Les trottoirs étaient tristes sous le soleil d’été. Mon pas se faisait
lourd au bord des jardins désertés.
La cité figée dans une léthargie de fin de repas lui donnait des airs de
nécropole sans goût. Parfois j’entendais de vagues bruits de vaisselle au loin,
des voix du quotidien, des bribes de conversations sourdes... L’habituel
et insignifiant pépiement humain des jours qui se ressemblent tous.
La ville endormie respirait l’ennui, la morosité, l’inertie.
Avec une intensité accrue, je ressentais cette saveur de l’ordinaire, fade
et rassurante. Ce parfum prosaïque des réalités familières... Un air légèrement
déprimant, subtilement anesthésique...
Le plomb de la platitude qui rend immortels les souvenirs les plus
banals.
Bref, un dimanche de silence et d’agonie. Comme un deuil sous le soleil.
Une ambiance mortelle de sous-préfecture en plein mois de juillet.
Et je déambulais, plein de mélancolie, dans ce monde morne.
Un univers terne, pétrifié par les habitudes, plongé dans l’eau
dormante des normes provinciales, figé dans la glu des certitudes
dupontesques.
Au fil de mes pensées grises dans ces rues éteintes, mon spleen au lieu de
sombrer dans le néant, l’obscurité, la stérilité se transformait en une volonté
lumineuse d’envol céleste ! Afin d’y éprouver des vertiges glorieux, sentir des
flammes sacrées, côtoyer quelque sublime oiseau...
Assoiffé de bourrasques d’automne, de tonnerre intérieur et de grêle
hivernale contre ma face de loup, je n’étais plus qu’un bloc de rage contre un
océan de médiocrité.
Et je filais à vive allure dans ces artères vides, furieux, impatient, en
quête de miracle, résolu à terrasser l’immense torpeur de cette fatale journée
et à affronter l’indicible !
Mais je ne croisai rien de phénoménal dans ma marche vengeresse. Nulle
surprise fantastique au-dessus de ma tête enivrée de rêves. Rien d’éclatant sur
mon chemin de désolation.
Et puis soudain tout s’illumina dans mon âme.
Le feu désiré était en moi.
Et non au sommet d’une montagne, non dans les brumes de l’horizon, non au
bout de la Terre...
Les profondeurs de mon être s’éclairaient et je posai un regard neuf sur
les choses. Le spectacle de cette routine, de cette pesanteur qui m’entouraient
ne m’affligeait plus.
Une image en filigrane embellissait la cité. Tout s’allégeait. Tout était joie.
Une image en filigrane embellissait la cité. Tout s’allégeait. Tout était joie.
Cette étoile, cette lumière, cette beauté logée dans l’invisible se nommait Farrah Fawcett.