Bien qu'elle soit majoritairement peuplée de gens très communs, ternes et
très stables, ce que j'appelle des êtres normaux, notre planète scintille de toutes
sortes de personnes étranges et mystérieuses.
Je veux parler, en effet, des inadaptés de haut vol : artistes torturés,
écrivains tourmentés, clowns à l'humeur sinistre, auteurs de légèreté et autres
créateurs de joie aux personnalités complexes et cafardeuses...
Tous célèbres, adulés, enviés. Mais également, pour certains, affligés d'un
terrible mal-être.
Ainsi des acteurs de cinéma à l'avenir prometteur se suicident, incapables
de vivre en paix avec leur conception sophistiquée et troublée de la vie... Des
têtes solaires sombrent dans l'obscurité, emportés par leurs angoisses. Des
chanteurs aux idées morbides disparaissent avec fracas et scandale, ne trouvant
rien d'autre à faire sur cette Terre pourtant si riche d'éclatantes réalités, de
brillantes opportunités et de fécondes évasions...
Je ne comprends pas les tempêtes intérieures de cette faune de salons au
destin funeste. Je suis hermétique à leurs problèmes de comédiens, de
saltimbanques, de peintres, de romanciers, de génies, de penseurs, que j'estime
soit imaginaires, soit hors de ma portée.
Moi j'appartiens aux esprits simples, aux hommes sans histoire, aux âmes
claires qui ne demandent au ciel que le strict minimum : sa lumière ordinaire,
des nuages, un peu de pluie et quelques oiseaux, rien de plus.
Eux refusent tout ce que le sort leur offre, exigent l'impossible et
finalement choisissent le néant. Le cadeau de leur naissance en ce monde ne leur
plaît guère. Ni même le surplus qui leur a été octroyé : fortune, succès,
renommée. Au nom de je ne sais quels tarabiscotages intellectuels, conceptuels,
mentaux, ils ne peuvent marcher comme les autres sur les chemins de la
simplicité, de la clarté et de la sobriété.
Il leur faut des gouffres, des désespoirs, des langueurs... Avec plein de
séduisantes souffrances. Surtout celles qui sont le plus en vogue. Tels sont
leurs feux d'artifices mondains à eux. Rien que des ruines et des misères
retentissantes. Sans omettre les mots les plus lustrés pour le dire avec
parisienne élégance ou bien sans retouche, avec la brutalité et la franchise des
implacables héros de notre temps...
Bref, gémir et mourir pour des raisons que le lourdaud de la rue ne
saurait concevoir, pour eux c'est l'essentiel.
Je les observe s'enfoncer dans la déprime et le nihilisme. Et m'étonne de les voir disparaître de nos écrans, de nos cirques, de nos bibliothèques, de nos journaux et de nos théâtres, incrédule face à tant de mortelle vacuité et de létales stérilités...
Je suis déconcerté par la détresse fastueuse de ces inconsolables en
dentelles, moi qui aime par-dessus tout les coeurs humbles et limpides de mes
semblables heureux !
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