Henri était une tête.
Un sacré ciboulot. Un cerveau. Un puits de pensées.
Il en avait dans le mou.
C’était une forte caboche également.
Athée, brillant, érudit (et même savant), mal habillé, bien intentionné,
intellectuellement féroce et socialement assez imbuvable, ce
clodo révolutionnaire ne pouvait mourir que comme un homme ordinaire : avec
l’humilité, ou plutôt l’insouciance, l’indifférence de ceux pour qui la mort
n’est rien.
En silence et à l’ombre.
Pourtant, avec sa barbe de prophète démodé, son front de penseur d’un autre
siècle, sa production cérébrale pure, il en imposait ! Des allures augustes, des
mots éclatants, des vues profondes, une voiture pourrie...
Railleur, sage et tonitruant, il sortait des vérités philosophiques
ou égrillardes dans la puanteur des volutes de son mauvais tabac.
Et on l’écoutait, amusé, surpris, impressionné par cette statue
impénétrable. Le personnage flamboyait par sa cervelle, déshonorait ses hôtes
par ses tenues ternes, sa mise négligée, ses vieilles godasses.
Il est mort, après une existence longue, riche, humaine. Mort comme meurent
les chiens, c’est ce qu’il voulait. Ne pas faire de bruit, partir comme on naît
: tout banalement.
Lui le médecin, lui le raisonneur, lui le crâne pensant, il avait du
coeur... pour la vérité. C’est à dire l’intelligence seule.
Mais qu’est-ce que l’intelligence sinon de l’esprit ? A sa manière n’était-il
pas épris d’âme, finalement ?
Il ne croyait en aucun soleil divin, en nul astre supérieur, pas même en
une étincelle de survie...
On lui souhaite la Lumière.