J'ai en horreur les auteurs austères, les penseurs poussiéreux, les âmes de
plomb qui se prennent pour des oiseaux de haut vol !
Péguy, Claudel, Bernanos, voilà des pointures pontifiantes de nos
bibliothèques pétrifiées, des monstres de la pesante pensée, des astiqueurs d'airain, des
immensités littéraires aux lourdeurs de marécages, des océans de glaciales
sévérités générant des vagues d'un fracassant ennui...
Quelles mornes boursouflures ils incarnent sur cette Terre !
Ces montgolfières de gravité lestées de deuil et incapables d'humour peuvent
crever dans leur ciel de pierre !
Nous n'appartenons pas au même monde eux et moi. Ces grands hommes
solennels, véritables dindons-ballons gonflés d'obscures fumées et panthéonisés
par de doctes imbéciles, traînent en réalité du sable dans leurs semelles,
tandis que mes pieds d'ange ne sont qu'une joyeuse paire d'ailes.
Eux les marcheurs de chemins boueux, moi la plume de l'azur.
A ces chantres des brumes intérieures et adeptes des enfers cérébraux, vrais masochistes se complaisant dans leur folie névrotique, j’oppose le
lumineux Daudet et le délicieux Maupassant. Voilà de beaux songeurs simples, des
troubadours de la littérature et non pas de poisseuses bouses de vaches !
Oui, j’ose le clamer : les bardes raides et leur verbe alambiqué
m’emmerdent.
Les vérités d'ascètes sclérosés qu'ils essaient de nous asséner ne tiennent
nullement la route face à mon essor de pinson ! Un seul de mes gais sifflements
suffit à pulvériser les rochers mentaux de ces intellectuels à l’esprit torturé.
Leurs montagnes de certitudes aux cimes graves s'effondrent devant mon simple
roseau chantant.
De ces héros d'un siècle de morosités, je ne fais qu'une becquetée !
Alors qu'ils pourraient s'abreuver de légèretés et répandre de l'allégresse
tels de clairs papillons, ils infectent et infestent les maisons d'édition de
leurs productions morbides ! Ces amers cafards contaminent et pourrissent les
fleurs autour deux, propageant dans des collections de prestige la
grisaille logée dans leur tête. Ces adversaires de la fraîcheur n'ont pas l'air
d'aimer la vie, trop tourmentés qu’ils sont par leurs mots rances pleins de
prétentions. Ils ont une attirance tellement prononcée pour les salades
immangeables et les saloperies de chardons qu'ils aimeraient en faire bouffer à
tous les lecteurs ! Moi je ne goûte guère au pain sec de leur ciboulot
d'anti-rigolos.
Leurs livres sont des enclumes de chagrin sur les étagères, des poids d'un
écrasant métal de tristesse. Illustres mais taciturnes, augustes mais
déprimants, sérieux mais mortels... Je vomis sans remords ces indigestes
producteurs de patates pas cuites !
Je voue leurs démoralisants ouvrages au bûcher ! Avec jubilation je regarde
se consumer dans mon âtre leurs pavés de pure sinistrose. J'alimente ainsi
fructueusement mon foyer de leurs pages inutiles.
De leurs plus noires idées je fais un feu de joie !
Je transforme leurs écrits indélébiles en une divine flamme éphémère. Et la
lumière vengeresse qui résulte de cette incinération apporte la paix des lettres
sous mon toit. Volume après volume, leurs rêves sombres se volatilisent et
deviennent cendre sous mes yeux...
Ces flamboiements illuminent mes soirées.
Sachez-le, ces écrivains dont je brûle les oeuvres sans le moindre scrupule
ne sont dignes que de mon mépris destructeur.
Et une fois ma cheminée nettoyée de ces saletés, ils ne méritent plus que
l'éternel oubli des coeurs demeurés vivants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire