On le croit follement épris de liberté, ami du vent, le coeur dans les
nuages...
En réalité le vagabond préférerait mieux les chaînes du confort aux
chimères de ces piètres rêveurs qui gardent leurs pieds au chaud !
On s'imagine que l'égaré des chemins court après un idéal qui dépasse notre
quotidien d'embourgeoisés, qu'il poursuit des étoiles qui ressemblent à des
flambeaux, détaché de toute pesanteur temporelle, assoiffé de pluies, ivre de
voyage vertical...
En vérité, la meilleure chose qu'espère le pauvre hère des rues, loin de
ces fadaises qu'on lui prête, c'est de se retrouver entre quatre murs, bien au
sec, dûment chaussé de pantoufles et délicieusement vautré devant une télévision
!
On le surnomme "âme bohème"," frère des bêtes" ou "sage des routes et des
bois"... Quelle erreur ! En fait, il déteste ses errances de rat, les animaux
sont les pires ennemis de sa triste vie de gueux et il est fatigué de ses allées
et venues entre le vide de ses jours et le néant de ses nuits.
Son existence lamentable n'est qu'un ennui sans fin, une marche sans but,
une stagnation sans fruit : il tourne en rond autour de sa solitude, de sa
misère, de son chapeau crasseux.
La prochaine fois que vous le croiserez, assis sur un banc public ou bien
méditant au bord de l'onde, le regard lointain, n'écoutez plus ses sornettes de
faux philosophe à barbe blanche ! Il n'adhère certainement pas aux fables qu'il
vous raconte ! Cela n'est qu'enfumage.
Tout ce qu'il voudrait, bien caché derrière ses mensonges le faisant passer
pour un personnage solaire qu'il n'est définitivement pas, c'est échanger ses
vieux croquenots pourris de gros sanglier puant contre votre grand lit douillet et votre
belle bagnole rutilante de nanti heureux !
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