La solitude, la forêt, l'humus, la broussaille c'est mon univers, mon seul
espace, ma vraie liberté.
Ma demeure consiste en un modeste asile sis au coeur de la sylve.
Il s'agit d'une habitation ancestrale oubliée, érigée dans une contrée
perdue. Des vieilles pierres quasiment enfouies sous les frondaisons.
Un refuge hors du temps, pareil à une légende.
Le toit au-dessus de ma tête semble aussi pesant qu'un tombeau. Mais en
réalité il rend mes jours joyeux et fait mes rêves légers. Ce foyer
situé dans les profondeurs forestières, loin de toute modernité, à l'abri des
curiosités profanes, est un cloître champêtre me préservant des futilités du
monde. Et l'âtre devant lequel je médite éclaire mes soirées de son humble
éclat.
Je n'ai besoin de rien d'autre pour vivre heureux.
L'ombre des arbres et le silence des lieux m'agréent mieux que les
illusions du siècle et l'agitation des villes. Mon antre, âpre et rustique, est
d'un autre âge. La cheminée noircie de suie, l'ail suspendu aux poutres, les
bûches et les fagots entreposés sur le sol battu, l'odeur des pommes de pin
amassées dans des paniers d'osier, la chandelle et la cruche d'eau sur la
table confèrent à cette tanière une ambiance surannée et enchanteresse. Dans ce
décor fruste de pure paysannerie, je coule une existence paisible et
intense.
Un jardinet complète aussi pauvrement que possible ce palais de roi... Sur
ce maigre carré de terre, je cultive l'essentiel pour mes festins d'ours
solitaire.
Ici, je suis l'égal d'un monarque chaussé de sabots : je règne sur les
étoiles qui embellissent mes nuits autant que sur la friche qui m'entoure. Ce
qui suffit à mon bonheur.
La nature est mon temple, mon ciel, mon véritable terrain de vie. J'ai pris
racine dans ce gouffre de verdure, tout au fond des bois.
C'est là que je m'épanouis, entre la flore secrète et le fol horizon, les
sombres ramures et le clair azur, les troncs aux regards rugueux et les souches
aux visages mystérieux.
Dans cette vaste végétation monacale où je me repais des sauvages beautés comme
des simples baies, je me contente de bien peu pour faire fleurir mon âme.
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