Depuis toujours je rêve de partir m'installer sur la Lune en n'emportant
avec moi que l'essentiel : une souche de chêne, des pommes de pin, quelques
fagots. Et puis peut-être aussi deux ou trois vieux livres d'images pour ne pas
m'ennuyer et une bonne paire de sabots pour faire de belles balades.
Juste ce qu'il faut pour être heureux, loin de tout, là-bas sur le sol de
cet autre monde.
Et passer ainsi une bonne partie de mon temps libre à contempler la Terre
de loin, sans plus d'attaches, l'âme aussi légère que les pierres
lunaires.
Me retrouver seul avec des ombres, des roches et des fantômes dans cet
océan figé de régolithe.
Me perdre sur des routes sans nom, vers des horizons merveilleux ou
effrayants, entre cratères sombres et plaines blanches... M'éloigner des
vaines agitations terrestres, couper les ponts avec mes repères natals, prendre
mes distances avec les bruits de la planète bleue et fouler ce royaume de mortel
silence et de fatale beauté, les pieds couverts de cendre, le coeur débordant de
sérénité, le front éclairé par la lueur atténuée du globe d'azur...
Demeurer à jamais hors des réalités prosaïques du plancher des bipèdes qui
en ce siècle de tous les miracles technologiques ressemblent tellement à des
veaux... Ou pire : à des machines.
Oui, je souhaiterais rompre avec mes racines de lourdeur et adopter des
ailes de papillon pour parcourir ce désert de pure poésie... Ne garder de ma vie
de terrien que les souvenirs les meilleurs, n'embarquer sur mon dos que les
bagages les plus indispensables, n'emmener avec moi que les choses réellement
vitales : de quoi m'asseoir sur un reste d'arbre et faire du feu en lisant des
ouvrages de gravures d'Epinal.
Telle serait ma plus grande joie de vagabond sidéral.
Alors, du fond de mon foyer campagnard, assis au bord de l'âtre, je regarde
brûler les boules résineuses mêlées de branches sèches qui crépitent
ensemble.
Fasciné par l'humble flamme et ébloui par les étincelles jaillissant de ma
cheminée, au coeur de la nuit j'attends l'heure propice pour m'endormir,
doucement emporté par mes songes, entouré par la sylve, bercé par le vent, déjà
oublié du reste des hommes.
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