Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
C'est la pleine lune, il est temps pour l'esseulée d'apparaître sous la
lueur de la hanteuse des nuits, et dans l'étang de lui dévoiler sa sage nudité,
de s'offrir à ses rayons froids avant de plonger dans l'onde bienfaisante.
Hors des regards humains.
Elle se livre en toute poésie à la chandelle lunaire. Telle une amoureuse,
elle s'ébat dans les flots, loin de la fureur du monde, juste éclairée par le
satellite.
Sélénée est la seule présence de sa vie de solitaire. La dernière
consolation de son existence de recluse. L'unique étreinte qui atteigne son
âme.
Elle se donne ainsi à l'astre en guise d'hyménée. Et le disque, si pâle
mais si essentiel, apaise ses rêves inassouvis.
Il la comble de sa clarté de fantôme, l'embrase de son feu spectral, la possède de sa lumière nivéenne.
Elle qui cherche l'amour, elle trouve la brûlure de l'eau glacée contre son
corps, la caresse des ronces sur sa peau, le baiser des cailloux sous ses pieds.
Elle ne pense plus aux désirs de sa chair, à la soif de son coeur, mais à
l'éclat de ce cierge qui, depuis le ciel, la pénètre
A travers cette union désincarnée elle accède à une autre jouissance, et
mélancoliquement se noie dans les éternelles beautés cosmiques.
Elle la femme sans homme et l'autre, là-haut, sa lointaine flamme.