Lorsque le brouillard recouvre Clinchamp et l’obscurcit, l’effet est
comparable au Soleil qui resplendit sur Paris, faisant rentrer ses rats dans
les caniveaux, roucouler ses pigeons sur les quais, sortir ses habitants dans
les jardins.
A l'image de Paname qui s'embellit à la belle saison, quand l'onde
spectrale se répand dès octobre dans cette cambrousse refroidie, ses misères se
dissipent, ses plus modestes abords prennent soudain de grands airs, ses
petitesses deviennent des causes majeures et là seulement son visage glorieux se
révèle, ses sommets faisant oublier ses platitudes.
Sauf que dans ce coin perdu les légèretés qui éclairent les âmes sont
profondément hivernales, durablement austères, durement réalistes et non pas
passagèrement printanières, vaguement romantiques ou sottement commerciales,
comme dans la capitale.
Bref, ici plus qu'ailleurs, la brume transfigure le village.
Elle lui donne des allures augustes, des aspects graves, des élégances
mortuaires. Et ajoute également des idées folles aux matins glacés qui font
frémir les toiles d'araignée dans les ronces et brûler d'amour les grenouilles
au fond de leurs mares !
Dans ce repli de la Haute-Marne rien n'est décidément pareil que dans le
reste du monde : les fumées de la terre forment des haillons d'argent pour
offrir des habits de rêve aux fantômes et des robes de mariées aux épouvantails.
Les nappes d'ombre qui brillent dans ce trou de la France l'illuminent
totalement. On a même entendu dire, d'après les anciens, que dans ce clocher
méconnu la vaste humidité enflammerait le ciel d'un firmament de chimères et
qu'à travers d'éphémères arabesques de grisaille les traits des morts
apparaîtraient furtivement au-dessus des toits...
C'est pourquoi, paraît-il, les automnes embués de Clinchamp seraient hantés par autant de rafraîchissantes tristesses que d'ardents esprits.
VOIR LA VIDEO :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire