A Clinchamp la terre n'en finit pas d'embrasser l'infini. Comme partout
ailleurs, tout banalement, pensera-t-on ?
Pas tant que cela, car partout ailleurs, ce n'est pas Clinchamp.
Là-bas le monde a été mis à l'écart, loin des bruits du siècle, hors de portée des artifices de la modernité. Il est demeuré dans son trou ancestral, invariablement encerclé par des champs intemporels, sempiternellement peuplé de fantômes et de vaches.
Et le vent continue de faire entendre sa musique sépulcrale dans la plaine inchangée.
En cet endroit crucial de la planète, le futur s'est perdu dans l'anonymat des nuages. Et l'horizon est un rêve aussi lourd que la pierre des chemins désertés. La vie y est assez vaste et vague pour que les corbeaux s'y évadent de la naissance à l'éternité. Tout ce qui vole dans ce ciel sans nom est sombre. Et tout ce qui est enraciné est statufié. Ou mort. Peu importe, car toute aile déployée, tout pied enlisé emmène vers d'autres espaces, ouvre des portes surprenantes, donne accès à des vues lointaines...
Les brumes de cet univers à part sont fatales aux citadins dénués de repères. Mortelles pour les égarés restés attachés à leur souvenirs de caniches. Sinistres pour les adeptes de futilités en mal de paillettes.
Les fumées de cette obscure campagne ne sont point dorées mais grises comme la plume du poète sans illusion.
On ne trouvera en ce royaume de sommeil et de silence que de l'herbe qui pousse et du temps qui stagne.
Et pourtant pour qui sait voir, tout y brille d'une lumière unique.
En effet, au fond de ce gouffre verdoyant, la poussière des fossés se mêle à la clarté du Soleil pour mieux inspirer les bardes et les vagabonds qui n'accordent plus d'importance aux lourdeurs rutilantes de la ville.
Et les routes d'ennui s'allient aux jours ordinaires avec leurs humbles promesses de paix. Les heures qui s'y écoulent sont autant de voiles gonflées d'air voguant sur un océan oublié.
Pareilles à des vaisseaux, chargés des trésors de l'azur, partis dans un grand voyage vers le passé.
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