Là-bas il n'y a rien à faire, nulle curiosité à voir, pas une seule particularité
à relever. La terre y est neutre et le ciel en reflète les pâles fumées, l'horizon
s'ennuie du matin au soir et même l'espace n'est qu'un vaste cul-de-sac.
Bref, cet endroit perdu n'est qu'un sommet d'insignifiance et de platitude, l'apogée des mortels voyages, la fin de tous les chemins, un univers anonyme situé à l'autre bout du monde, au dernier étage de l'oubli.
C'est une mer de léthargie, une immensité sans plus de mouvement. L'heure éternelle du cadran arrêté. La grisaille fixe. Le sommeil des cailloux.
C'est surtout le lieu idéal pour s'enterrer, disparaître et ne devenir plus qu'une ombre.
C'est-à-dire, entrer dans le grand ailleurs. Celui où le quidam en vie est l'égal d'un mort.
Et pourtant, dans ce gouffre d'inertie où je ne cesse d'aller et venir, de monter et de descendre, de me brûler l'esprit et de me glacer la peau, il se passe mille petits riens qui suffisent à meubler chacun de mes jours et faire déborder mon âme de joie austère !
Dans ce pays reculé de notre siècle, le moindre événement à hauteur des vaches prend des dimensions cosmiques. Un piquet tordu, un bosquet sous le vent, un bruissement dans les herbes, et c'est un coup de tonnerre dans l'azur, une aventure qui me poursuit jusque dans mes rêves, un roman à raconter aux nuages, au clocher du village et aux étoiles.
Dans ce royaume à part où le dérisoire est roi, aucune des journées ne s'annonce dans le fracas : tout arrive à pas feutré. Sous le calme et le silence de cette planète des pissenlits où personne ne veut s'exiler, le fétu de paille est une enclume et la brise du printemps une tempête.
En ces rivages isolés que je vous relate avec ce sombre lyrisme, le minuscule se transforme en prodige et les plates choses en montagnes. Au premier abord vous n'y trouverez certes pas grand-chose d'éblouissant. Mais sous votre semelle, en profondeur, par-delà les apparences, vous y verrez tout le reste.
C'est là tout le mystère et le miracle de Clinchamp.
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