Certes il m’est arrivé de férocement railler la juvénile population. Il est vrai que certains aspects de la jeunesse choquent ma belle sensibilité d’esthète aigri, mais fondamentalement j’aime les jeunes.
Leur impertinence, leur irrespect, leur moeurs, moi je les vois comme de saines innovations.
Leur esprit vert, c’est si je puis dire le sang neuf de l’humanité. Ces herbes folles qui violent nos statues sont les chênes de demain. Ces injurieux qui d’un seul mot balayent l’Histoire sont les maîtres du futur. Ces impies crachant sur nos idoles sont une bénédiction pour l’avenir.
Briseurs d’autels, ils renouvellent le sacré. C’est en piétinant nos jardins qu’il sèment leurs propres graines.
Jeunes, rebellez-vous sans regret, offensez nos lois, riez de nos certitudes, répandez votre vin joyeux sur nos ancêtres pétrifiés dans la cire, moquez-vous des fronts austères qui vous jugent immatures, soyez insolents, soyez audacieux, soyez forts : brûlez nos livres, écrivez les vôtres !
Vos téléphone portables, vos piercings et vos manières me hérissent mais n’en sont pas moins les preuves de votre créativité innée, de votre goût pour le progrès, de votre dédain pour les stériles traditions et sottes habitudes ! Laissez baver la vieillesse sur ce qu’elle appelle vos vices. En réalité la perversité, la vraie, est logée sous leurs rides malveillantes et la vertu, la véritable, c’est vous qui la défendez.
Car à votre âge l’inventivité, la contestation, l’effronterie sont des saintetés.
Vous êtes une pluie féconde : vous arrosez l’Humanité d’une bile pleine de fraicheur et vos sentences -quelles soient naïves, réfléchies ou emportées- sont bonnes, justes, vraies.
N’écoutez pas ces moralisateurs, tous gens voûtés aux cheveux couleur de poussière, qui prétendent vouloir votre bien : eux aussi ont été jeunes, eux aussi ont vu le monde avec vos yeux clairs. Mais c’est parce qu’ils ne se souviennent plus d’avoir eu vingt ans que ces centenaires vous reprochent votre âge.
Jeunes, désobéissez ! N’écoutez pas ces vieux chnoques sclérosés par leurs dogmes et qui vous conseillent la prudence, la modération, la tiédeur... Croyez-moi, leur cervelle paresseuse est un vieux pot de chambre qui pue le rance, leur coeur une fleur flétrie, leur âme un grand sac alourdi de péchés.
Ces vérités, ils se garderont bien de vous les dire... Ces vieillards qui se prétendent sages sont en fait des lâches, des faibles, des peureux, des menteurs qui aiment faire passer leur petitesse pour de la grandeur aux yeux des jeunes que vous êtes. Aussi répondez-leur toujours avec l’irrévérence qu’ils méritent !
Vos expériences, découvertes et émerveillements sont plus respectables que leurs désenchantements, lassitudes et mortelle inertie.
La religion, la morale, l’ordre, la raison, la sagesse, la routine, l’ennui sont faits pour les vieux, les imbéciles, les poltrons.
Et les morts.
Vous, vous êtes vivants.
Vous êtes faits pour la joie, l’amour, l’aventure, la folie, la beauté, la nouveauté, la vie... Alors FONCEZ !
Vos sonneries de portables sont fort laides mais elles ont au moins l’avantage de réveiller les beaux esprits comme moi qui dans un sursaut de lucidité vous admirent, vous célèbrent, vous comprennent et vous défendent.