Moi je tire grande fierté de porter des bottes toutes crottées, d'adopter
des manières de sanglier, d'arborer des allures d'ogre des bois.
Je suis un plouc.
Un vrai de vrai, un gros péquenaud des champs, un rustaud rural, une bête
épaisse à la peau rêche et à l'âme tranchée.
Avec les pieds dans la boue et les vues plus basses que le fond du fossé,
les pognes dans le fumier et les pensées dans la mare, la tête au ras des
pâquerettes et le groin dans le cul des vaches !
Et les idées pas plus hautes que ça.
Je ne fais pas de manières. Loin des politesses parisiennes et des
coquetteries en vogue, je ne fais guère dans le raffinement.
Mais dans l'authentique brute des broussailles, l'antique lourdaud de la
cambrousse, le rustique arriéré de la friche.
Mes sentiments sont à couper à la hache. Mon coeur est fait non pour les
fleurettes mais pour les enclumes. Je n'avale pas de l'eau tiède mais dévore des
flammes. Je n'aime que les festins brûlants au goût de vie et de sang, les
breuvages glacés, les ivresses carnassières et les rêves mortels.
Vêtu tel un gueux, aussi sale que possible, plus puant que la nature
elle-même, je ne connais pas les chichis des chochottes enrichies. Je marche
dans la bouse et m'assieds sur des souches.
Mes jours sont pleins d'orages et de lumière, de terre et de nuages, de
flotte et de feu. Je les saupoudre soit d'épines et de purin, soit de cailloux
et de paille : cela ajoute encore plus de piquant à l'aube et de saveur au
crépuscule.
Sous mon chapeau, la tempête. Dans mes mains, des patates. Sous mes
semelles, mes racines.
Et dans mes poches, rien que l'essentiel : l'air du terroir. Ce ciel qui
sent tellement bon le terreau, cet azur qui ressemble tant à ma masure, cet
éther qui m'est si cher, cette atmosphère que je préfère à tout le reste...
Dans mon trou de borné, je vis heureux comme un bûcheron corné.
Moi le bouseux, moi le glaiseux, moi le cul-terreux, moi le suiveur de mottes et non de modes, versé dans les rudesses des labours plutôt que dans les
finesses de l'amour, plus proche des courgettes de mon courtil que des
courbettes de la ville, je ne suis décidément pas une brindille parfumée de
Paris !
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