Tu pars donc, mon voisin du dessous...
Tu pars et moi je reste. Je reste comme restent les pierres.
Toi Pierre tu vas rouler ta bosse ailleurs, loin, là-bas, je ne sais où, à
l'autre bout de la Terre. Ou bien sur une autre Lune. En haut d'un escalier
différent. Dans le creux d'un songe plus profond. En bas d'une colline plus
verte, là où coulera la source de tes jours nouveaux. Une onde à travers laquelle, crois-tu, tes reflets seront clairs, ta vie lumineuse.
Oui et non. Je ne sais pas. Peut-être. Tout changera certes. Mais
tout restera figé, tout sera comme avant, tout fera croire à un rêve pétrifié, à
un train faisant du sur-place. Comme une roue qui se meut et qui pourtant dans
sa course autour d’elle-même revient exactement au même endroit, sempiternellement.
Tout part, tout passe, tout tourne et tout revient. Seules les illusions
changent.
Bref tu seras loin d’ici et ton fantôme demeurera à jamais sous mes pieds.
Parce que moi, vois-tu, je prends racine sous mes ailes. Je suis un grand
oiseau, de plus en plus vaste. Tu en ris oui mais tu le sais. Et plus
je m’alourdis, plus mes ailes grandissent. Cet escalier que tu quittes, c’est
mon piédestal. Pour m’élever toujours plus haut, je ne dois plus en redescendre.
Je te regarde donc t’envoler avant l’heure, Pierre. Tu pars et je t’accompagne
de ma plume. Elle est légère, timide, mélancolique un peu.
Je penserai à toi, à ton nouveau toit, à ton ciel d’avenir là-bas et à tes
nuits passées dans ton nid ici, invisible. Et de temps en temps j’irai voir
l’écume de tes vols poétiques laissée dans l’azur de la Toile. Par curiosité,
intérêt, par envie peut-être...
Un hôte te remplacera, au 2 Bis. Et ce hibou peuplera mes insomnies
d’interrogations nouvelles. Ce chat-huant sera -qui sait ?- une ardente créature
hautement sexuée qui me fera baver comme un vieux crapaud pustuleux d’un désir
follement impur. Ou une sorte de Farrah Fawcett qui fera vibrer ma fibre
esthétique à en avoir la diarrhée. A moins que ne niche sous mon sol un pur
laideron... Que je devrai néanmoins faire souffrir d’un espoir d’amour cruel et
beau, par sens du devoir lyrique.
Alors que tu es sur le point de t’évanouir dans le monde, me voilà prêt
pour une neuve aventure izarrienne avec celui ou celle qui te succédera.
Pierre, mon denier mot pour toi ne sera pas une surprise. Tu t’attends à
cette chose ultime que je vais t’adresser car elle m’est chère, tu ne l’ignores
pas.
Ce n’est pas banalement de l’amitié que je t’envoie (nous n’avions
d’ailleurs aucun rapport d’amitié à part d’insipides “bonjours”), ce n’est
pas non plus une pomme, pas un serpent, pas une étoile, pas plus mes initiales
ou même un encrier en forme d’entonnoir, non ce n’est rien de toutes ces
bêtises, ce n’est rien qui vienne de moi non plus, c’est bien mieux, infiniment
mieux car ça vient d’ailleurs, nul ne sait d’où exactement...
Mais c’est un diamant.
Mais c’est un diamant.
C’est impersonnel, éternel, froid et suprême : ce trésor que je te destine, c’est la
Poésie.
VOIR LA VIDEO :
http://www.dailymotion.com/video/x2gffw7_lettre-d-adieu-a-mon-voisin-pierre-raphael-zacharie-de-izarra-1
https://www.youtube.com/watch?v=_Ly1Xoi60Tk
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https://www.youtube.com/watch?v=_Ly1Xoi60Tk