Tu étais venue t'installer près de chez nous, sans faire de bruit, pour y
vivre à l'ombre des murs du Vieux-Mans, comme une fleur fragile. Nous
commencions à nous connaître petit à petit, toi si frêle, nous si froids... Et
puis à force de nous dire bonjour timidement, nous nous sommes raconté nos
vies. Et tu es devenue Sandrine, notre chère voisine.
Quelques saisons se sont écoulées, nos liens se sont resserrés, peu de
temps avait suffit pour cimenter cette amitié de bon aloi.
Et puis l'intruse est entrée dans ta vie. Cette maladie dont je n'ose plus
prononcer le nom, ce mot terrible qui commence par un C et qui finit par un R,
le fameux c...r.
Tu paraissais déjà si vulnérable avec tes allures de brindille... Mais tu as su faire face. Invariablement, je t'ai vue digne et positive. Souriante, sans
jamais te plaindre.
Je me souviens particulièrement lorsque, de retour de ville, cachant tes cheveux perdus à
l'aide d'un foulard enroulé, tu déposais ton vélo fatigué au
coin de la rue en le fixant à la grosse gouttière verticale. Là même où, moi
aussi, j'avais toujours attaché le mien. En ce point stratégique nous nous
croisions souvent, toi rentrant dans ton foyer, moi partant en vadrouille sur ma
bicyclette de feu...
Alors parfois brièvement j'évoquais ton état de santé. Ou bien je
me taisais, et tu comprenais mon silence, je crois. Je pensais que tu gagnerais ton
combat. Mais tu l'as perdu.
En toute discrétion. A ton image.
Nous ne te voyions plus depuis des semaines, en effet. Et nous pensions que
tu reviendrais après ton épreuve.
Mais tu n'étais déjà plus de ce monde. Nous ne le savions pas.
Nous avons appris la vérité quatre mois après ton départ.
Et nous n'avons pas eu le courage d'aller visiter ta sépulture au
cimetière.
En souvenir de toi, par pudeur probablement ou pour une autre raison
confuse en moi, je ne sais pas trop, depuis que tu es partie, je n'ai plus
jamais apposé mon bicycle le long du conduit d'eau, là où tu avais l'habitude,
toi aussi, de cadenasser le tien avant de monter chez toi.
Une manière, peut-être, de ne pas t'oublier.
Adieu, Sandrine notre voisine.
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