Il a parlé.
Il a formulé des mots de vie et de mort, de sang et d'amour, de braise et
de glace.
Et ce qui est dit est dit ! On n’y revient plus.
Ses paroles d'oracle, il les a conçues dans sa tête, consignées sur papier,
et même écrites de sa plume !
Et eux les ignorants, eux les éternels petits, eux les moins que rien, ils
l'ont écouté, lu, analysé. Tous sacrément impressionnés par son implacable
étalage de précieuse confiture.
C'est dire combien ce qui sort de sa bouche, de sa cervelle, de sa personne
en général est importantissime...
Il a vraiment tout pour lui : la posture, les lunettes noires, l'allure
méprisante, le verbe hautain, sa photo en noir et blanc.
Quel homme !
Une vraie statue. Une légende vivante. La géniale création du moment. Le
sommet de qu'on fait de mieux en la matière. Le haut du panier des pensées rares
et chères. Le plus grand chapeau du chapiteau.
Cet aigle de marbre est à lui seul l'incarnation de la sphère culturelle,
intellectuelle et littéraire la plus sérieuse au monde. Jamais cet oiseau
d'envergure n'oserait rire ni de ses ailes si aigües ni de son zèle à voler le
plus loin possible du sol de ceux qui y sont toujours aussi lourdement posés.
Tourner lui-même en dérision la fière montgolfière qu'il est devenu après
tant d'efforts ? Vous n'y songez pas ! Quel blasphème !
Quand on se sait à ce point magnifique, on se respecte !
Lui, il est fait pour le tragique, l'austère, le profond, le solennel, le
ténébreux...
Toutes ces choses tellement plus crédibles, plus smart, plus guindées que
la rigolade ! D'ailleurs il lui arrive d'éclater de sainte colère quand il le
faut, face à ses détracteurs rieurs qui osent l'ouvrir.
La gravité lui sied à merveille dans son costume de corneille. Lui le noir corbeau, eux les pâles pigeons bien trop légers à son
goût...
Enfin, n'oublions pas que ce digne corvidé est surtout un noble rapace des
montagnes, comme nous venons de l'évoquer. Il a la griffe du glossateur maudit et
le bec érudit de l'emploi.
Avec son inégalable et indéniable bagage baragouinant de docte baudruche,
il fait quand même le poids devant ses contemporains.
Cette énormité se nomme Juan Asensio.
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