquelle n'ont pas accès les esprits étriqués, gravi ce
sommet hors d'atteinte des natures vulgaires, le soir, fatigué mais rempli de
sobre bonheur, je me couche en emportant dans mon sommeil la clarté de ces
minces étoiles récoltées aux creux des sentiers.
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