mardi 23 décembre 2025

2496 - Les épouvantails

Au cours de mes fabuleuses aventures locales, tant à travers champs qu'au fond des jardins, je croise des épouvantails.
 
Ces êtres de rêve et de paille font partie de mes meilleurs amis !

Ils se dressent dans la solitude de la campagne en affrontant tous les vents, fiers et dignes, pareils à des rois en guenilles.
 
J'aime les voir apparaître dans la brume, inquiétants, quasi vivants avec leur face ambiguë et leur couvre-chef de vieux paysans... Parfois abandonnés, oubliés, brisés, ne servant plus à rien, ces spectres en loques brillent tels des astres moribonds. C'est là qu'ils sont les plus beaux.
 
Ils sont la poésie de la friche, l'âme des sillons, le chant de l'aube et le mystère des ténèbres.

Ils ont plein de brouillard dans le coeur, de la pluie dans les yeux, des étoiles cachées dans les poches de leurs vestes trouées. Et se présentent sous le ciel avec des fleurs dans les mains, devant les hommes avec des ronces. 

Je crois bien qu'une flamme brûle sous leurs haillons. Ils ont besoin de chaleur et d'amour, eux aussi.

Et lorsque le givre les blanchit, seuls dans la plaine, sans personne pour les enlacer, ces pauvres ermites doivent trembler de froid... Comme n'importe qui à leur place.

Leurs allures tristes et leur silhouette auguste leur confèrent un charme champêtre profond, étrange et mélancolique. Il y a toujours un peu d'hiver sur leur front et beaucoup de printemps dans leurs cheveux de chaume.

Je me sens si proche de ces silencieux confidents... Plantés au bord des chemins, ils fixent l'horizon et voyagent avec les nuages, perdus dans leurs pensées nébuleuses. Ce sont mes fidèles compagnons de route, de secrètes présences au milieu des herbes folles, des fantômes établis loin des logis.

L'ailleurs est notre but commun, moi qui vagabonde sous l'azur, eux qui mendient de la lumière.

lundi 22 décembre 2025

2495 - Un oiseau déplumé

Dans ma vie de vagabond à temps plein, il m'arrive de faire des rencontres réellement extraordinaires. Ainsi un jour je croisai un sacré foutu personnage sur mon chemin : moi-même !
 
Ou plus exactement, l'ombre de moi-même. Ou, pour être encore plus précis, un anti moi-même. La totale contradiction de ce que je suis.
 
A bien y réfléchir, le terme "personnage" est trop flatteur pour qualifier cette pauvre chose en forme de bipède. En vérité j'eus affaire à un bien pâlichon oisillon : un digne représentant de la gent prétendument libérée des "soumissions du système"...
 
Un routard avec des écouteurs dans les oreilles et des fils lui sortant par tous les trous ! Un de ces nombreux juvéniles paresseux à la dérive qu'a fait naître ce siècle de tous les dérèglements.
 
Un homme sans chaîne, ça ? Mon oeil ! Plutôt un parfait esclave des écrans !
 
Une loque branchée. Un SDF hyper-connecté. Un pur déchet de la société en somme. Et de toute évidence abruti de la tête aux pieds par son inutile technologie. A voir ce gringalet traîner la savate avec ses appareils portatifs activés autour de ses orifices, on aurait dit un malade ambulant transfusé avec des tuyaux. Ou un moribond en déplacement sous surveillance électronique...
 
Déconnecté du réel, plongé dans sa bulle de pures virtualités, il semblait m'ignorer. Il continuait à marcher sur la route en ânonnant des mots stupides : il écoutait de la musique rap à s'en faire péter les tympans ! J'entendais d'ailleurs les échos des ordures auditives qu'il captait à travers les récepteurs collés à ses tempes. Plus de doute, j'avais en face de moi un crétin formaté dans toute sa splendeur. Une sorte d'animal dénaturé traversant la campagne comme un robot, absorbé par son univers d'indigences numériques.
 
Je venais de me heurter à une autre civilisation. La drôle de bête ne provenait visiblement pas de mon antique planète. Ce type pathétique, là devant moi, déambulant dans la cambrousse avec son baladeur sur le crâne incarnait le néant. Je devinais bien ce qu'il était au fond de sa molle âme...
 
Un écolo.
 
Ou un éternel assisté social, ce qui revient au même. Un de ces parasites toxiques et pleurnichards qui se prennent pour des victimes du climat doublés de justiciers de la verdure, des "amoureux de la nature" incapables de vivre à l'air libre sans leur smarphone ou de se déplacer dans les bois sans leur GPS... Nature qu'ils appellent religieusement "Mère Gaïa", eux les enfants à la peau fragile et aux pensées flasques.
 
Je le regardai passer sans lui adresser la parole. Comment aurais-je pu communiquer avec cet extraterrestre venu des profondeurs la ville ? Il paraissait tellement captivé par les âneries que débitaient les instruments greffés à sa cervelle... Je l'aurais certainement dérangé en voulant le saluer ! Je le laissai à sa misère intérieure.
 
Perdu dans ses inepties, le déraciné de la réalité ne fit d'ailleurs nullement attention à mon chapeau de paille.
 
Il disparut de ma vue aussi pitoyablement qu'il en était apparu.

dimanche 21 décembre 2025

2494 - L'endive DUNORD

Jean-Michel DUNORD est une endive.
 
Un bon gros chicon du Nord. Autant dire qu'il est loin d'être un moindre légume !
 
C'est même une perle à la vérité. Un sacré numéro !
 
Ne serait-ce que parce que dès le départ, d'où qu'il soit et d'où qu'il veuille aller dans ses idées, verbalement il s'affiche toujours complètement à l'ouest aux yeux de tous, on ne lui contestera pas d'avoir ce sens aigu de la désorientation mentale.
 
Oralement on le trouve gauche. A l'écrit il se montre aussi épais que possible. A l'endroit, il reste maladroit. A l'envers, il fait tout de travers ! Il confond d'ailleurs sa simple épaisseur avec une fine épée.
 
Voilà exactement comment il parvient à faire rire la galerie !
 
Dans son genre, DUNORD vaut le détour jusqu'à Lille, ville où il habite ! A lui seul il concentre tout ce que l'esprit humain fait de parfaitement rigolo sur Terre. Comme tous les meilleurs clowns au monde, il ignore qu'il en personnifie la plus belle version. Il fait partie des brillants polichinelles...
 
A le voir jouer si bien sur la piste aux andouilles, on peut raisonnablement penser qu'il a été chaudement acclamé par les habitants de la respectable commune de Vire !
 
Incontestablement DUNORD représente l'empereur des cornichons !
 
Au moins dans le département du Calvados, ce qui n'est déjà pas mal. Il a de la bouteille dans la pitrerie involontaire, il faut lui reconnaître cet immense avantage.
 
DUNORD n'est pas le premier venu dans le domaine électif des idiots de choix. De ceux que l'on invite volontiers aux dîners chics en petits comités de choc... Villeret peut aller se rhabiller ! Auprès de DUNORD, ce roi des cons en carton-pâte passe pour un petit joueur !
 
Par son unique personne, DUNORD incarne la lourde farce. C'est un gugusse-né. Inégalé. Un digne âne avec un nez rouge sur le museau. Lui n'endosse pas le rôle d'un imbécile d'opérette, c'est certain. Il vise plutôt la cour des grands.
 
Naturellement douée pour se donner sans tricher dans le cirque des grosses poires, cette ample saucisse lilloise à la cervelle de cloche résonne comme une vraie trompette qui ne tromperait pas un éléphant pour ou sou !
 
Deux ronds de carottes l'unité, c'est précisément le prix actuel de la fameuse endive du Nord.

2493 - La mère Garbichon

Avec mes semelles inusables d'antique hibou des champs, je parcours beaucoup les espaces locaux et explore essentiellement les coins cachés hors des sentiers balisés, ce qui me permet de pénétrer plus facilement dans des trous singuliers. C'est ainsi que je découvre mes trésors humains.
 
Parmi mes connaissances vagabondesques, je vous présente Madame Garbichon. d'antique hibou des champs aux semelles inusables
 
Cette femme sortant indubitablement de l'ordinaire est une veuve âgée à la langue leste et à la pensée brutale qui a un jugement bien arrêté sur vous et sur moi, sur ses propres voisins mais aussi sur leurs chats et chiens, sur les étrangers, sur ses amis et sur ses ennemis, sur les gens qu'elle connaît et surtout sur ceux qu'elle ne connaît pas... Sur tout le monde en fait.
 
La mère Garbichon depuis sa méchante masure apparaît telle une sorte de croquemitaine au féminin, mi-sorcière, mi-bigote, qui va à la messe soit pour y critiquer ouvertement le curé, soit pour y cracher haineusement à la face des "belles dames" (comme elle dit) qui y assistent. Et même pour y déboulonner quelques statues de plâtre de ses opinions tranchées ! Ce qui ne l'empêche pas d'aller pieusement s'agenouiller devant de la Sainte Vierge, par ailleurs.
 
Mais attention, en revenant de l'office dominical, remontée par je ne sais quelle secrète cause, cette drôle d'ouaille se montre volontiers plus féroce qu'à l'accoutumée ! Gare à celui qui croiserait la route de la Garbichon à son retour de l'église ! Une vraie ronce sur patte !
 
Cette fidèle pas comme les autres m'inspire les meilleurs sentiments, à la vérité. En sa compagnie je suis sûr de trouver une contradictrice à la hauteur de mon chapeau de paille ! Impossible de m'ennuyer avec elle.
 
J'apprécie son esprit caustique ainsi que le contenu de sa marmite, c'est pourquoi je lui rends souvent visite. La mégère me reçoit à chaque fois chez elle avec chaleur et fracas. De sa cuisine émanent toujours des odeurs accueillantes et son feu y demeure sans cesse actif. Sous son toit de mauvaise fée, ça sent bon le choux, la patate et la saucisse.
 
Quelle fête dès que je passe le seuil de sa bicoque !
 
L'antre suscite l'effroi au premier abord. Des gousses d'ail en forme de spectres dodus sont pendues sur leur gibet couverts de toiles d'araignées, sur les murs des portraits d'ancêtres issus d'un royaume mystérieux et lointain vous fixent avec leur mine sévère et inquiétante, sur la table s'étale un méli-mélo d'objets insolites à usages suspects et indéterminés, enfin des fagots qui ressemblent à de longs hérissons debout s'amoncellent près de la cheminée, attendant d'être sacrifiés sur l'autel âpre et joyeux de cette rescapée d'un siècle révolu...
 
Elle ne semble visiblement pas indifférente au charme épineux de ma barbe d'épouvantail ambulant, ni même aux rudes séductions de mes bottes de laboureur des chemins.
 
Mais moi, en plus de ses succulentes fricassées, c'est sa soupe aux commérages et ses assiettes de potins que je préfère. Des mets de choix pour le colporteur de flammes et de glace que je suis.

Chez la vieille Garbichon je suis certain de manger des plats qui tiennent au corps et de boire des étoiles qui enchantent mon âme !

samedi 20 décembre 2025

2492 - A travers champs

Je passe le plus clair de mes journées à battre la campagne, courir la friche, traverser les champs, allant de villages en maisons isolées, de fourrés en bosquets, tant à la rencontre du gibier que des humains. Entre deux braconnages, je vais chez les curés, les paysans, les humbles et les notables aux hasards de mes pas pour y prendre le café, le vin fin ou la grosse gnôle. Ou pour n'importe quel autre prétexte justifiant que je foute mes bottes crotteuses dans leur foyer, des lapins encore chauds dans ma musette !
 
J'en profite pour colporter mes douces folies et récolter les dernières nouvelles du coin.
 
Je viens également me réchauffer l'hiver au pied du feu de mes hôtes en leur racontant des histoires effrayantes... C'est surtout pour cette raison, je crois, que ces gens aiment me laisser entrer chez eux le soir. Ils ont l'impression d'accueillir dans leur demeure trop ennuyeuse un invité extraordinaire : tantôt une légère hirondelle, tantôt une chouette antique. Voire un loup de la nuit.
 
Quand je me retrouve sous leur toit, les écrans s'éteignent et les cheminées s'allument. Pour eux c'est l'heure de toutes les légendes. Pour moi celle où je deviens un mage repus de bon pain, le temps d'une longue veillée sous la lueur de la flamme.
 
Je leur narre des merveilles, des contes inquiétants, des fables pour les faire rêver, rire et cauchemarder... Ils me retiennent souvent plus longtemps que prévu.
 
Tard dans la soirée je repars, le ventre plein, satisfait, fatigué et heureux. Il ne me reste plus qu'à chercher une grange pour dormir paisiblement dans le foin en compagnie d'un âne. Ou bien le lit d'une vieille fille pour y étendre follement mon ample carcasse de roi botté jusqu'au matin. Ecurie d'équidé ou chambre de demoiselle acariâtre, cela revient un peu au même : je m'entends bien avec les bêtes.

Ma vie de vagabond est une incessante aventure champêtre, un interminable voyage local et floricole, un vol en plein vent ponctué de repos devant soit l'âtre de l'homme, soit le râtelier de l'herbivore... Je vais de fleurs en coeurs, de mottes de terre en grottes de bigotes, de cavernes d'ours en salons de notaires et de joyeux presbytères en hymens austères... 

Mes semelles sont sans cesse en fête !

vendredi 19 décembre 2025

2491 - Libre comme un rat !

Avec ma barbe d'ogre, mes grosses bottes de péquenaud et mon air d'épouvantail, on me trouve laid comme un sanglier, aussi effrayant qu'un corbeau. J'ai l'air d'un croquemitaine d'un autre temps.
 
Je suis un rat des champs en réalité. Mais un vrai, pas une carte postale.
 
Ainsi que tout bon braconnier, je sens le lièvre chaud, le foin des fourrés et l'humus des bois. Parfois je pue la canaille et je pique aussi fort qu'une ronce.
 
Les gens m'adorent.
 
Les hommes sont amusés par mes allures folkloriques, les femmes me regardent en frémissant et leurs chiens se taisent sur mon passage. Quant aux enfants, ils font de délicieux cauchemars en me voyant. Les chats me suivent volontiers, il faut dire que je les nourris généreusement !
 
Les vieilles filles douteuses rêvent de mes étreintes et les bigotes honnêtes se méfient de mon chapeau de paille. Nul ne sait jamais quel jour j'arrive dans une bourgade, m'attarde dans un taillis ou m'envole vers la ville. Tantôt on m'aperçoit près d'un puits, au bord d'un abreuvoir à vaches ou assis sur les racines d'un chêne, tantôt on me croise là où je de devrais pas être. Toujours avec la tête dans les nuages ou les pieds dans un ruisseau.
 
J'incarne les fables ancestrales qui continuent de hanter le quotidien des vivants. J'attire les audacieux, repousse les peureux. J'apparais le matin dans les rues des villages telle une chouette soudaine, disparais au crépuscule à tire d'ailes. Ou alors je passe la nuit dans une grange pour en sortir à l'aube, incognito.
 
Les gendarmes me connaissent comme le loup blanc dans la région. Ils comptent d'ailleurs parmi mes meilleurs amis : nous trinquons souvent ensemble à la sauvette, au gré des rencontres sur la route ou bien au détour des bosquets. Ils ferment généralement les yeux sur le gibier illégalement soustrait.
 
Je m'en vais vous raconter ma vie de bonne bête des chemins. Mais attention, je ne fais pas dans le chiqué pour plaire au public délicat des salons littéraires et aux lecteurs solitaires dans les chaumières... Non, moi je mouds du grain authentique, je fabrique du pain noir, du complet, du qui tient au corps et qui a du goût. Je n'appartiens pas à l'époque qui m'a vu naître, je viens de plus loin. Je mange les salades de pissenlits et bois l'eau de la poésie !

Mon royaume est celui de la liberté.

jeudi 18 décembre 2025

2490 - Fin de peine

C'est ici que vous recevrez mes adieux.
 
Je m'adresse à la poussière, aux cafards et aux humains.
 
Mon temps de peine est terminé, tout commence vraiment pour moi à partir de maintenant. Le monde des vivants derrière moi ne me compte plus parmi sa population depuis déjà fort longtemps. En passant la porte de cette prison, bien avant que la plupart d'entre ceux qui me liront peut-être ne soient nés, on me regardait comme une ombre pénétrant dans la nuit de la réclusion à perpétuité. On me voit en sortir aussi pâle qu'un cadavre. Avec une étiquette à la patte. Une sortie royale.
 
Je crois que j'ai accédé au statut de légende dans le milieu carcéral. Aux yeux des autres détenus, je vais devenir une statue de mie de pain en mourant. Une icône de draps noués. Un saint couronné d'oranges fraîches. L'évadé suprême et définitif, en somme. Je ferai partie du folklore des taulards. Quelle insignifiance !
 
Je pars sans gloire, petit à petit, dans la solitude et le mépris. Je crève seul et abandonné, très heureux d'être, en cette heure, au même niveau que les vils rongeurs agonisant dans les caniveaux ! Et ne demande nulle faveur à ce sujet. J'assume ce sort de vermine.
 
Je me suis infiniment ennuyé entre ces murs. Les barreaux ont barré mon horizon et les geôliers ne m'ont jamais délogé. Mais je devais demeurer dans ma cellule jusqu'à toucher le bord de la tombe. Il n'y a rien à regretter de ce côté-là, j'ai payé de ma personne ce qu'il y avait de plus cher afin de rembourser mon crime. Je ne déteste point mes gardiens, eux au moins sont toujours professionnellement restés en dehors de mes affaires intérieures. Ils se sont occupés de mon bien-être quotidien tout au long de mon voyage de condamné, se montrant sans cesse ponctuels et consciencieux.
 
Le train de la perpéte va bientôt s'arrêter sous les trompettes à la gare de la mort. Je vais descendre de mon wagon et vous saluer. Et puis monter, j'espère.
 
Pour faire face à mon Créateur qui me présentera à ma victime.
 
Mais pour ceux de la Terre, pour les anges et les innocents, je veux aller à l'essentiel. Et leur destiner en ce jour crucial les mots ultimes du prisonnier à vie que je suis...
 
Que la postérité les entende ! Voici mes dernières paroles, juste après je poserai mon stylo et fermerai les paupières.

Sachez tous que si je souhaite mourir comme un rat, c’est pour qu’on se souvienne du pauvre homme que je fus.

2489 - Un fou dans le noir

Je perçois la fin du tunnel, sens les murs s'éloigner, devine la porte s'ouvrir, comprends que la mort approche...
 
La Lumière n'est plus très loin, mes doigts l'effleurent d'un geste dérisoire dans l'air. Pourtant il n'y a que du noir autour de moi, une sorte de nuit finale recouvrant tout dans la cellule. Avec ce sentiment irréel qu'une étrange folie me gagne peu à peu. Comme si une ombre pénétrait en moi. Ou une enclume de glace. Ou même une bulle de plomb. Un tonneau de ténèbres, une espèce de boulet d'azur et d'acier. 

Je ne sais pas.
 
Ce monde de la prison n'est déjà plus le mien. Une flamme m'emporte. Que se passe-t-il ? Des ailes apparaissent à la place de mes bras et bientôt tout s'allège. Un oiseau qui me ressemble et qui porte mon nom traverse le ciel du plafond qui s'éclaire soudain.
 
Est-ce mon âme qui s'envole ?
 
Non, je ne pense pas. Pas maintenant. Il me semble que c'est juste une fumée ante-mortem, une illusion avant le grand saut. Une pure chimère de l'esprit qui se sait au bord de l'océan.
 
Je puis cependant écrire mes dernières impressions. Est-ce mon jour ultime dans cette geôle où le délire paraît désormais remplacer la réalité ? Plusieurs décennies de réclusion ont fait de moi une pierre, un papillon, une écorce, une étoile, une feuille séchée dans le vent, une pépite d'or dans la terre... Mais que dis-je donc là ? Le trouble s'installe en moi. Une tempête de cadavres d'années et de squelettes de barreaux soulève mes pensées, éparpille mes mots, élève ma conscience !
 
Il fait sombre dans la pièce mais tout s'illumine à travers mon regard. L'éclairage électrique au-dessus de ma carcasse de moribond n'a pas changé : ma vue s'affine simplement. Je ne parle que de "clé des rêves" et de "songes d'horizons" à mes gardiens qui me croient fou.
 
Mes idées restent claires et mes visions se brouillent.

Le criminel encore en taule que je suis s'apparente surtout à une taupe qui commence à sortir la tête de son trou.

mercredi 17 décembre 2025

2488 - Mon testament

Je livre le trésor dérisoire de ma pauvre vie au peuple des ombres qui m'écoute encore : les rats, les loups et la vermine peut-être, si nul homme ne daigne plus tendre l'oreille à l'épouvantail en taule que j'incarne.
 
Sinon, s'il en reste quelques-uns sur Terre, que ces rares humains assez fous et généreux pour entendre les dernières volontés d'un bandit de mon espèce prennent en considération ma cause.
 
Vous allez lire ici le testament d'un criminel au bout de son enfer terrestre, à la fin de son oeuvre misérable, au seuil d'un Ciel censé être fait pour les repentants.
 
Hors des murs de cette prison je fus une bête, à l'intérieur je suis devenu un fantôme. Un spectre qui ne possède aujourd'hui aucune autre richesse que ses rêves. Au cours de mon existence de reclus, je n'ai rien amassé qui vaille pour ce monde. Juste de quoi ne pas me laisser sombrer dans le noir : de précieux éclats de folie et de fastueux firmaments virtuels produits par mon esprit en détresse. Des choses sans valeur pour ce siècle.
 
Je ne peux faire mieux dans cette cellule où j'agonise que de vous proposer l'impensable : prenez donc tout ce que j'ai, vous les gens libres, vous les âmes vertueuses, vous les vivants du dehors, vous les joyeux oiseaux de l'extérieur.
 
Tout est dans les chiottes de ma geôle.
 
Dans cette gueule puante vous trouverez le contenu de plusieurs décennies de solitude. Au fond de ce gouffre putride vous découvrirez également des milliers de jours de cafard. Au sein de cette fosse innommable, assurément vous verrez gésir des tonnes de pensées sombres. Des amas de ténèbres toujours fumantes.
 
Je vous les destine.
 
A défaut de vous adresser mes idéaux poétiques qui de toute façon, je le devine du haut de ma tranchante lucidité, ne vous feront ni chaud ni froid, je vous envoie l'essentiel de ma merde à la face : mes larmes versées dans le silence de ma réclusion.
 
Bien qu'amplement méritées, je ne voulais pas qu'elles demeurent pour autant sans témoin.
 
J'ai trop sangloté contre mes barreaux d'acier. La compassion de mes semblables m'a manqué. Allez donc, mes frères heureux, vous pencher sur ce trou dans lequel j'ai enseveli une perpétuité de pesanteurs. Le poids de mes peines. 

Là est le seul legs qui m'allégera réellement.

2487 - Sur mon lit de mort

Je consacre mes dernières forces à rédiger ces pages. Telle est également la seule joie qui me reste, depuis mon lit d'agonie.
 
Ces phrases que je couche sur mes feuilles de papier contribuent à m'apaiser.
 
J'ignore si mes écrits seront voués au mépris ou bien simplement jetés avec mes autres misérables affaires sans qu'on y prête la moindre attention. Mes productions textuelles valent-elles la peine que les gens honnêtes se penchent sur leur lustre indécent ? Les épanchements des criminels n'ont jamais fait l'unanimité, je le comprends.
 
Mes histoires sont celles d'une fourmi enfermée dans un carré minuscule et qui n'a rien à raconter de mieux que son vécu insignifiant autour de quatre briques.
 
Il est question ici de l'aventure d'un échec, de l'oeuvre d'un naufragé, de la tentative d'évasion d'une ombre anonyme vers l'impossible. Mais aussi de la démesure du vide carcéral, ramassée dans un recueil de textes comme des graines séchées collectionnées dans une boite d'allumettes.
 
Des lignes qui, finalement, peuvent ne signifier que du vent pour des regards extérieurs... Faut-il se retrouver si proche du néant, côtoyer si intimement les ténèbres pour que remontent avec tant de fulgurance - ou de vacuité - ces pensées lourdes à la surface du monde, à la portée des hommes, sous la lumière du jour !
 
Pauvre prisonnier à qui l'on a accordé le privilège de pouvoir tuer son temps avec une plume, à moindre coût, et ainsi s'amuser à faire de ses heures perdues des montagnes rédactionnelles, je ne suis peut-être après tout qu'un dérisoire fétu d'humain déjà mort et inhumé, disparu depuis belle lurette dans l'indifférence générale.

Un producteur de mots inutiles.

2486 - Mon sort carcéral

La plus grande partie de ma vie s'est passée sans autre horizon physique que ces parois de béton qui m'entourent. J'ai exploré les moindres recoins de mon austère espace. Restreint au maximum. Là, dans ce clapier à lapins où je suis reclus depuis plus de quarante années, j'ai découvert des mondes lointains insoupçonnés, minuscules, imperceptibles et merveilleux. 
 
Dans l'invisible de ma réclusion j'ai perçu des immensités.
 
Au sein de l'étroit univers de ma geôle j'ai parcouru des plaines irréelles, emprunté d'impossibles chemins d'évasion, admiré des paysages inexistants. En tournant en rond dans ce périmètre exigu, véritable continent à échelle d'une fourmi, je me suis maintes fois échappé.
 
Jusqu'à atteindre les confins de la banalité se présentant à ma triste réalité... Et c'est ainsi que, des heures durant, j'ai contemplé béatement de simples particules de poussière flottant dans l'air. Comme si j'avais vu des étoiles briller dans ma cellule. Mais je me suis également embarqué dans des radeaux de rêves, à la dérive sur les fleuves sans fin du temps, m'emmenant tantôt en haut, tantôt en bas de mes jours sans but.

Pitoyables aventures d'un pauvre détenu à perpétuité qui se prend pour un argonaute de l'ombre, un découvreur d'astres imaginaires, un sondeur de mystères !

Réduit à une existence de hamster, contraint à ne pas dépasser l'envergure d'un rat de prison, je ne suis en vérité et par la force des choses, je le sais bien, rien de plus qu'un explorateur des bas-fonds, un proche des cafards, un poète au rabais ! En un mot, la parfaite incarnation de la misère ordinaire régnant dans le milieu carcéral... Et je me crois un roi ! Mon royaume n'est qu'un cachot.

Et là, au bord de la tombe, à présent que je ressemble plus à un cadavre de rampant qu'à un bipède vivant, je rends l'âme goutte à goutte. Etendu toute la journée sur mon lit à attendre que tout finisse, je me vide de mon essence de criminel en pénitence. Et continue de m'alléger peu à peu des derniers restes de ma noirceur pour renaître vers une sphère de vraie gloire.

Loin de cette fausse lumière éclairant perpétuellement le plafond de ma forteresse de neuf mètres carrés.

mardi 16 décembre 2025

2485 - L'aventure de mon vide

On pourrait dire que ma réclusion à perpétuité ressemble à un roman monolithique dont l’intrigue se résumerait à ma vie de misère.
 
Un livre vide, sans histoire, fait de pages blanches, de lignes absentes, de phrases inexistantes. Une oeuvre absurde et inutile racontant pour personne d'autre que moi-même des dizaines de milliers de jours perdus dans le néant de l'enfermement.
 
Une existence aberrante, sacrifiée pour payer un crime. Le prix de la pénitence. Le pain de mon péché.
 
A travers toutes ces décennies confinées dans un espace si étroit, j'ai écrit avec ma seule ombre l'équivalent d'un monument homérique : à l'encre de l'ennui, sur la feuille noire du temps carcéral, pour un public de fantômes.
 
J'ai réussi cet exploit minable, là au coeur de ma cellule, au centre de ma solitude, loin de cette société de gens libres au sein de laquelle, adulte, je n'aurai finalement pas vécu.
 
Mon sort terrible et navrant, ainsi que celui de tous les détenus, n'inspire au reste de l'Humanité que des sentiments négatifs.

Ce qui n'empêche pas que, par mon unique présence sous les barreaux, en terme d’originalité, de pittoresque, d'exotisme à l'extrême rabais, c'est comme si j'avais pondu l’égal d’un pavé romanesque. Un volume creux qui, même s'il avait existé, n'aurait été ouvert par aucun mortel. Un ouvrage sans intérêt voué au mépris, négligé, égaré, oublié quelque part sur les étagères de la désolante bibliothèque des naufrages humains. Si un auteur fou s’amusait à mettre ma biographie en prose, il sortirait de sa plume une création aussi captivante qu’un annuaire téléphonique.
 
Par le modèle que l'incarne, je brille de fabuleuse nullité. Et je deviens une sorte de demi-dieu sombre. Une figure peu enviée mais fantastique de la prison.

Par passivité interposée, j'ai produit cette chose pitoyable que nul ne verra jamais : le récit plat et silencieux de ma captivité. Rédigé en lettres mortes. J'ai fait naître virtuellement cet impalpable objet livresque comparable à un monstre de vacuité, juste en tournant en rond autour des murs de ma geôle. 
 
Pas à pas et heure après heure s’est manifestée dans l'indifférence du béton l’immensité de ma détention : le rien.
 
Pour moi ces années à croupir dans ces austères neuf mètres carrés constituent une montagne implacable, un véritable calvaire à l'échelle d'un destin, une épreuve de géant. Mais vu de l'extérieur ce sommet de souffrances individuelles du criminel que je suis restera une simple poussière, étant donné que je ne compte plus pour le monde. Pour toujours je demeurerai un homme invisible aux yeux de ceux de dehors.
 
Telles sont les considérations que je viens d'exposer ici, froidement et de façon concrète au stylo sur mes papiers de brouillon, assis à ma pauvre table de prisonnier. Mais ces mots-là, aussi vrais que possible, qui les lira réellement ?

2484 - J'attends la fin

Je n'en reviens toujours pas !
 
L'inconcevable s'est finalement produit, lentement mais réellement : une petite éternité s'est écoulée dans les neufs mètres carrés de ma captivité ! Et de déprimes en cauchemars, jour après jour, année après année, j'ai atteint le fond de l'enfer. Ou le sommet de ma montagne d'épreuves, tout dépend de la manière de considérer la chose...
 
Le plus dur est fait.
 
J'ai payé le prix de ma faute, je crois. Jusqu'au moindre sanglot et jusqu'à mes dernières forces. J'ai exploré le monde abyssal et statique du temps qui s'arrête entre quatre murs. Sans oublier mes voyages interminables sur des milliers de mers d'ennui... Avec, pour m'accompagner dans ces pitoyables aventures en solitaire, les invariables flots de tristesse s'abattant sur les heures mortes de mon âme minée. Mais encore, pour me reposer de ces éreintantes journées remplies de vide, les plages mornes, sans fin, misérables des soirées de molle langueur.
 
Je suis allé au plus loin du rien, à l'extrémité du néant, au bout de nulle part, ayant même dépassé la limite accablante du zéro.
 
Il ne me reste plus que l'espoir de l'infini. Le saut vertical. Le vol galactique. Je n'ai pas le choix de faire autrement que de regarder en haut désormais. L'abîme ne m'offre aucun avenir. Je me condamne moi-même à monter, non à descendre.
 
Si j'ai tenu si longtemps dans ce trou, c'est surtout parce que j'ai pu m'accrocher à mes ancrages de légèreté : mes rêves oniriques et mes évasions poétiques. Mais à présent que tout est sur le point de finir, je lâche prise. Je me laisse emporter doucement par les vagues brillantes de l'autre océan qui m'appelle.
 
Je sors progressivement du tunnel. Je dors beaucoup, mange peu, souris souvent à mes gardiens, me réjouissant de mon existence qui s'achève sur Terre.

Je passe des nuits sages et mes pensées sont devenues folles.

lundi 15 décembre 2025

2483 - Derrière les murs, il y a Dieu

Lorsque bientôt ma pauvre âme aura quitté les lourdeurs de la Terre, je me retrouverai pleinement en face de mon crime en même temps qu'aux pieds de Dieu.
 
Je suis le pire pécheur qui soit. Et c'est en tant que sinistre criminel que je me présenterai à mon Créateur : honteux, repentant, aussi méprisable qu'un cafard depuis le fond de mon gouffre intérieur.
 
Plein de noirceur résiduelle et cependant assoiffé de blancheur, je réclamerai le feu rédempteur.
 
J'ai porté les quatre murs de ma cellule comme une croix méritée. J'ai payé ma dette au monde des hommes, que puis-je encore faire pour m'acquitter de l'impôt du Ciel ? Mes larmes versées dans la solitude de la sombre geôle suffiront-elles vraiment pour le divin laisser-passer ? Les décennies passées à croupir en compagnie de barreaux dacier et d'indifférence compteront-elles dans la balance céleste ?
 
Faudra-t-il donc que je passe d'autres épreuves ? Il me semble avoir déjà tout donné ici-bas. Tout accepté. Trop enduré. J'ai même espéré pouvoir bénéficier du privilège d'être rehaussé au rang des rats afin de rejoindre plus facilement les hauteurs convoitées, attendus que ces mangeurs d'ordures sont plus dignes que moi de la pitié des anges.
 
Dans mon antre de reclus, j'ai écrasé l'innocente mouche simplement coupable de vouloir se nourrir, maudit l'horrible araignée pour sa seule apparence et exterminé le reste de la pacifique vermine pour l'unique raison qu'elle ne demandait qu'à vivre. Je sais que je ne valais pas mieux que ces importunes. La plus répugnante, la plus ignoble, la plus laide d'entre toutes ces créatures, c'est moi.
 
Pour ces bassesses également, je devrai rendre des comptes.
 
Je répondrai de ces vilenies devant mon juge ultime, c'est d'accord.
 
Derrière la porte, c'est l'Univers entier qui m'attend. Et au bout de ma longue course, après tant de souffrance, à deux doigts de l'infini, au bord de cet océan de lumière, je veux défendre l'immensité de ma cause.

dimanche 14 décembre 2025

2482 - Je perds mes forces

Mes forces commencent à m'abandonner et je perds le goût de consumer mes derniers jours. Je me détache peu à peu des réalités de la Terre. Le trou final est proche. Je vais me laisser emporter sur la rive suprême sans résister. J'ai peur, oui. Pourtant je suis heureux de partir. Trop las pour respirer encore telle une taupe dans cette cellule devenue mon foyer ultime, je veux quitter cet enfer minuscule pour de nouveaux espaces, mêmes inconnus.
 
J'ai payé le prix exorbitant de mon crime exorbitant.
 
Pour ainsi dire, un siècle enfermé dans ce carré bétonné. Ce fut mérité ! A présent je me vide du peu de lumière qui me reste. Les conséquences de mes actes m'ont fait aller au bout du bout. Et mon calvaire se termine. Il est temps pour moi de fixer la mort droit dans les orbites. Je la redoute tout en la bénissant. Si elle doit me faire mal, ce sera toujours moins douloureux que cette existence de réclusion perpétuelle. Dans cette geôle j'ai assez souffert, assez espéré, assez mangé, assez dormi, assez rêvé et assez chié !
 
Les gardiens savent tout autant que moi que ma route s'achève, ils ont l'habitude de voir des condamnés mourir en captivité. Ils ne me traitent pas différemment que les autres qui demeurent en bonne santé. Aucun traitement de faveur de leur part et ils ont bien raison ! Ils se rendraient totalement méprisables à mes yeux s'ils s'abaissaient à devenir des garde-malades pleins d'onction, de flasques auxiliaires de vie, de sirupeux confidents, voire de grotesques psychologues... Mon extinction au sein de ce monde carcéral prendrait une tournure ridicule.
 
Je les aime et les respecte en tant que chiens méchants, mes cerbères ! Non en carpettes.
 
Leur uniforme, leur dignité, leur froideur, leur attitude règlementaire me mettent en permanence à ma véritable place, là où je dois être dans les faits, et surtout pas ailleurs. Mes larmes, mon désespoir, mes maux, ça me regarde. Je ne demande pas de recevoir de caresses, mais la seule et juste rétribution qui me revient. Que mes geôliers restent donc des matons purs et durs ! Et qu'ils me considèrent avant tout comme un prisonnier, non comme un moribond à soigner, à plaindre ou à border ! Garder un visage de roc, laisser une image de marbre constituent pour moi les vraies priorités à l'égard du personnel pénitentiaire.

Je m'alimente au minimum de mes besoins. Mon corps se dessèche. Mon esprit divague. Ma chair se meurt. Je vise l'horizon. J'ai soif d'océan.

J'attendais depuis si longtemps ces premiers signes du commencement de la fin...

samedi 13 décembre 2025

2481 - Mon cinéma

Mes rêves de taulard s'affichent régulièrement sur les murs de ma cellule. Quatre écrans vides aux côtés de ma carcasse presque éteinte. Un carré de ténèbres passives que je puis à ma guise animer, éclairer, peupler de fantômes étincelants en y projetant tout simplement le meilleur de moi-même.
 
C'est aussi de cette façon que je me revigore de fables inopinées, m'abreuve de voyages sans fin, me nourris de lumières nouvelles : avec ce que j'ai sous les yeux. Mon imagination m'emporte là où je veux, loin de ce tombeau de condamné à perpétuité qui me sert tout à la fois de mini-cuisine, de pièce de séjour, de cachot, de chambre et de chiottes.
 
Un véritable salon de salaud de détenu !
 
Ces portes de cercueils dressées autour de ma vie totalement restreinte m'accompagnent dans les immenses prairies fleuries et de mon âme en évasion. Ce sont là de mortes et sinistres compagnies avec qui je chemine souvent de soupirs en sanglots, certes. Mais quand il le faut, elles se déploient également telles des ailes de choix qui m'entraînent vers des songes radieux et des envolées fulgurantes : ce quatuor de spectres noirs m'escorte habituellement jusqu'au fond du gouffre il est vrai, mais surtout au coeur de mon infini onirique...
 
Je fais ainsi voler en lyriques éclats les lourdeurs carcérales qui m'écrasent et m'étouffent !
 
Combien de soirs suis-je de la sorte parti en vadrouille en direction des étoiles, tous feux intérieurs allumés ? Ma geôle devient ma salle de cinéma. Sur ces toiles qui m'encerclent et sur lesquelles s'étalent fantastiquement mes mirages contrôlés, je trace ma route d'aventurier statique et creuse le sillon poétique de ma pathétique existence de reclus.

J'invente n'importe quel prétexte à ma portée, même misérable, même délirant, pour faire naître du néant qui m'entoure des histoires dignes d'un géant... Et pouvoir monter un peu, atteindre les nuages, toucher le ciel, me placer au niveau d'un demi-dieu. 

Le temps d'une passagère ivresse, d'une brillante illusion, d'un râle de désespoir de ce pauvre enfant que je suis, perdu dans sa cage de solitude.

2480 - Sinistre andouille

L'issue funeste de mon aventure carcérale approche, j'aurai passé mon existence entière d'adulte à tourner en rond dans cette cellule qui est devenue mon cocon de barreaux et de béton.
 
Emmuré vivant dans une minable forteresse de neuf mètres carrés, je constate finalement que j'ai mené une vie de hamster d'appartement.
 
Un destin d'andouille.
 
Ou une carrière d'aubergine, au choix. Quelle différence après tout ? Dans les deux cas j'ai été grillé.
 
Mon sort aura été l'égal de celui d'une saucisse, c'est sûr.
 
En franchissant la porte de cette prison, du jour au lendemain j'ai vertigineusement rétrogradé, passant du statut envié d'homme libre à la triste condition d'un pitoyable pot-au-feu mijotant à perpétuité entre quatre murs.
 
Le roi des cons et l'empereur des carottes cuites, en somme.
 
J'ai dégringolé du sommet de mon humanité pour me retrouver à la piètre hauteur d'un pauvre légume. Ayant ainsi accédé à la dignité d'un sacré cochon, il ne me restait plus qu'à me vautrer dans cet étang de navets me tenant lieu de définitif foyer.
 
Du fond de ma geôle, je n'ai eu que ma gamelle de soupe à espérer gagner de mes plates et vides journées.
 
Dès le premier soir en entrant dans cet interminable cauchemar, je compris que c'était pour moi la fin des haricots.
 
Mais là aujourd'hui, réduit à si peu de chose, ratatiné au ras du sol comme une misérable crêpe, aplati telle une pâte à tarte, je ne demande qu'à m'élever jusqu'au Soleil. Non, je ne demeurerai pas le dernier des derniers... Je veux engager le saut radical, entreprendre le bond suprême, tenter la céleste cabriole.

Je meurs et j'arrive, je pars et monte, disparais et m'envole.

vendredi 12 décembre 2025

2479 - Mon secret

Mon âme est l'ultime cellule de l'Univers dont la porte demeure réellement inviolable. Mon secret est si scandaleusement beau, en dépit des apparences, qu'il serait indécent de le révéler à ce siècle. Le monde ne pourrait ni l'accepter ni le comprendre : je ne suis qu'un criminel en taule, rien qu'un bandit, un méprisable coupable, un condamné à vie qui mérite sa peine.
 
Comment dans ces conditions oserais-je avouer l'inavouable ?
 
Au-delà de mon crime, il y a l'indicible. Derrière mon ombre brille une lumière. Plus loin que mes gouffres, il existe des sommets. Oui j'ai commis un acte vil et sinistre et cela fait justifie assurément ma situation funeste au fond de ce trou de toutes les larmes. Pour autant, ces dures vérités n'enlèvent pas un atome à la montagne qui s'élève en moi.
 
Je suis pareil à une vermine face à une galaxie.
 
Aucun de mes mots ne saura jamais convaincre les vers de terre qui m'entourent. Même si le lombric se montre encore bien supérieur à moi, ce dernier n'en reste pas moins au niveau des rampants. Mais qui donc est capable d'entendre une telle incongruité ?
 
Je ne fais confiance qu'à l'invisible, qu'à l'ailleurs, qu'à l'infini. La Terre et ses lois sont trop étriquées pour cet océan plein de clarté que je porte.
 
Les fers du temps, les pierres du réel, les certitudes du tangible, les rigueurs de l'esprit, les raisons d'État et autres pesanteurs d'ici-bas n'ont pas le moindre pouvoir contre mon feu profond.
 
Un trésor si immense qu'il m'est impossible de vous le dévoiler cependant : vous prendriez ce soleil pour un outrage. Cette flamme qui m'illumine vous blesserait.
 
Et nul n'y croirait.
 
Je ne suis qu'un pauvre engeôlé, un détestable détenu, un misérable mortel purgeant sa peine.
 
Je ne vous demande pas de me suivre là où vous ne pouvez aller, étant donné que je suis seul à avoir accès à ces hauteurs cachées.

Juste de me laisser ce qui m'appartient, et que par respect de ce que je considère comme la chose la plus sacrée qui soit, pas une fois je ne nommerai.

2478 - Mes vues ultimes

Je croise rarement les autres détenus.
 
Même lors des moindres occasions où il me serait possible de les côtoyer intimement, je préfère les éviter. Loin de considérer cette faune carcérale comme une idéale compagnie, je la rejette franchement. Ne trouvant pas du tout à mon goût cette engeance peu reluisante, je me tourne plus volontiers vers mes geôliers avec qui je m'entends bien mieux.

Plus froids mais plus fiables, moins causants mais toujours intègres, leur dureté n'est jamais feinte et leur coeur de fer a l'avantage d'être demeuré droit. A mes yeux mes gardiens valent infiniment mieux que ces criminels pleins d'orgueil qui se prétendent leurs égaux.
 
En vérité ces piètres frères d'infortune m'inspirent autant de mépris que l'acte qui m'a conduit à partager cet enfer avec eux. Je sais que cela ne reflète guère la norme dans un tel lieu et je me doute bien que je dois être un cas exceptionnel, mais je ne ressens aucune fraternité envers cette population d'écroués dont je fait pourtant partie moi aussi.
 
Au nom de quelle cause impérieuse devrais-je donc éprouver de la compassion à l'égard de ces oiseaux de malheur si toxique pour une société ordonnée et si haïssables pour les honnêtes humains qui la composent qu'on a dû les priver de liberté afin de les rendre inoffensifs ?

Non, je ne plaiderais nullement en faveur des bandits et ne ferais pas davantage le procès des âmes vertueuses ainsi que c'est généralement l'habitude chez les esprits tordus qui se prennent pour les véritables justiciers du monde. Ces derniers, adeptes de l'impénitence et de l'inversion des valeurs, avancent tous les arguments imaginables pour défendre l'idée aberrante que la vraie justice se situe de l'autre côté de la morale officielle... Sauf que lorsqu'on tue, braque ou viole, il ne reste aux coupables que le Diable pour unique avocat.
 
Le mutisme du béton et la glace des matons me semblent encore plus essentiels que la chaleur pitoyable de ces déplumés.
 
Moi aussi je souffre. La solitude me pèse pareillement. Mais c'est la règle du jeu et elle est la même pour tous les prisonniers que nous sommes. Nous avons joué, nous avons perdu, nous avons été incarcérés. Je ne leur dois rien de particulier, et certainement pas mes sentiments distingués sous prétexte que nous mangeons la commune pitance de gibier de potence !
 
Je fais définitivement bande à part.
 
Ma route s'oppose à la leur : ils espèrent tous prendre la prochaine porte de sortie qui se présentera à eux, alors que moi je ne veux m'engager que dans la voie digne de ma hauteur : ma seule direction sera celle de la radicale verticalité. Entre le zéro et l'infini, je ne transige pas.

Je vise l'ascension la plus difficile.

jeudi 11 décembre 2025

2477 - Après la peine, la paix

L'ordre suprême se met en place. Après la nuit vient le jour.
 
Ce poids de peine, cet océan d'ombre, ces flots de tristesse ont fait leur oeuvre. Chaque chose de la réalité incarnée a sa raison d'être. Aucun rouage de l'Univers n'échappe à la grande loi.
 
Et moi, pauvre fétu de paille emporté par le vent cosmique, seul dans ma cellule, j'ai l'impression d'être parvenu au bord d'un nouvel infini, comme au milieu de deux extrémités, à mi-chemin entre fosse et sommet.
 
Depuis mon lieu de réclusion je contemple la vaste mécanique des êtres et des éléments dans laquelle je suis inclus, sans la comprendre vraiment. Je sais simplement qu'elle me dépasse. A mon niveau j'ai surtout conscience de la responsabilité de mes actes personnels. Le reste demeure encore très vague pour moi, même si je sens intimement que mon asile de bandit ne se situe pas ailleurs qu'entre ces murs de pénitence.
 
Le temps n'est plus aux troubles mais au repos. Le feu a tout consumé, voici à présent l'heure de la sérénité, une autre voie s'ouvre devant moi. Ma vie prend l'adéquate direction que lui désigne l'épreuve. Je ne regarde que l'essentiel, ne me soucie que de ce qui me fait face : le passé est mon enfer, l'horizon mon salut.
 
Dans cette prison rien n'est réellement fini en ce qui me concerne certes, mais là où je suis arrivé tout commence à s'éclairer. Pour gagner ce combat, il aura fallu que j'accepte le pire dès le début et que je l'endure jusqu'au bout, sans chercher à fuir le calvaire. Loin de me comparer à un saint, j'appartiens à la race des crapules, des bêtes, des criminels.
 
J'ai mis tout mon coeur me hisser à la hauteur des humains. Je mettrai autant d'ardeur à ne pas perdre mes ailes, une fois sorti de mon trou : bientôt aussi léger qu'un papillon, j'ai le ciel à conquérir.
 
Aujourd'hui, après tant d'années de pesanteur, le premier matin de la paix se lève sur mon âme et je bénis le monde.

Lorsque je mériterai ma liberté, je serai déjà mort.

mercredi 10 décembre 2025

2476 - Tristesse en fête

Aujourd'hui plus que les autres jours, tout pleure autour de moi : les murs suintent de la grisaille, le plafond est chargé de ténèbres, le sol s'ouvre telle une fosse immense et du haut de ma tristesse je chante ce deuil éclatant.
 
Etant donné que je suis une nature positive, je décide vaille que vaille de monter lorsque tout me pousse à descendre pour mieux me faire chuter. Je préfère marcher à contre-courant des forces stériles qui essaient de m'entraîner vers le bas plutôt que hurler avec les fous. Il m'est plus bénéfique de tenter de capter du beau, même provenant de la boue, que de me laisser aller au désespoir.

Je veux voir de la lumière là où règne le néant. Coûte que coûte, et peu m'importe que cette lueur soit douce, tranchante ou sévère. L'essentiel est de percevoir ce peu de clarté au coeur de l'obscurité.
 
Ainsi, à mes yeux la nuit de brumes et de chagrins où je gis vaut un firmament de constellations : les ombres qui peuplent mon univers carcéral y brillent aussi mystérieusement que des étoiles. Et ma cellule plombée s'illumine de rêves blafards.

Je m'efforce de regarder les réalités sinistres sous un angle plein d'intelligence, de manière à m'en réjouir au lieu de m'en désoler.

Je transforme les larmes, la laideur et la déprime en sources d'émois esthétiques. Et fais un spectacle de l'ambiance mortelle où le sort me plonge... Loin de me noyer dans les profondeurs de ma geôle, au contraire je m'envole : la souffrance me donne des ailes. Et ce n'est plus alors un brouillard qui m'entoure, mais un nuage sublime que je contemple en artiste.
 
Je considère ces astres sombres comme autant de beautés sépulcrales dignes d'être célébrées à travers mon regard d'incarcéré. Ces transports d'esthète sont les derniers trésors encore vivants qui demeurent au sommet de mon âme. Ma fibre poétique reste intacte : je suis capable de m'enflammer face au théâtre de la mort et de la glace.

Je choisis de me réchauffer au feu des spectres et évite ainsi de me changer en statue de marbre.

Du fond de ma captivité je suis un caillou qui ressemble à un diamant, pareil à un gueux paré des vêtements d'un roi, aussi déshérité que fabuleusement riche : ne me laissant pas abattre pour un sou, j'invite le bourdon, le cafard et le boulet à entrer en fête !

mardi 9 décembre 2025

2475 - La tache

Un matin en me réveillant je remarquai une anomalie au plafond.
 
En réalité, il s'agissait d'un petit rien, une bagatelle : juste une tache. Une marque sombre qui ne se trouvait pas là la veille. La chose était donc apparue au cours de la nuit, de toute évidence. Un détail certes, mais assez intrigant pour que je relève le fait et y cherche une explication rationnelle.
 
Je demeurai étendu sur mon lit à fixer la mystérieuse éclosion.
 
L'événement prit vite une tournure extraordinaire. Aussi insignifiante fût-elle pour n'importe quel autre mortel de mon espèce, cette émergence venue de je ne sais où, née de j'ignore quoi, se révélait à mes yeux une merveille (ou peut-être un délicieux cauchemar) à la hauteur du néant de mes journées. La légère inquiétude que ce maculage suscitait en moi comblait agréablement le vide de mon existence, j'en avais éminemment conscience.
 
Fort étrangement, au bout d'une heure environ cette bavure me semblait s'être imperceptiblement étirée... Je me mis alors à la percevoir non plus de manière franche et directe comme une simple manifestation tangible, ainsi que je l'avais cru au premier abord, mais plutôt comme le début d'une minuscule invasion de l'espace au-dessus de moi, sournoise et impalpable, pareille à une ombre changeante. Une sorte de coulée d'encre virtuelle sur la surface claire formant mon toit étriqué de reclus. Ou pour le dire encore autrement, l'extension mouvante d'un phénomène immatériel. Une bizarrerie, assurément ! Je ne parvenais pas à  vraiment distinguer la nature véritable de cette apparition.
 
Entre noire ambiguïté et apparence informelle, cette trace énigmatique avait jeté un trouble en moi.
 
A travers cette forme ténébreuse je voyais s'étendre progressivement une énorme interrogation. Impossible de savoir précisément si j'avais affaire à une singularité éthérée ou à un objet concret, identifiable, purement physique... A mesure que je me concentrais sur cette drôle de substance ou sur cette image, ses contours se montraient plus diffus, semblable à une fumée qui s'éparpille.
 
Cette curieuse empreinte était-elle réelle ou rêvée ? Il aurait fallu que je l'observe de près pour en avoir le coeur net. Mais j'avoue que je n'osai pas trop m'en approcher.
 
Elle devenait une incertitude grandissante.
 
L'anormale figure, quasi vivante, paraissait à présent se gonfler telle une bulle, ce n'était pas une illusion ! Elle prit finalement une ampleur gigantesque, jusqu'à recouvrir les murs, le sol et tout le reste !
 
Bientôt ma cellule entière fut inondée par cette obscurité géante.
 
Puis, d'un coup, la lumière revint dans la pièce. La monstrueuse intruse était partie. Je me sentis soulagé. Je devinai ce qui venait de m'arriver et je crois que tous les criminels détenus à vie font eux aussi face à ce genre de stigmate découlant de leurs actes, au moins une fois au cours de leur longue incarcération...

Je compris immédiatement que j'avais été confronté à l'immonde projection mentale de mon crime.

lundi 8 décembre 2025

2474 - La marche des secondes

Elles m'entraînent dans leur course fatidique à chacun de leur pas.
 
Minuscules, insidieuses, quasi invisibles mais redoutables, les secondes emportent tout sur leur passage, une à une, petit à petit, sournoisement. On les croit faibles, insignifiantes, inoffensives, en réalité se sont de vraies fourmis de feu ! Elles envahissent tout à notre insu, affrontant l'immensité sans reculer.
 
On ne se méfie jamais assez de ces humbles marcheuses : l'une après l'autre, elles progressent minutieusement vers leur but, implacables.
 
Au fil du temps -cette véritable montagne séculaire qu'elles conquièrent sans se presser- ces gouttes éphémères forment de vastes fleuves.
 
Sans m'en apercevoir vraiment, je chemine du matin jusqu'au soir en compagnie de ces modestes passantes de l'existence. Et mine de rien, je finis par parcourir des milliers de jours à leurs côtés. Avec elles, l'instant qui s'ajoute à de multiples autres instants se transforme patiemment en un lustre entier !
 
Puis en une décennie, en vingt ans, en un siècle...
 
Dans ma cellule je ne vois pas passer ces infimes durées. Elles me glissent entre les doigts comme un sable trop fin, tant je me focalise prioritairement sur leurs grandes soeurs les heures... En effet, je trouve ces dernières beaucoup plus plombées et austères... Au moins je prends ces ogresses dévoreuses de cadrans au sérieux : elles s'affichent de manière plus crédibles dans ma longue vie de détenu. Elles s'écoulent moins vite et j'ai le loisir de les voir défiler douze fois au quotidien, voire davantage si je ne dors pas la nuit. C'est là leur avantage et même leur raison d'être au sein de l'univers carcéral. Elles sont chargées, lentes, écrasantes. Omniprésentes dans leurs apparences de plomb, je ne les oublie pas de sitôt.
 
Tandis que les miettes de silence qui ne durent guère s'envolent à peine nées.
 
Pourtant ces menues trotteuses, pour légères qu'elles paraissent, tournent bel et bien autour de moi soixante fois par minute pour mieux m'emballer une fois leur journée terminée !

Même si ces deux modes temporels m'enchaînent à leurs lois souveraines selon leurs mesures respectives, je préfère la marche des secondes à la stagnation des heures : dans le bref sillage des poussières de Chronos, mes fers trop lourds de taulard deviennent des plumes.

dimanche 7 décembre 2025

2473 - Déliré-je ?

Quarante années d'enfermement. Plus de quatorze-mille jours que je suis emmuré. Ma solitude m'a habitué à moi-même plus que de raison et je vois ma propre ombre comme une seconde personne. Et cette silhouette immatérielle s'éloigne parfois de moi... Elle se transforme en un étranger qui me ressemble et que j'observe avec distance, voire méfiance. Elle s'échappe ainsi de ma réalité avant de revenir vers moi avec un visage semblable à ceux des rêves. Et je ne comprends plus rien, je perds pieds, je chancelle dans ce trou de neuf mètres carrés, seul face à la folie. Et je m'évade progressivement, assommé de tempêtes intérieures et de fumées imaginaires.

Je pars dans un univers que je ne puis nommer.

Je me retrouve hors du monde, la tête dans un espace aussi lointain qu'impalpable, les semelles bien posées sur le sol de ma cellule cependant...
 
Je ne parviens plus à distinguer les murs de ma geôle des limites de mes pas dans l'ailleurs. Je crois marcher par-delà les barrières qui m'encerclent mais je ne fais que m'enfoncer dans des délires vertigineux.
 
J'entends la porte de mon enfer qui s'ouvre, c'est le gardien qui m'apporte un verre d'espoir. Je le bois à pleines gorgées. Avant que je ne puisse le remercier, il y ajoute la glace de son regard pour mieux rafraîchir la flamme offerte. Les symboles se mêlent au concret et cela trouble ma vue et agite ma vie. L'eau, le feu, la nuit et la lumière, tout se confond au fond du récipient qu'il me tend. La clé tourne dans la serrure, les heures sont pareilles à des vagues et le temps s'écoule sous ce ciel éclairé électriquement où je m'éternise... Je m'étends sur le lit, les yeux ouverts, le coeur entre gouffre et nues.
 
Je m'envole dans mon vide, virevolte dans ma fuite, tourbillonne dans mon antre, attendant follement que tout finisse. Ou peut-être que tout débute. J'ai l'impression de faire entrer de vieilles connaissances dans la pièce, des gens dont j'ai depuis longtemps oublié les noms... A moins que ce ne soient des intrus qui pénètrent chez moi sans y être invités ? Mes repères se brouillent. Qui donc franchit le seuil de ma demeure ? La mort et l'horizon frappent chacun leur tour aux barreaux, et par la fenêtre j'aperçois des oiseaux volant en direction des mots que j'étale sur ma feuille de papier, alors que que j'écris ces présentes lignes...
 
D'un côté je sens que des ailes me propulsent vers les hauteurs, tandis que de l'autre côté, du plomb me maintient encore à mes certitudes rationnelles de mortel.
 
Mes pensées n'ont plus de sens, les visions remplacent les choses réelles et je ne sais pas davantage qui je suis devenu aujourd'hui... Maintenant le silence règne. L'esprit change avec la paix qui revient. Le vent se calme, la loi des âmes est partout la même.

Il est bientôt minuit et le sommeil commence enfin à m'emporter à l'écart des braises et des cendres de la journée.

samedi 6 décembre 2025

2472 - Vieillesse

Je n'ai pas vu le siècle passer.
 
Du fond de ma cellule cela fait déjà longtemps que le monde s'est arrêté pour moi. Et les décennies se sont additionnées pour consumer ma vie entière. Quarante années se sont écoulées depuis que je suis enfermé entre les quatre murs de ce purgatoire miniature. Pour un humain, cela équivaut à mille ans.
 
En effet, après un certain temps à croupir derrière les barreaux, et surtout lorsqu'on sait que l'on y demeurera pour toujours, il n'y a plus de différence entre une semaine et un mois, une feuille et un arbre, une plume et une aile, un jour et une éternité : tout se confond dans un seul et même bloc compact. Petites et grandes choses y sont mêlées sans distance. Mon destin est ramassé là, en un point étroit, limité, strict, au coeur de cette geôle qui constitue mon univers de condamné.
 
Ce trou est mon port final.
 
J'y suis devenu vieux presque sans m'en rendre compte. De la même manière qu'en entrant jeune dans cet espace de neuf mètres carrés, la situation me paraissait déjà terriblement irréelle. Je n'avais pas totalement conscience de l'énormité de cette réalité à affronter, tant ce sort me semblait humainement inconcevable.
 
A cette époque ce cauchemar éveillé que je vivais restait encore une abstraction à mes yeux. J'avais certes les pieds concrètement scellés dans le plomb de l'irrévocable réclusion, mais pas l'âme : elle se rebellait, se détachait de ces insupportables pesanteurs, fuyait le réel. En un mot, je n'y croyais pas. Je n'imaginais pas vraiment pouvoir traverser l'océan de cette perpétuité aussi impensable que lamentable. L'odyssée d'un malheur, en somme. Je ne voyais pas le bout d'un tel chemin, pourtant aujourd'hui je l'ai parcouru quasiment du début au terme.
 
Et je n'en reviens pas.
 
J'ai sacrifié mon existence emmuré ici, en pénitence de mon crime. Et j'arrive en fin de course. Est-ce donc possible que je sois parvenu si loin ? Ma peau flétrie et mes traits creusés parlent pour moi, je ne rêve pas. Je me regarde dans la glace et je réalise que tout est vrai. Je n'ai pas quitté mon antre, cette pièce de captivité définitive qui fait office de tombeau et dans laquelle sont disposés ma table, ma chaise, mon lit, mon lavabo, immuables.
 
Cet exploit pitoyable, je l'ai accompli !
 
C'est comme si j'avais réussi la prouesse d'aller jusque sur la Lune. Une aventure impossible, inimaginable, en apparence irréalisable. Cependant les faits sont là : j'ai décroché le lot ultime.
 
Sauf qu'au lieu de conquérir un sommet, j'ai exploré un gouffre.
 
Je commence à apercevoir l'issue de ma peine. La mort approche à pas résolus et je l'attends, encore un peu incrédule. Tout sera bientôt payé jusqu'au dernier centime, à l'heure suprême.

Ma vieillesse sera peut-être ma nuit de feu.

jeudi 4 décembre 2025

2471 - Le tour de ma cellule

L'univers de ma cellule se résume certes à un espace très étroit, fort restreint, extrêmement limité. Cela ne m'empêche nullement d'en explorer les minuscules recoins ni d'en imaginer les plus fabuleux horizons. Depuis ma permanente position statique, j'ai un angle de vue acéré et durable sur les moindres choses. Et mon regard se pose progressivement sur les détails de ce qui m'entoure, tantôt contemplatif, tantôt rationnel.
 
Une vie entière ne suffirait pas, en vérité, à entreprendre un voyage complet entre les quatre murs qui m'encerclent. Mon monde de reclus est triste, il est vrai. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'est pas riche. Bien au contraire, il se révèle d'une variété sans fin pour qui se focalise patiemment sur les plus petites parties qui le composent. Mais également lorsqu'il est considéré sous ses multiples aspects : directement visuels ou purement abstraits, grossiers ou subtils, franchement tangibles ou beaucoup moins évidents...
 
Moins il a d'objets à observer, de supports pour y faire courir ses pensées, de surfaces apparentes pour y faciliter son évasion intérieure, plus l'esprit cherche des points d'appui, paradoxalement. Et il se contente de peu pour être comblé.
 
Sur des miettes, des poussières, des bêtises de toutes sortes il trouve finalement des trésors sur lesquels s'accrocher, rêver, partir très loin. L'imagination humaine s'emballe plus facilement dans le dépouillement matériel et découvre des infinis à travers trois fois rien.
 
Ainsi une écaille de peinture tombée sur le sol peut m'emmener dans les méandres de ses imperceptibles étendues, véritables montagnes et vallées à échelle d'une bactérie. Ou une simple feuille d'arbre qui entre par la fenêtre peut devenir un sujet d'étude minutieuse, un puits brut de sciences naturelles où m'abreuver intellectuellement, mais aussi un terrain d’aventure miniature sur lequel je choisis de cheminer durant des heures, comme si j'étais une fourmi.
 
Là où dans un contexte ordinaire l'homme en liberté ne verrait que du vide, des artifices puérils, des misères dénuées d'intérêt, ici enfermé pour toujours dans une geôle, le condamné à perpétuité a tout son temps et toute son attention pour percevoir mille étoiles éclatantes, plus encore d'ombres secrètes et autant d'autres surprises prodigieuses parfaitement inattendues... Et ceci, dans chaque parcelle de son trou infâme... A ces sources inépuisables d'étonnement il se perd, s'émerveille et, pris au jeu des folies de son cerveau, il s'envole bientôt.
 
Bien entendu de telles plongées fulgurantes vers ces royaumes de légèreté et de profondeurs ne fonctionnent véritablement que lorsque son état mental y est disposé, entre ses jours glacés de déprime et ses nuits enflammées d'insomnie. Et encore faut-il que le détenu prenne la peine de se pencher avec assez de curiosité sur les éléments dérisoires de sa cage.
 
Ce qui est mon cas.

Au sein de cette sobre pièce où je demeurerai jusqu'à mon souffle ultime, je fais le tour incessant de la Création.

Liste des textes

2495 - Un oiseau déplumé
2494 - L’endive Dunord
2493 - La mère Garbichon
2492 - A travers champs
2491 - Libre comme un rat !
2490 - Fin de peine
2489 - Un fou dans le noir
2488 - Mon testament
2487 - Sur mon lit de mort
2486 - Mon sort carcéral
2485 - L’aventure de mon vide
2484 - J’attends la fin
2483 - Derrière les murs, il y a Dieu
2482 - Je perds mes forces
2481 - Mon cinéma
2480 - Sinistre andouille
2479 - Mon secret
2478 - Mes vues ultimes
2477 - Après la peine, la paix
2476 - Tristesse en fête
2475 - La tache
2474 - La marche des secondes
2473 - Déliré-je ?
2472 – Vieillesse
2471 - Le tour de ma cellule
2470 - Qui me croira ?
2469 - Mon avenir lointain
2468 - Mes amis les rêves
2467 – Grise nourriture
2466 - Je m’enfonce dans la nuit
2465 - Loin des femmes
2464 - Du néant vers la lumière
2463 - Mes trésors dérisoires
2462 - Aucune visite
2461 - Des ombres me parlent
2460 - Une porte s’ouvre
2459 - Les passages du temps
2458 - Le train des jours
2457 - Le directeur
2456 - Au pied du mur
2455 - La loi du plus “fer”
2454 - Ma maison
2453 - Poussière
2452 - Les larmes de la nuit
2451 - Mutisme
2450 - Mon fantôme
2449 - Hallucinations
2448 - Je compte les jours
2447 - Vie de flamme
2446 - De vagues souvenirs
2445 - Les étoiles s’éloignent de moi
2444 - Eclats de joie
2443 - Je parle aux murs
2442 - La marche des matons
2441 - Sainte à l’air
2440 - À l’ombre de ma vie
2439 - Ma geôle sans sucre d’orge
2438 - Des ombres
2437 - Les feuilles
2436 - Quelle issue à mon chemin ?
2435 - Des ailes dans la nuit
2434 - Éclat d’ange
2433 - Le temps me tue
2432 - Les flammes du silence
2431 - Plus de Lune
2430 - Un jour de plus
2429 - Mes rêves
2428 - Une journée ordinaire
2427 - Reine d’un monde
2426 - La pluie
2425 - Je perds pied
2424 - Un oiseau à ma fenêtre
2423 - L’évadé
2422 - Les barreaux
2421 - Eclats et monotonie de la prison
2420 - Les clés
2419 - Espérance
2418 - A travers la fenêtre
2417 - Les années passent
2416 - Une lettre mystérieuse
2415 - Le psychologue
2414 - La douche
2413 - Je tourne en rond
2412 - L’anniversaire
2411 - Quelques visites
2410 - Insomnies
2409 - La promenade
2408 - Mes repas
2407 - Mon lit
2406 - Les printemps
2405 - Solitude de fer
2404 - L’ennui
2403 - Tête de taulard
2402 - La fouille
2401 - Passe-temp
2400 - Les gens libres
2399 - Prière
2398 - Les heures
2397 - La mouche
2396 - La porte
2395 - Le plafond
2394 - Nulle compagnie
2393 - Bientôt fou ?
2392 - Départ
2391 - Mes geôliers
2390 - L’enfermement
2389 - Quatre murs
2388 - Des mots en guise d’ailes
2387 - Mon trou
2386 - Connexion céleste
2385 - Une flamme de l’azur
2384 - Seigneur cinglant
2383 - L’âme en l’air
2382 - Flamme verte
2381 - Au feu les plumes sombres !
2380 - Sombre forêt
2379 - Emportés par le vent
2378 - Un homme des nues
2377 - Courage de Bayrou
2376 - Un chemin sans fin
2375 - Mon univers infini
2374 - Je ne suis pas de la ville !
2373 - Seul parmi les arbres
2372 - Au bout des chemins
2371 - Mon trésor
2370 - Les cumulus
2369 - Qui donc m’observe ?
2368 - Le loup
2367 - Cauchemar
2366 - Un peu de foin
2365 - Bain de crépuscule
2364 - Voyage sous un arbre
2363 - Ma solitude de roi
2362 - Le silence
2361 - Aubes de plomb
2360 - Mes anges les corbeaux
2359 - Vertueuse verdure
2358 - Le parachute
2357 - Au bord de l’eau
2356 - J’y suis et j’y reste !
2355 - Ma soupe
2354 - Les fées n’existent pas !
2353 - Le bon air de mon exil
2352 - Un jour ordinaire
2351 - Vie de rêve
2350 - Ma solitude
2349 - Je découvre une tombe
2348 - Le randonneur
2347 - La nuit
2346 - Le braconnier
2345 - A l’ombre des arbres
2344 - Une belle journée
2343 - L’intruse
2342 - La chasse à courre
2341 - Les vers luisants
2340 - L’hôte qui pique
2339 - Dans la pénombre
2338 - Le ballon
2337 - Ma lanterne
2336 - La barque
2335 - Le chemin creux
2334 - Les deux chasseurs
2333 - Flamme noire
2332 - Deux corbeaux dans un arbre
2331 - Insomnie
2330 - Cris des corbeaux
2329 - Papillons de nuit
2328 - Froid et pluies
2327 - Les ronces
2326 - Chemins de boue
2325 - Tristesse de la forêt
2324 - Provisions de bois
2323 - Dans les buissons
2322 - Pluie matinale
2321 - Les grands arbres
2320 - Terribles crépuscules
2319 - Les rats
2318 - Un ami frappe à ma porte
2317 - Entouré de rusticité
2316 - Le sanglier
2315 - Mon sac
2314 - Le renard
2313 - Ma marmite
2312 - Des bruits dans la nuit
2311 - Les lapins
2310 - Un signe sous le ciel
2309 - La Lune vue de mon toit
2308 - Une gauchiste explosive
2307 - Sortie nocturne
2306 - Le vent sur la forêt
2305 - Un air de feu
2304 - Rêve dans les branches
2303 - L’écolo
2302 - Les papillons
2301 - La corneille
2300 - Les patates
2299 - L’escorte des souches
2298 - Un orage au dessert
2297 - Nulle femme dans ma forêt
2296 - Indispensables pommes de pin
2295 - Promenade
2294 - La pluie sur mon toit
2293 - A la chandelle
2292 - Un soir de brume
2291 - Vie de feu
2290 - La rosée matinale
2289 - Dans l’herbe
2288 - Par la fenêtre
2287 - Ma cheminée
2286 - Mes chemins d’ermite
2285 - Au réveil
2284 - Les cailloux sur mes chemins
2283 - Mes sentiments de bûche
2282 - Nuit de pleine lune en forêt
2281 - Ivresse de femme
2280 - Loin de ma grotte
2279 - Tempête dans mon trou
2278 - Baignades d'ermite
2277 - Un hibou dans la nuit
2276 - Mes ennemis les frileux
2275 - Ermite aux pieds sur terre
2274 - Mon jardin d’ermite
2273 - La récolte des fagots
2272 - Un étrange visiteur
2271 - Ma demeure d’ermite
2270 - Un homme clair
2269 - Un foyer au fond de la forêt
2268 - Les raisons du peintre
2267 - La célibataire
2266 - Les femmes
2265 - Une femme
2264 - France sous les étoiles
2263 - Un homme hors du monde
2262 - Homme de feu
2261 - Rencontre du troisième type
2260 - Voyage
2259 - Déprime
2258 - Fiers de leur race
2257 - La fille lointaine
2256 - Le Noir méchant
2255 - L’attente
2254 - J’ai entendu une musique de l’an 3000
2253 - Le modèle
2252 - Blonde ordinaire
2251 - Mâle archaïque mais authentique
2250 - La femme et la flamme
2249 - Voyages au bout de la terre
2248 - Ma chambre
2247 - Le vieil homme entre ses murs
2246 - L'ovin
2245 - Vous les mous, les mouches, les mouchards
2244 - Mon humanisme fracassant
2243 - Ma cabane sur la Lune
2242 - Les marques rouges du ciel
2241 - Je reviens !
2240 - Une fille de toque
2239 - La légèreté de la Lune
2238 - Janvier
2237 - Elena Yerevan
2236 - Oiseaux de rêve ?
2235 - J’irai vivre à la campagne
2234 - Fiers de leurs péchés
2233 - Deux faces
2232 - Le soleil de la jeunesse
2231 - Dans les bois
2230 - Nuit de vents
2229 - Mon fauteuil de lune
2228 - Le sourire d’une marguerite
2227 - Je ne suis pas antiraciste
2226 - Qui est-elle ?
2225 - L’arc-en-ciel
2224 - Je suis parti dormir sur la Lune
2223 - La sotte intelligence
2222 - Leurre ou lueur ?
2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin
2220 - La tempête Trump
2219 - Femme de lune
2218 - Une plume de poids
2217 - Douches glacées
2216 - Les arbres et moi
2215 - Je pulvérise le féminisme !
2214 - J’aime les vieux “fachos”
2213 - La surprise
2212 - Promenade en forêt
2211 - Je vis dans une cabane
2210 - Plouc
2209 - Je suis un mâle primaire
2208 - Musique triste
2207 - Ma cabane au fond des bois
2206 - Hommage à Christian FROUIN
2205 - Installation sur la Lune
2204 - Barreaux brisés
2203 - Affaire Pélicot : juste retour de bâton du féminisme
2202 - L’abbé Pierre, bouc-émissaire des féministes
2201 - Par tous les flots
2200 - Votre incroyable aventure !
2199 - Je ne suis pas en vogue
2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre
2197 - Dernière pitrerie
2196 - Alain Delon
2195 - Je déteste les livres !
2194 - L’esprit de la poire
2193 - Je ne suis pas citoyen du monde
2192 - Ma cabane dans la prairie
2191 - Devant l’âtre
2190 - Plus haut que tout
2189 - Pourquoi la femme vieillit si mal ?
2188 - Je prends l’avion
2187 - Sous la Lune
2186 - La pourriture de gauche
2185 - Je dors à la belle étoile
2184 - L’obèse et l’aristocrate
2183 - Le hippy et moi
2182 - Croyant de feu
2181 - Les gens importants
2180 - Le Beau
2179 - Michel Onfray
2178 - J’irai cracher sur leurs charentaises !
2177 - Clodo
2176 - Corbeaux et corneilles
2175 - Un dimanche plat atomique
2174 - Promenade en barque
2173 - Juan Asensio, ce rat lumineux
2172 - Il va pleuvoir bientôt
2171 - Au bord de la lumière
2170 - Dans mes nuages
2169 - J’ai dormi dehors
2168 - Les roses
2167 - Perdu en mer
2166 - Un jeune heureux
2165 - Le vagabond
2164 - Un ogre
2163 - Brigitte
2162 - Les gens simples
2161 - L’azur de Warloy-Baillon
2160 - Cause majeure
2159 - Je n’ai aucune élégance
2158 - La rivière
2157 - Il n’est pas raciste
2156 - Elle me fait peur
2155 - L’horloge
2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean
2153 - L’écologiste, ce primitif
2152 - Madame Junon
2151 - Chemins de pluie à Clinchamp
2150 - Voyage vers Mars
2149 - Galaxies
2148 - Je suis de la droite honteuse
2147 - Les écrivains sont des poids morts
2146 - L’héritage de Clinchamp
2145 - Clinchamp, une histoire sans fin
2144 - Vent de mystère à Clinchamp
2143 - Ma cachette à Clinchamp
2142 - Randonnée à Clinchamp
2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp
2140 - Un arc-en-Ciel à Clinchamp
2139 - Clinchamp sous l’orage
2138 - J’ai rêvé de Clinchamp
2137 - Jour de l’An à Clinchamp
2136 - Vacances d’été à Clinchamp
2135 - Attente à Clinchamp
2134 - Un jour ordinaire à Clinchamp
2133 - Or de France
2132 - La compagne des esseulés
2131 - Loup de lumière
2130 - Spleen
2129 - Le pitre
2128 - Les corbeaux de Clinchamp
2127 - Un homme heureux à Clinchamp
2126 - Le mouton
2125 - Des lutins à Clinchamp ?
2124 - Je suis fort !
2123 - Paroles prophétiques
2122 - L’égalité entre les hommes est injuste !
2121 - L’idéaliste de gauche
2120 - La femme est la monture de l’homme
2119 - Clinchamp sous la neige
2118 - Le Nord et le Sud
2117 - Pourquoi j’aime Clinchamp ?
2116 - Convaincre Blandine
2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp
2114 - Le facteur de Clinchamp
2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp
2112 - L’Art
2111 - Botte à l’oeuf
2110 - Les bûcherons de Clinchamp
2109 - Le coucou de Clinchamp
2108 - BFMTV : l’écran de la vérité
2107 - Lettre anonyme
2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !
2105 - Un jour d’hiver à Warloy-Baillon
2104 - La femme soumise brille comme une casserole
2103 - Les chouettes de Clinchamp
2102 - Quand la tempête s’abat sur Clinchamp...
2101 - L’aile et la pierre
2100 - Mes amis les maudits
2099 - Le brouillard de Clinchamp
2098 - Artiste de gauche
2097 - L’éternité dans la tête
2096 - Toussaint à Clinchamp
2095 - Chagrin échappé
2094 - Clinchamp-sur-Mystère
2093 - Les cafards
2092 - Loup des airs
2091 - Le loup de Clinchamp
2090 - En latin, c’est plus beau !
2089 - Les patates de Clinchamp
2088 - L’enfant des airs
2087 - Ciel de France
2086 - Thaïs d’Escufon
2085 - Les tomates de Clinchamp
2084 - Jérôme Bourbon
2083 - Les chats de Clinchamp
2082 - Poupée d’ailleurs
2081 - Pierre de feu
2080 - Les champs de Clinchamp
2079 - L’éclosion
2078 - Vacuité des bouquinistes
2077 - Les toits
2076 - Freud
2075 - Sport
2074 - Le simplet de Clinchamp
2073 - Les oiseaux de Clinchamp
2072 - Je ne suis pas cartésien
2071 - Au cimetière de Clinchamp
2070 - Le Panthéon pour Hugo, l’évasion pour Izarra
2069 - Les rats de la France
2068 - Le curé de Clinchamp
2067 - Mon trou à Clinchamp
2066 - Saint-Léonard-des-Bois
2065 - Les cloches de Clinchamp
2064 - Un épouvantail à Clinchamp
2063 - Les rêves de Clinchamp
2062 - Je suis raciste
2061 - L’injustice sociale ne me choque pas
2060 - Les femmes de Clinchamp
2059 - Les jours vides de Clinchamp
2058 - Une grand-mère
2057 - Clinchamp vers 1970
2056 - La femme de soixante ans
2055 - Sale temps à Clinchamp
2054 - Un grand voyage en forêt
2053 - L’ailé et l’aliéné
2052 - Souvenirs lointains
2051 - Domestication d’une greluche
2050 - Déprime à Clinchamp
2049 - L’amour à Clinchamp
2048 - Les Droits de l'Homme, c'est la négation de l'homme !
2047 - Les hivers de Clinchamp
2046 - Les chemins de Clinchamp
2045 - Seul au monde
2044 - Ne me parlez pas d’amour
2043 - Tristesse de l’été
2042 - Jour de fête à Clinchamp
2041 - Monsieur Lecon
2040 - Châtelain
2039 - Les ailes de Clinchamp
2038 - Tremblement de terre
2037 - Nuit d’amour
2036 - Pluie de joie à Clinchamp
2035 - Les gauchistes
2034 - Clinchamp sous les clartés lunaires
2033 - Henri d’Anselme, héros hétéro rétro
2032 - Les hirondelles
2031 - Retraite dans la forêt
2030 - Mon bosquet
2029 - L’or de Clinchamp
2028 - Sur le chemin
2027 - La souche
2026 - Clinchamp, ce voyage sans fin
2025 - Sardines à l’huile
2024 - Les fantômes
2023 - Le silence de la forêt
2022 - Les arbres
2021 - Les joies de Clinchamp
2020 - La merde républicaine
2019 - Les ailés
2018 - Les soirées de Clinchamp
2017 - Parasite
2016 - Clinchamp, les routes de l’ennui
2015 - Moi français, je déteste les migrants !
2014 - Répugnante
2013 - Les complotistes
2012 - Je déteste les livres de philosophie !
2011 - Le bossu de Clinchamp
2010 - La lumière de Clinchamp
2009 - Les crépuscules de Clinchamp
2008 - Les nuits à Clinchamp
2007 - Les aubes de Clinchamp
2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp
2005 - Les rats de Clinchamp
2004 - Les papillons de Clinchamp
2003 - Les richesses de la normalité
2002 - Le Rimbaud des bobos
2001 - Les vaches de Clinchamp
2000 - La folle de Clinchamp
1999 - Mon ego solaire
1998 - Vague Lune
1997 - Ma cabane à Clinchamp
1996 - Moi, IZARRA
1995 - Mais qui donc est Dardinel ?
1994 - La Dame Blanche de Clinchamp
1993 - Le Dalaï-Lama
1992 - Pluie à Clinchamp
1991 - Je suis sexiste
1990 - Les flammes du printemps
1989 - Le rustaud de Clinchamp
1988 - Les larmes d’Amsterdam
1987 - Clinchamp, terre d’envol
1986 - La Joconde de Clinchamp
1985 - Face cachée de Clinchamp
1984 - La clocharde de Clinchamp
1983 - Je suis un extraterrestre
1982 - Clinchamp sous les éclats de novembre
1981 - Clinchamp au bord des larmes
1980 - Les fantômes de Clinchamp
1979 - Les pissenlits de Clinchamp
1978 - Clinchamp : fin et commencement de tout
1977 - Amsterdam
1976 - J’habite sur la Lune
1975 - Secret de Lune
1974 - Les ailes de la Lune
1973 - Voir Clinchamp et sourire
1972 - La pierre et l’éther
1971 - Clinchamp, au bonheur des larmes
1970 - Clinchamp, mon dernier refuge
1969 - Croissant de Lune
1968 - Mais d’où vient donc la Lune ?
1967 - Lune lointaine
1966 - Lune éternelle
1965 - Sandrine, notre voisine
1964 - Rêve de Lune
1963 - Lune des rêves
1962 - La Lune dans le bleu
1961 - Lune ultime
1960 - Les tourmentés
1959 - Clinchamp, paradis des ombres
1958 - Lune absente
1957 - Je raffole des commérages !
1956 - Clinchamp : royaume des humbles
1955 - La Dame dans le ciel
1954 - Palmade : de la gloire au gouffre
1953 - Evasion
1952 - Tatouages, ces marques de faiblesse
1951 - L’égalité est un enfer !
1950 - Repas sur l’herbe à Clinchamp
1949 - Escale à Clinchamp
1948 - Beauté morbide de la Lune
1947 - J’ai dormi dehors à Clinchamp
1946 - Les humanitaires sont des parasites !
1945 - Sur les routes de Clinchamp
1944 - Une année à Clinchamp
1943 - Tristesse du printemps
1942 - Bulle de Terre
1941 - Jour de joie à Clinchamp
1940 - L’inconnu de Clinchamp
1939 - Le ciel de Clinchamp
1938 - Les éclats de Clinchamp
1937 - Le voyageur
1936 - Fête triste
1935 - Les antiracistes
1934 - Jean Messiha
1933 - Coeur gelé
1932 - Romantisme de pierre
1931 - La femme est sous mes pieds
1930 - Burcu Güneş, un air léger
1929 - Je déteste les pauvres !
1928 - Quand mon coeur s’allume
1927 - Intègre, entier, râpeux
1926 - Le cheval
1925 - Homme mauvais
1924 - Un trou sous le ciel
1923 - Hauteur de la Lune
1922 - Nulle part, là-bas, ailleurs
1921 - Belle Lune
1920 - Salades lunaires
1919 - Lettre à Reynouard
1918 - MARGUERITE OU L’HISTOIRE D’UNE VIEILLE FILLE
1917 - Récoltes lunaires
1916 - Je suis français de souche
1915 - Lune mortuaire
1914 - Clinchamp, cité des oubliés
1913 - Clinchamp, l’air de rien
1912 - Clinchamp, sommet du monde
1911 - La pollution, c’est la vie !
1910 - Seule au monde ?
1909 - Le Ciel et la Terre
1908 - Lune de haut vol
1907 - La Lune s’allume
1906 - Nuit sombre
1905 - Soupe de Lune
1904 - Puretés raciales
1903 - Lune-pizza
1902 - La grande question
1901 - Amiens
1900 - Pleur de Lune
1899 - Rêve d’amour
1898 - Vive le patriarcat !
1897 - La libellule
1896 - L’eau qui m’éclaire
1895 - Une question de clarté
1894 - La Lune dort
1893 - Les artifices du spirituel
1892 - Lune normale
1891 - Ni chauffage ni travail
1890 - Lune de fer
1889 - Molle Lune
1888 - Insensible aux malheurs des autres
1887 - Mon visage de vérité
1886 - Amante russe
1885 - J’écris
1884 - Lune martiale
1883 - Je suis un incapable
1882 - Lune creuse
1881 - 1975
1880 - L’éclat d’un fard
1879 - Amour impossible
1878 - Femme au foyer
1877 - L’esprit de la Lune
1876 - Ingérence féministe
1875 - Cratères lunaires
1874 - Lune d’effroi
1873 - Lune des chats
1872 - Les athées
1871 - Lune d’or
1870 - Lune carrée
1869 - Lune de miel
1868 - Folle lune
1867 - Jour de joie
1866 - SMARPHONES : abrutissement des masses
1865 - Sombre lune
1864 - Les mouches
1863 - Ma vie simple
1862 - Clinchamp, terre lointaine
1861 - Je suis un conservateur
1860 - Lune de glace
1859 - Le lac
1858 - Qu’est-ce que la beauté ?
1857 - Lune blanche
1856 - Lune de mer
1855 - Lune de feu
1854 - Présence immortelle
1853 - Surprenante Lune !
1852 - L’éclat de la Lune
1851 - Epis lunaires
1850 - L’autre Lune
1849 - L’amie des cheminées
1848 - Lune morte
1847 - Lune Parmentier
1846 - Lune fatale
1845 - Amour céleste
1844 - Grâces et disgrâces
1843 - Ma maison, c'est la Lune
1842 - Poids de la Lune
1841 - La morte visiteuse
1840 - Ma cabane sous la Lune
1839 - Bleu ciel
1838 - Histoire de lune
1837 - Suc de Turque
1836 - Stéphane Blet
1835 - Ciel bleu
1834 - Bonheur de rat
1833 - Redneck
1832 - Sur le rivage
1831 - Attraction lunaire
1830 - Je suis anti-féministe radical
1829 - Mais qui est-il ?
1828 - Je veux des frontières !
1827 - Les francs-maçons
1826 - Folies lunaires
1825 - Alunir, en un mot
1824 - “Comme ils disent”, chanson d’Aznavour
1823 - Lune tiède
1822 - Globe de rêve
1821 - Effroi
1820 - Vangelis
1819 - L’air de la Lune
1818 - La campagne
1817 - Lune tombale
1816 - Les cailloux
1815 - Je déteste Paris !
1814 - Boules de neige
1813 - Je n’ai pas peur
1812 - Parler vrai
1811 - Les hommes simples
1810 - Quand la Lune panse
1809 - Régine : extinction d’un feu
1808 - Morte veilleuse
1807 - Coeur de pierre
1806 - Noir
1805 - Mystère de la Lune
1804 - Jackson Pollock
1803 - En pleine lumière
1802 - Harmonie des sexes
1801 - Dix ans dans l’azur
1800 - Pluie d’avril
1799 - Le gueux
1798 - Les pommes de pin
1797 - Voyage vers la Lune
1796 - Mystère d’une nuit
1795 - Une lumière turque
1794 - Sans coeur et avec écorce
1793 - Envolé !
1792 - Galante ou l’abcès crevé
1791 - La lumière du Bosphore
1790 - Claude Monet
1789 - Rat aristocrate
1788 - Ukraine : sortez de vos ornières mentales !
1787 - Tranche de ciel et plumes de la Terre
1786 - Les sots écolos
1785 - L’astre turc
1784 - L’Ukraine, je m’en fous totalement !
1783 - Vive la guerre !
1782 - Réponses à un coatch
1781 - Droite pure
1780 - Vains hypersensibles
1779 - Mes valeurs vives
1778 - Le secret
1777 - Force et lumière
1776 - De l’herbe à l’aiguillon
1775 - Jusqu’à la mort
1774 - Zemmour et les journalistes de gauche
1773 - Dur et juste
1772 - La flamme et le marbre
1771 - Mon chat est mort
1770 - Les frères Bogdanoff
1769 - J’ai rêvé de Natacha
1768 - Technologie
1767 - Vers la Lune
1766 - C’était la guerre
1765 - La “tondue de Chartres”
1764 - Dans le métro
1763 - Naissance d’un virus
1762 - Zemmour est-il un de Gaulle ?
1761 - Je suis grand
1760 - Jour de gloire
1758 - Une muse du Bosphore
1758 - Je suis un extrémiste
1757 - Les éoliennes
1756 - Femme terminale
1755 - Autoportrait
1754 - Je suis un sanglier
1753 - Faux fou
1752 - Les affaires
1751 - Octobre
1750 - Le fantôme
1749 - Les écrivains
1748 - Sauvez la France !
1747 - Mes sentiments de pierre
1746 - Une araignée raconte
1745 - Un coeur clair
1744 - Phallocrate
1743 - Les vaches
1742 - Les faibles sont mauvais
1741 - Les sans-visage
1740 - Le trouillard de gauche
1739 - Léonard de Vinci enfant
1738 - Mes froideurs sublimes
1737 - Le romantisme, c’est la décadence
1736 - La Joconde
1735 - La tour Eiffel
1734 - Le Soleil
1733 - Une boule de mystère
1732 - Les masqués
1731 - Burcu Günes, l’or turc
1730 - Léa Désandre
1729 - Le père Dédé
1728 - “Blanc lumière” de Pollock
1727 - Les kikis et les cocos
1726 - Les funérailles de Belmondo
1725 - Pôle Sud
1724 - Vierge au mariage
1723 - La forêt
1722 - Le réveil des clochers
1721 - En septembre
1720 - Extraterrestre
1719 - Ni cagoule ni sérum
1718 - L’astre des morts
1717 - L’idéaliste
1716 - Un ange noir pour les Blancs ?
1715 - Trois heures du matin
1714 - Dur et vivant
1713 - Homme des bois
1712 - De flamme et de sang
1711 - Mes bas potentiels
1710 - Je suis un anti-progressiste
1709 - Eléonore et les Noirs
1708 - Eléonore et les Juifs
1707 - Une française
1706 - Femme d’idées
1705 - Joie de vivre
1704 - Auteur de rêves
1703 - Raison féminine
1702 - Vieillard
1701 - Face de France
1700 - 1789
1699 - Adieu, France
1698 - Célibataire
1697 - L’envers vert
1696 - Avant la chute
1695 - L’aube d’Ève
1694 - Amour raté
1693 - À vue d’homme
1692 - Le loup et l’agnelle
1691 - Têtes à corps
1690 - Trêve de la nuit
1689 - L’été
1688 - L’hiver
1687 - Les âmes de la forêt
1686 - Enfin libre !
1685 - Je vis sans masque
1684 - Enfants du monde
1328 - Je suis apolitique
115 - Le cygne
114 - Le spleen de Warloy-Baillon
113 - Les visiteurs
112 - La Lune
111 - L’amant des laides
110 - Mémoires d’un libertin
109 - Une existence de pompiste
108 - Lettre à mes amis des listes sur Internet