En parcourant le pays à la fois fade et mystérieux de Clinchamp, pour peu
que vous soyez sensibles aux charmes lourds de ces terres d'obscurité et de
plomb, vous y découvrirez des éclats uniques et des images rares.
L'oiseau que vous apercevrez dans le ciel, par exemple, prendra des allures
d'augure local sous vos yeux fatigués de citadins accoutumés aux écrans criards.
Le paysan que vous croiserez aura pour vous des airs d'épouvantail de fable. Et
le bois à l'ombre immense deviendra l'antre de vos mauvais rêves.
Vous pénétrerez à petits pas dans un siècle révolu, vous qui êtes blasés de
tout, repus de superflu et gonflés de vos petitesses de vaniteux des villes.
Vous vous changerez bien vite en égarés des champs, troquant vos semelles fines
contre de durs sabots. Vous vous nourrirez de graines de sobre littérature
mêlées d'amer azur et vous abreuverez de la simple flotte des flaques coupée de
la brume âpre de l'horizon.
La mort sera votre route tracée et la nue votre ivresse.
Les plates étendues autour de vous seront votre unique évasion.
Réjouissez-vous, car vous serez libérés de vos pesanteurs urbaines !
C'est-à-dire, privés de vos agréments de toc et de vos trucs en trop.
Ici, vous devrez vous régler sur le rythme engourdi des balourds du coin.
Vous prendrez exemple sur les bouseux et sur les vaches. Votre paradis monotone
aura la couleur du terreau et la saveur de la poussière. Vous verrez croître des
pissenlits d'ennui sous vos pieds. Et dormirez d'un sommeil sépulcral aux songes
légers.
Avec oreiller de nuages et vue sur les étoiles.
Bienvenus au cimetière des gens heureux !
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