A Clinchamp j'ai maintes fois perçu des aubes porteuses d'ombres n'ayant
d'autre espoir que d'aboutir au naufrage de soirs sans gloire, vu des aurores
moroses se conclure par d'accablants crépuscules, ouvert les yeux sur des matins
aussi sombres que des jours de deuil, été éclairé par des levers de Soleil
n'aboutissant qu'à l'ennui de journées dénuées d'éclat, emprunté des chemins
sans surprise menant à des déceptions attendues, gravi des monts insignifiants
débouchant sur des platitudes, voyagé vers de mornes impasses pour échouer dans
des heures parfaitement statiques.
Mais aussi, et cela n'en est que plus remarquable, été emporté dans les
cieux par des ailes blanches, ultimes, éthérées. D'autant plus haut que le sol
fut bas, lourd, noir.
Bien qu'entouré de bouses et de lourdeurs, de sabots et d'épaisseurs, je
suis monté jusqu'au sublime, porté par l'esprit véritable des lieux, faisant
abstraction des communes apparences, débarrassé des brumes de l'intelligence
strictement horizontale et des voiles de la pensée purement pragmatique.
En effet, dans ce banal clocher de la Haute-Marne règne, en réalité, toute
la beauté du monde. La sobriété du paysage reflète l'essentiel de la Création :
c'est à travers la modestie des choses, l'aspérité du visible, l'humilité des moyens que
se manifeste le miracle du quotidien sans cesse renouvelé.
Un horizon fade, une terre obscure, un ciel opaque, des hommes aux fronts
ternes et quelques vaches beuglantes, une ambiance de marbre, des dimanches
comme des tombes, rien de plus motivant pour aller de l'avant ! Voilà bien une
incitation à progresser vers des espaces lumineux.
C'est même la porte ouverte à l'évasion. Une aventure pour l'âme, une
expédition vers un ailleurs subtil, un bonheur d'accès facile, la découverte de
nouvelles clartés, la merveilleuse expérience de la légèreté intérieure, la
vraie liberté des êtres détachés de l'écorce du réel.
Et à travers le prisme de mon regard d'esthète je vois les béotiens du
village semblables aux astres qui brillent dans une verdure sidérale, leurs bétails de cornus tels des pégases voltigeant dans un azur mythologique, les mares aux canards pareilles à des flaques de pureté où se mire le firmament.
Bref, face au poids de l'ordinaire, en guise de fuite vers la ville
illusoire, les mirages et vulgarités de ce siècle ou les pesanteurs matérielles,
il y a la course concrète vers le beau !
Le véritable trésor que j'ai trouvé à Clinchamp s'appelle LE RÊVE.
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