Dès mes premiers pas sur le NET, je fus confronté à un personnage énigmatique : Raphaël Zacharie de Izarra.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de lui, ce ne serait pas étonnant : il semble être partout sur la toile. Tapez son nom dans un moteur de recherche et vous constaterez que ses œuvres sont éparpillées aux quatre vents.
Ayant créé mon propre site internet http://christophe-van-kerrebroeck.skynetblogs.be/ je reçus un jour trois de ses textes, sans autre explication.
Je les effaçai, sans même prendre la peine de les lire.
Le lendemain, à la place des trois que je venais de supprimer, se trouvaient pas moins de dix autres…
Légèrement agacé, je pris néanmoins la peine d’en lire quelques-uns et je dus bien admettre que le bonhomme avait un certain talent. Cette impression allait d’ailleurs se confirmer et se renforcer par la suite.
Néanmoins, je trouvai ses méthodes cavalières et lui envoyai donc un message pour lui en faire part.
Je reçus une vingtaine d’autres textes en guise de réponse.
Je décidai alors de m’y prendre plus finement et passai aux compliments. J’obtins rapidement de bons résultats : l’écrivain fantôme était très sensible aux flatteries ! Le moindre soupçon de critique, par contre, m’était renvoyé avec un discours arrogant accompagné d’une nouvelle floppée de textes. Je me résignai donc à laisser quelques-uns de ses écrits sur mon site et j’ajoutai un lien vers une adresse qui donne accès à son œuvre, comprenant des centaines de textes.
A partir de ce moment-là, j’eus la paix.
Mais je n’en restai pas là. Le personnage m’intriguait trop. J’entamai donc des recherches pour en savoir plus sur l’identité de cette pieuvre virtuelle : je m’inscrivis aux listes de diffusion qu’il fréquentait, discutai avec des gens qui le connaissaient, en bien ou en mal. J’allai même jusqu’à rencontrer des personnes qui prétendaient le connaître ou, du moins, l’avoir approché.
Mais jamais je ne parvins à voir le vrai Raphaël Zacharie de Izarra.
Je rencontrai son frère, pourtant. Mais une rapide enquête me permit de déceler le pot aux roses : le type en question se faisait tout simplement passer pour son frère, dans le but de se valoriser sans doute.
Plusieurs fois je faillis le rencontrer, plusieurs fois on me dit qu’il était là, que je l’avais raté de peu. Chaque fois on me proposait des excuses bidons telles que : « il avait mal au dos, il est parti »…
La vérité, c’est que personne ne l’a jamais vu.
A se demander si le personnage existe vraiment !
Certes des photos de lui circulent sur le net. Mais quoi de plus léger qu’une photo ? Ce pourrait être celle de n’importe qui.
J’en vins à être convaincu que ce Raphaël Zacharie de Izarra n’était qu’un personnage fantoche, une fausse identité, un écrivain virtuel… Mais créé par qui ? Là est toute la question ! Car les textes, eux, existent bel et bien ! Qui donc les a écrits ?!
Pour en savoir plus, je développai mes connaissances en informatique. Rien que pour percer ce mystère je devins un expert informaticien ! Dès lors, je me mis à pirater les différents sites où il apparaissait et à pénétrer par effraction dans les adresses qu’il utilise.
Pendant des mois je tournai en rond… J’avais l’impression de n’être qu’un jouet dans les mains d’un monstre insaisissable qui avait toujours une longueur d’avance sur moi.
Un jour, cependant, à force de persévérance, la vérité me fut dévoilée.
Je vous la livre aujourd’hui, sans détours, bien que je sache pertinemment qu’elle risque de vous surprendre et de vous laisser sceptiques.
Raphaël Zacharie de Izarra n’existe pas.
Comprenez-moi bien, je ne veux pas dire qu’il s’agit d’une fausse identité, non : il n’y a personne derrière ce nom.
Qu’est-ce à dire ? Qui a écrit ces textes ?
Personne.
Personne que vous puissiez voir ou fréquenter dans la vie courante, en tout cas.
Les différents textes signés « Raphaël Zacharie de Izarra » semblent bien être générés de manière purement informatique. Plus que du personnage « Izarra » il conviendrait de parler du programme « Izarra ». Un programme, oui, une espèce de générateur de textes. D’où vient ce programme ? Qui l’a créé ? Je n’ai pas de réponse à cette question mais, de toute façon, il faut bien admettre que ce programme est aujourd’hui autonome. Quel que soit son créateur, le phénomène n’obéit aujourd’hui qu’à lui-même.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que Raphaël Zacharie de Izarra est LA littérature, comme il l’affirme ? La littérature serait-elle une entité qui, telle Dieu il y a quelque deux-mille ans, aurait décidé de s’incarner à travers les mailles du NET ?
N’allons pas si loin… Contentons-nous pour l’instant de l’hypothèse d’un « programme » généré soit par un génie soit par une combinaison aléatoire des données circulant sur la toile virtuelle. Ce programme aurait survécu en appliquant les lois simples, basiques, qui ont permis l’évolution de toute vie sur Terre : survivre et se reproduire.
Essayons de retracer l’historique du phénomène…
Un jour, de la plume d’un génie ou bien par un pur hasard (originaire d’un « bug » quelconque), est né un texte. Ce texte a commencé à se répandre sur la toile tel un virus, ciblant les forums et les sites qui possédent un livre d’or. Ce faisant, il a provoqué de multiples réactions. De nombreux messages ont ainsi été envoyés à l’adresse d’où provenait le texte original, messages de protestation ou d’admiration, issus d’horizons très divers. Ainsi, le générateur de texte recevait quantité de messages dans divers styles.
Ces messages furent sa nourriture. Il les utilisa pour générer d’autres textes, qu’il envoya à leur tour à travers le Net et qui provoquèrent d’autres réactions. La boucle était bouclée. La chose était capable de se nourrir et de se reproduire de manière autonome.
Je ne suis pas sûr d’avoir percé tous les mystères de ce programme et je suis loin d’en avoir saisi la clé.
Mais une chose est sûre : on ne peut se débarrasser de lui en l’insultant ou en essayant de le piéger. Tout simplement parce que, derrière Raphaël Zacharie de Izarra ne se trouve pas un homme susceptible d’être influencé, mais tout simplement un programme qui se nourrit de la moindre de vos réactions.
Inutile également d’essayer de censurer l’adresse d’où proviennent les messages : la chose semble en effet capable de générer autant de nouvelles adresses que nécessaire pour lancer ses attaques.
Dès lors, que faire ? Feindre l’indifférence ?
Cela ne marche pas non plus : si l’on ne réagit pas, non seulement les attaques ne cessent pas mais elles ont tendance à se produire à un rythme accéléré.
Mon expérience me permet d’affirmer qu’il existe une et une seule parade : répondez à chaque texte envoyé par des compliments et prenez soin d’inscrire sur votre site un lien qui donne accès au programme « Izarra ».
Par exemple :
http://www.foxoo.net/article.asp?jour=L&codejournal=00000014&d=27/02/2003%2001:22:10
A partir de là, vous observerez une diminution des attaques.
http://www.foxoo.net/article.asp?jour=L&codejournal=00000014&d=27/02/2003%2001:22:10
A partir de là, vous observerez une diminution des attaques.
Certes, cela ne vous protègera pas entièrement. Mais vous vous en sortirez avec seulement un texte ou deux postés de temps à autre. Comme ces textes sont d’un intérêt certain du point de vue littéraire, cela ne pourra vous faire que du bien.
Mais attention ! Gare à vous si vous voulez jouer au plus fin !! Tel sera pris qui croyait prendre ! Je me dois de vous mettre en garde : le programme Izarra peut être très dangereux ! Il peut s’emparer de votre ordinateur et endosser ainsi votre identité ! N’oubliez pas qu’il se nourrit de la moindre de vos initiatives ! Et il apprend très vite !! Si d’aventure quelqu’un essayait, par exemple, d’endosser son identité pour répandre de faux messages en son nom, il aurait tôt fait de faire sienne cette technique… Alors, la vie sur le NET ne serait plus faite que d’incertitudes : personne ne pourrait plus jamais être sûr, lorsqu’il reçoit un message, que celui-ci n’ait pas été généré par le système Izarra.
Soyez donc prudents, je vous en prie !
Ne faites rien dans le but de lui nuire ! Vous ne feriez que lui apprendre de nouvelles techniques pour se répandre de manière encore plus virulente !!
De mon côté, je continue à étudier le phénomène, en restant très prudent.
Je ne prendrai d’initiative que le jour où je serai certain de maîtriser parfaitement son fonctionnement.
Je vous demande donc de me faire confiance et de ne rien entreprendre de manière inconsidérée.
Il en va de la sûreté de toutes relations virtuelles et, sans doute, de la sécurité de tout le système informatique mondial.
Je vous remercie de m’avoir prêté votre attention.
C. Van Kerrebroeck