Aujourd'hui je consacre ma journée à la récolte d'une des plus humbles
richesses de la forêt : le bois mort.
Je m'enfonce sous l'ombre auguste de la sylve en quête de ce trésor de
pauvre. Pour moi ce labeur est une joie pure, un âpre plaisir, un travail
réjouissant, lent et paisible qui comble mon âme d'un bonheur simple.
Je confectionne des fagots, patiemment, au rythme de mes pas sur l'humus.
Et porte ces paquets de branches sur mon dos pour les amasser contre un tronc.
Mes heures sont légères sous ce fardeau fécond. Le temps devient
onirique.
Je me sens au centre de l'Univers en me consacrant à cette tâche modeste.
Je sais que mon oeuvre peut sembler minuscule, dérisoire vue de l'extérieur,
elle est néanmoins nécessaire et apparaît à mes yeux telle une activité majeure,
quasi cosmique : en me baissant pour puiser à cette source naturelle d'où la
flamme jaillira, je me connecte aux éléments les plus bruts.
Je suis comme l'homme originel qui ramène le feu dans sa caverne.
Je me retrouve en contact direct avec la terre et ses fertiles scories,
faisant fructifier mes jours en tirant profit des plus petites miettes que
m'offre la Création.
A échelle humaine, étroitement locale, précisément depuis l'espace
restreint de mon gîte, mon geste, anachronique, a l'envergure des légendes.
Ignoré du reste du monde, là dans ce trou forestier, j'ai conscience de ma place
privilégiée au coeur de l'essentiel.
Et je me compare au scarabée roulant sa boule, absorbé par cette occupation
que lui commande la nature.
Tout à ces pensées, je poursuis mon ouvrage.
L'atmosphère est feutrée, automnale, comme c'est souvent le cas sous la
fraîcheur et l'humidité des frondaisons. La besogne est aisée et prend des
allures allégoriques. Je m'investis dûment dans cette opération archaïque
consistant à ramasser ces branchages brisés qui allumeront mon âtre.
Le crépuscule arrive et, satisfait de mon affaire, je retourne à mon foyer
entreposer ma moisson, fatigué, la tête pleine de rêves.
Ce soir ma cheminée sera illuminée d'étoiles.
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