(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)
L'on pourrait penser que chaque coquelicot est une morsure romantique, un
baiser d'amour, une flamme idéale sur le coeur de cette ingénue qui semble se
baigner dans la lumière. Et que le ciel est à ses yeux une vaste respiration
azurée au-dessus de cet océan de beauté...
Mais il n'en est rien.
En réalité cette fille de paysanne pragmatique songe à un problème agricole
insoluble : comment séparer la fleur parasite de la bonne céréale à laquelle
elle est liée depuis que l'homme des champs creuse le sillon qui le nourrit
?
(Il faut savoir, et c'est un cas botanique parmi d'autres, que les graines
de ces deux plantes se sont jadis mélangées pour ne plus jamais se
séparer.)
Elle pense ainsi dans le vide, elle le sait bien, l'affaire étant
irréalisable...
Mais c'est plus fort qu'elle, ses pensées aussi légitimes qu'inutiles
l'entraînent irrésistiblement vers le terrain stérile de la réflexion vaine.
Elle cherche la solution, même si l'épineuse question demeurera pour toujours
sans réponse car il n'y en a pas : le pavot superflu, définitivement, est uni
pour le meilleur et surtout le pire au blé qu'il étouffe de son écarlate et
indéfectible étreinte.
On peut certes le déplorer mais on ne peut rien y faire.
C'est l'éternelle histoire du combat incessant entre la friche et la
culture, la nature et l'homme, le fruit et la ronce.
Et au bout d'un certain temps à infuser ainsi parmi ces herbes, la jeune
femme commence à comprendre que, finalement, les pétales de feu qui parsèment
les épis sont la marque glorieuse du Cosmos qui sur chaque chose que l'on croit
parfois absurde, nuisible ou simplement sans importance, imprime son message
plein de sens.
Au fer rouge de la poésie.
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