Maurice MACHIN est un homme rangé, moyen, honnête. Ni trop à droite, ni trop à gauche dans les idées, modéré en tout, à vrai dire il n’a pas vraiment d’opinions politiques.
Non, son dada à lui n’est pas idéologique mais utilitariste. C’est le
combat brut et vrai pour la survie. Une lutte pragmatique assez apolitique en
fait...
Enfin pour être plus exact, ce qu’il nomme “survie” consisterait plutôt,
aux yeux de certains critiques acerbes, en toujours plus de confort
matériel.
Sauf que ces détracteurs jugeraient bien hâtivement les aspirations
sociales terre à terre de Monsieur MACHIN : s’il poursuit ce but réaliste,
concret, efficace, c’est qu’il eut une enfance indigente.
De ce fait, toute sa vie d’adulte n’est plus qu’une revanche enragée et
insatiable pour accéder aux biens indispensables à l’existence terrestre. Ne
manquer de rien, ne pas craindre le lendemain, rechercher inlassablement le
plus, le mieux, le meilleur quand il jouit du bon, du bien, du beau, tels sont
ses idéaux d’homme du XXième siècle.
A sa manière il contribue à perfectionner la société en s’engageant dans
des associations de défense du consommateur afin de noblement faire valoir les
droits des uns et des autres en proie aux petits tracas du quotidien. Ainsi il
traque sans faillir les garagistes aux notes trop salées, fait traduire devant
les tribunaux les gros industriels dont les produits électroménagers cachent
des petits disfonctionnements, défend âprement les victimes de la hausse des
prix, soutient sans compter les infortunés vacanciers retenus injustement dans
les aéroports pour causes de remous sociaux, etc.
Cet infatigable redresseur de tôles froissées milite pour toutes les causes
à sa portée, susceptibles d’améliorer le sort de ses compatriotes. Il faut dire
que Maurice MACHIN a une compréhension parfaitement pratique de la vie : avec
lui on est certain qu’il n’y aura pas de baratin et que l’acheteur de canapé ou
de camping-car ne sera jamais lésé, que le loueur d’appartement ne paiera pas
plus à son propriétaire que ce qu’il lui doit, que l’usager de la poste se fera
dûment rembourser en cas de non distribution de son colis...
Peu importent les moqueries que les railleurs, du haut de leur supériorité
socio-culturelles et intellectuelles ne manqueront pas d’adresser à notre héros
des casseroles percées et des carottes mal cuites, l’essentiel n’est-il pas,
pour chaque homme, de ressentir cette satisfaction si valorisante d’oeuvrer dans
le bon sens et avec coeur ?
Il n’y a pas de petits gestes, il n’y a que de grands effets : c’est là la
philosophie de Monsieur MACHIN.
Il a vécu en faisant beaucoup de vagues mais il est mort sans faire de
bruit.
Nul ne retiendra son nom, pour le monde Monsieur MACHIN deviendra Monsieur
Rien du tout.
Injuste, penserez-vous ?
Parfaitement normal au contraire car Monsieur MACHIN n’aura vécu que pour
l’horizontalité, non pour la verticalité.
Dans les hauteurs de l’esprit, on ne retient que les noms d’oiseaux, pas
les noms d’enclumes.
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