Dans une retraite comme la mienne, moins l'on possède de choses, plus elles
sont essentielles.
Ici, loin des villes, tout près du sol et si proche du ciel, mes
occupations de solitaire prennent une dimension verticale. Mes besoins les plus
rudimentaires et mes appétits les plus frustes deviennent des causes royales,
des offices sacrés, des missions supérieures.
Ainsi j'apprécie comme un mets divin la moindre patate issue de mon maigre
sillon. La denrée horticole est la juste récompense de mon labeur.
Quant au fruit récolté dans mon verger sauvage, il est une manne précieuse
que je savoure avec reconnaissance envers la terre et le soleil qui les ont fait
naître à ma porte. Un cadeau sucré et juteux qui m'est offert à l'opportune
saison sans que je ne fasse rien d'autre que d'attendre qu'il tombe de sa
branche.
Mon existence s'adapte au rythme lent et paisible des germes.
Je marche aux côtés des jours, ralentissant le pas quand il le faut,
réglant mon allure sur les heures que m'impose la nature. Je prends le temps par
la main et chemine avec lui du matin jusqu'au soir. Je ne vais pas plus vite que
la sève, le vent, les astres.
Les nuages filent au-dessus de mon potager, il me suffit de les observer
pour me rappeler la véritable direction de ma vie. C'est dans les nues que
tournent les aiguilles de mon cadran.
Et mes plantations croissent et mûrissent avec la patience du Cosmos.
Là, dans l'humble limon de mon carré cultivé, je puise mille rêveries et
plein d'intelligence. Je plonge les mains dans le terreau pour y implanter la
graine et faire fertiliser mon esprit de pensées fécondes.
Dans le secret de la glèbe, le miracle de la Création se met en
oeuvre.
Mon clos de légumes me tient en éveil.
A la collecte de mes cultures, je fais plus que simplement me nourrir de
banals tubercules : je me délecte des délices de l'Eden.