Elle me manque, je l'attends comme j'attendrais une femme que j'aime et qui
m'ignore.
Je brûle de folle poésie pour sa lumière de glace et sa face mortuaire, m'enfièvre d'amour pour ses apparitions nocturnes, m'enflamme de désir désincarné pour ses déserts de pierres et ses monts
indolents.
La Lune que j'adore, qui est tantôt d'or, tantôt d'air, parfois dure,
souvent froide mais toujours pleine d'art, qu'elle soit sombre, claire, âpre ou
légère, la Lune disais-je, ne passe jamais au-dessus de ma tête sans que j'en
sois touché chair et âme.
Indifférente à mes émois, elle s'allume le soir, brille la nuit, s'estompe
avec le jour et me laisse veuf, désarmé, moi qui l'admire depuis toujours, les
pieds dans mon potager, les pensées dans les nuages.
Entouré de mes carottes, choux-fleurs et haricots, je m'enracine alors dans
mes rêves de conquête lunaire et imagine que je m'envole jusque dans l'éther où
séjourne ma bien-aimée.
Et, les semelles bien posées sur la terre de mon jardinet, perdu dans mes
rêveries de bonheur immatériel, le corps immobile, je la rejoins dans les
hauteurs sidérales de mon esprit détaché des lourdeurs de ce monde où je végète
en compagnie de mes plantations horticoles.
Et c'est ainsi que l'on me retrouve de temps à autre étendu entre mes
sillons jusque midi, le visage dans les légumes, hagard et mélancolique, le
regard fixant d'invisibles étoiles.
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