mercredi 18 juin 2025

2344 - Une belle journée

En me levant à l'aube je surprends un rat énorme sur ma table, bien gras et peu farouche. Tandis que je pousse la porte du dehors et que la lumière du jour pénètre dans la pièce, il s'éclipse paresseusement en direction de l'ombre. Une volée de corbeaux passe juste au-dessus de moi dans un concert de croisements. Je constate que des monticules de terre fraîche sont apparus autour de mon potager, occasionné par des taupes. J'aperçois une vipère dans l'herbe non loin de moi. Je m'en écarte prudemment et la laisse poursuivre son chemin.
 
Décidément, dès le matin je suis bien accompagné ! Ma journée s'annonce radieuse.
 
L'eau de la rivière qui coule à proximité est idéalement glaciale. J'en profite pour m'y baigner matinalement, non sans un frisson mêlé de délice. L'effet revigorant de ce bain de rigueur vaut un café brûlant. Une fois séché au vent, je fends des bûches à la hache pour le feu. Un excellent exercice sain et utile qui me permet de me réchauffer rapidement !

Le ciel est chargé, la pluie arrive bientôt : je vais pouvoir m'oxygéner davantage sous l'onde bienfaisante se déversant sur la forêt, dûment chaussé de mes fameuses bottes de « balourd des bois ». L'averse me garantit la sérénité et la solitude de ma promenade méditative. Sous son règne austère, je n'ai aucune présence citadine à redouter. Grâce à cette bénédiction aqueuse, nul importun pour venir enlaidir mon espace sacré. L'horizon se maintient au gris fixe et reste salubrement désert. Un vrai paradis d'ermite !
 
Mais il est déjà l'heure d'aller me restaurer. Du bon pain, un peu de fromage et quelques patates me suffisent. Je suis calé pour une éternité de bonheur ! Me voilà sur le point de partir à la découverte d'une nature nouvelle, divinement arrosée par un océan de nuages...
 
En allongeant le pas depuis mon refuge, je m'engage dans une énième aventure vers un inconnu à dimension humaine, un lointain à l'échelle de mon humilité, un voyage purement poétique qui ne nécessite pas le moindre bagage, si ce n'est le plus léger d'entre tous : mon âme.
 
J'irai ainsi jusqu'au bout de l'Univers, c'est-à-dire au sommet de mes pensées, au cœur de ce coin reculé où plongent mes racines de sanglier bourru !
 
Content de tout, à part des visiteurs trop bien vêtus, je chemine sous les arbres jusqu'au soir et termine mon tour du monde en retrouvant mon foyer de célibataire.
 
Et là, devant l'âtre, fatigué, je continue mon exploration. Mais cette fois, en déployant mes ailes oniriques pour un vol statique.

Et je vais encore plus haut, ronflant comme un phacochère dans mon lit bordé d'anges.

2343 - L'intruse

En sortant de ma demeure à l'aube je repérai des traces de pas autour de mon potager. On avait nuitamment pénétré chez moi ! Quelqu'un était venu tourner autour de mes sillons, piétinant impunément la terre meuble juste à côté. Mais sans rien détériorer ni voler cependant. Les empreintes étaient bien marquées... Une personne menue, un enfant peut-être, à en juger par la taille du pied venu se poser ici.
 
Qui donc avait osé s'aventurer si hardiment dans les profondeurs de ce monde sylvestre où je suis secrètement réfugié ? Qui avait réussi à découvrir mon trou d'ermite, si loin des éblouissements de la modernité ?
 
C'est là que je remarquai un objet intrigant sur le sol. Une attache à cheveux... Ce que l'on appelle communément un "chouchou". J'examinai de plus près ma trouvaille. Je distinguai quelques longs crins blonds restés accrochés à la pièce de tissu. En outre un parfum prestigieux se dégageait du textile. De toute évidence l'indésirable intrus se révélait être une jeune femme... désirable !
 
Une parisienne, pourquoi pas ?
 
Ainsi donc une créature de la ville osa cette même nuit, et avec quel toupet, visiter mes patates et carottes ! Mais dans quel but ?
 
Je n'aurais pas l'audace d'imaginer qu'un ours aussi lourdement botté que moi puisse d'une manière ou d'une autre jouir d'une renommée dépassant les bornes de la forêt, au point d'attirer les biches pomponnées et autres mondaines lustrées de la capitale ! S'il est vrai qu'au cours de ma retraite dans ces bois de rares individus ont pu, fort inopinément, croiser mon chemin sous les ramures, pour autant nul ne connaît véritablement l'existence de mon gîte ici, à part quelques rats et deux ou trois corbeaux.
 
Alors, de quoi s'agissait-il ?
 
Avait-je eu affaire à une espèce d'idéaliste de la verdure partie en vadrouille hors de ses limites culturelles ? En somme, à la simple promenade nocturne d'une banale écervelée ayant abouti par hasard dans mon jardin ? Ou pour le dire autrement, à une poulette délurée échappée de la cité ? Difficile à croire... Je ne conçois guère une telle escapade bucolique en solitaire de la part d'une boulevardière en mal de sensations champêtres...
 
Décidément, la raison de cette mystérieuse intrusion me titillait... Que cela fût le résultat du passage d'un vagabond ivre ou d'un braconnier égaré ne m'aurait pas posé de problème. Mais une poupée de la belle société... Quel drôle de fantôme !

Jamais je n'obtins de réponse à mes interrogations. Cette irruption parmi mes légumes restera pour moi un mystère total. Finalement je jetai le serre-chignon dans le feu de ma cheminée et le regardai se consumer jusqu'au bout.

mardi 17 juin 2025

2342 - La chasse à courre

Tandis qu'un jour je m'étais éloigné dans les profondeurs de la forêt, je croisai une troupe de gaillards à cheval accompagnés d'une meute de chiens.
 
Une chasse à courre !
 
Un peu plus loin devant eux, un cerf. Un superbe mâle, immense, plein de majesté avec ses bois comme un candélabre désignant le ciel. Epuisé, acculé dans une impasse, il est sur le point de faire face à ses poursuivants.
 
Lors de cette promenade forestière le hasard m'avait donc amené à assister à une scène rare : le moment crucial d'un affrontement entre le bipède et l'animal. La rencontre ultime du prédateur avec l'objet de sa convoitise.
 
La pièce de théâtre va commencer. Je me cache derrière un tronc et observe en silence.
 
Un cavalier descend de sa monture pour courageusement s'approcher de sa proie, une dague à la main. Le premier est froid et concentré, la seconde essoufflée et effrayée.
 
Le drame qui inopinément se présente à mes yeux prend une dimension vertigineuse. L'enjeu est cosmique : la survie ou le trépas. Le triomphe de la vie ou l'anéantissement dans la mort. La gloire ou la chute.
 
Bref, le grand jeu de la nature, l'éternelle roue du destin, les forces vitales en action, le choc frontal entre la lumière et l'obscurité... Celui qui mourra aura fatalement tort.
 
Le spectacle me fascine. Qui de l'homme ou de la bête sortira vainqueur de ce duel sans merci ? Je ne veux pas perdre une seule goutte de ce sang qui va bientôt être versé !
 
Je frémis pour le vaillant tueur à la lame, si sûr de lui, tout en tremblant pour le gibier prêt à sauver chèrement sa peau... Lequel des deux succombera aux coups de l'autre ?
 
L'égorgeur, brave et résolu, se tient tout près du cervidé qui souffle et écume.
 
Tel un maître de cérémonie, le traqueur lève son arme... Dans son costume d'apparat, il brille comme un soleil. Mon coeur bat. Ma respiration se fige.
 
J'ai peur pour le matador. Dans un sursaut désespéré de défense, le quadrupède pourrait le blesser, voire pire...
 
Je n'ai pas le temps de m'émouvoir davantage : le couteau s'abat sur le cou de la victime qui s'effondre instantanément. Et lourdement... La carcasse gît aux pieds du boucher dans une flaque rouge. Heureux dénouement. Je me surprends à applaudir de joie et de soulagement !
 
Le meilleur a gagné, le faible a perdu. Telle est la loi.
 
Les veneurs m'invitent à trinquer avec eux. Je félicite l'exécuteur. Tout est bien dans le plus juste des mondes.
 
La fête terminée, je m'en retournai le soir à mon ermitage, encore tout émerveillé par l'esthétique déployée dans cette cause suprême.
 
Je sais que la société citadine maudit ces hardis aristocrates pour tant de pompe et de cruauté mêlées. En oubliant qu'elle se montre elle-même cruelle et laide : elle saigne l'agneau sans état d'âme, sans artifice ni sentiment. En abattant les êtres de manière industrielle, elle se croit plus vertueuse.

En réalité ses meurtres sont hideux, immondes, inhumains. Alors que les opéras martiaux de ces authentiques esthètes sont pleins de beauté, de noblesse et de dignité.

Sous mon toit de reclus je fais de ma solitude une oeuvre d'art moi aussi, en quelque sorte, loin des flasques, ignobles et hypocrites valeurs de la ville, en me réjouissant opportunément de la férocité ritualisée de ces sanguinaires seigneurs si bien organisés dans l'auguste sylve, au lieu d'en pleurer stérilement.

lundi 16 juin 2025

2341 - Les vers luisants

Certains soirs d'été des petites étoiles s'allument dans les herbes.
 
Ce sont des vers luisants qui, de manière dérisoire, imitent la voûte illuminée. Ces astres minces et éphémères ajoutent de la féérie à ces soirées déjà pleines de sérénité. Une dizaine de ces pâles flammes ici et là suffit pour enchanter toute la forêt. Ces insectes gorgés de lumière semblent être des flambeaux minuscules constellant la nuit.
 
Ils rendent ma vie nocturne légère, mettent un peu plus de feu à mes heures d'insomnie, prolongeant ainsi mes veillées estivales.
 
Ces étincelles incendiant la verdure m'électrisent. Elles m'ôtent le sommeil, me subjuguant de leurs signaux lumineux. Mon attention se focalise sur ces points mystérieux enfoui dans la végétation. Excité à la vue de tant beauté dans contenue dans si peu de chose, j'essai de les attraper.
 
Je m'émerveille devant ces diamants animés qui, cherchant l'accouplement, brûlent d'amour dans ma paume...

Les millions de néons de la ville ne valent pas une seule de ces lueurs qui palpitent au creux de ma main.

Ce qui scintille sous mes yeux, aussi ténu soit-il, est vivant.

Ces créatures ressemblent à des miettes de Lune éclairant quelque recoin de la flore, comme de la braise de rêve versée sur la Terre.

En leur compagnie je rayonne d'un bonheur simple. Je suis pareil à ces bestioles irradiant de joie nuptiale sur le sol : depuis le sommet de ma paisible solitude d'ermite, je brille de folie moi aussi.

2340 - L'hôte qui pique

Dans la verdure reculée où je me suis enraciné, il y a un hôte particulier que j'apprécie encore plus que mes amis les rats hideux, il s'agit du hérisson. Son âpre compagnie me comble de satisfaction ! Parfois il gratte à ma porte ou bien erre aux alentours de ma maison. Je le recueille alors le temps d'une nuit où je le choie, rien que pour la joie de le sentir tout près de moi, sous mon toit.
 
J'honore mon invité de marque d'un festin de limaces et de lombrics bien frais ! A rendre verts de jalousie les rongeurs qui eux n'ont droit qu'à mes vieux restes et croûtons moisis. Certes, je les aime eux aussi avec leurs faces de malfaiteurs à dents jaunies et leurs queues pareilles à de gros vers de terre. Mais mon piquant copain est plus caustique et croustillant que ces rampants aux incisives putrides et aux moeurs ténébreuses.
 
Les fureteurs au poil sombre sont d'affreux et rusés courtisans, d'horribles convives aux feintes caressantes, d'intelligents escrocs aux crocs secs, d'ignobles séducteurs aux coups bas...
 
Lui est une ronce qui a du coeur.
 
Ce barbelé ardent a le sens acéré de l'amitié. Pour pouvoir le caresser, lui qui arbore d'épidermiques allures de buisson brûlant, il faut vraiment être un intime. Sa douceur se mérite : au prix de la douleur s'il le faut.
 
Je cajole cette écorce amère à la présence si chaleureuse... Du bout des doigts il est vrai, mais avec beaucoup de ferveur cependant ! Ses humeurs se répercutent toujours sincèrement sous formes de pics qui se dressent ou s'aplatissent. C'est aussi pour cette raison que je loge ce bruyant vagabond des friches et des jardins : pour sa rude apparence et sa tendresse cachée. Il faut apprendre à le connaître avec ses picots tantôt comme des braises, tantôt comme des baisers. Savoir dépasser sa blessante surface pour l'aimer en profondeur.
 
Après s'être restauré et reposé dans mon salon d'ermite aux lustres rustiques, je le libère au petit matin.
 
Après avoir réchauffé ma demeure de ses ondes bienfaisantes, je le regarde s'éloigner comme une boule de broussaille qui auprès de mon feu et de ma table a fait le plein de flammes et de lumière.

dimanche 15 juin 2025

2339 - Dans la pénombre

L'espace intime de mon foyer d'ermite ressemble plus à l'antre d'une bête des fourrés qu'à un salon feutré des beaux quartiers parisiens. La pénombre y est définitive, même lorsque j'allume des flambées. J'y entrepose et fais sécher fagots et bûches, pommes de pin et écorces de troncs, souches et branchages destinés à brûler dans la cheminée... Les glanes, graines, herbes, ressources diverses et récoltes opportunes ramenées de la forêt parfument toute la pièce. J'y respire la bonne odeur de l'humus. Mais également celle du feu de bois.

Dans cette semi-clarté permanente imprégnée d'effluves végétaux mêlés de relents de suie, mon esprit trouve une grande paix. Il se dégage une ambiance rustique sous ce toit sans électricité, ce qui rend le quotidien plus humain, plus chaleureux. Aucun objet superflu ne pollue le regard, toute la "décoration" consistant en l'exposition domestique des matières brutes. Poutres de la charpente et amas sommaires de combustibles sur le sol suffisent à créer une atmosphère paysanne sobre et authentique. Je reste ainsi en contact étroit avec les richesses et âpretés de la nature.

Ce clair-obscur de cloître qui règne en mon palais de sanglier remplace avantageusement les inutiles éclairages artificiels que la technologie moderne pourrait inventer. Quoi de mieux, en effet, que les jeux de clartés naturelles pour embellir ma demeure ? Les lueurs du jour et la flamme de mon âtre agissent sur mon âme comme des ondes bienfaisantes. L'ombre de mon gîte est une seconde lumière, un crépuscule intérieur, profond et serein. Rien de triste, au contraire. Cette pâle luminosité forme un cocon mental où je me recueille, où le temps s'installe et où je puis contempler les choses.

Quand vient le soir, le seul éclat de la braise sous la marmite ou bien de la bougie posée sur la table fournit assez de beauté et de vie pour alimenter mon humble joie. Une simple chandelle, quelques modestes tisons, et me voilà aussi heureux qu'un astre, aussi comblé qu'un roi !

Je deviens alors une étoile au fond de ma bergerie.

samedi 14 juin 2025

2338 - Le ballon

Un matin je découvris un ballon de baudruche à moitié dégonflé dans mon potager.
 
Vraisemblablement un rebut de la civilisation, me dis-je... En m'approchant je remarquai une affichette attachée à une ficelle. Je crus deviner une publicité aux couleurs criardes pour je ne sais quel inutile et onéreux mirage de bonheur...
 
Ainsi sans rien demander, je recevais les nouvelles les plus ineptes de la société moderne jusqu'au coeur de ma retraite sacrée, pensai-je dans un soupir de dépit ! Cependant, à y regarder de plus près, l'objet céleste qui venait de s'échouer dans mon jardin n'avait pas l'air d'être un vulgaire prospectus commercial... Je ramassai l'épave.

Une bouteille à la mer !
 
Il s'agissait en réalité d'une pièce rare. Une note personnelle visiblement rédigée de la main d'un fol expéditeur ayant envoyé ses plus chères aspirations dans l'océan des airs, confiant au ciel le choix du destinataire.
 
Aujourd'hui encore des rêveurs expédient leurs plus légères pensées par ce moyen : pour le plaisir de les voir s'envoler, de les savoir transportées jusqu'à l'autre bout de la Terre au gré des courants aériens. Avec l'espoir que leur lettre chargée de tant de secrets frappera à la bonne porte en atterrissant ici ou là...
 
Puisque Éole avait fait prendre à ce courrier sans adresse la direction de mon îlot de solitude pour le déposer sur mes sillons, j'en fis excellente réception. Après tout j'avais-pas récolté là une salade hors-norme ? Autant dire que j'étais tombé sur un trésor.
 
Je lus :
 
"Ami inconnu, étranger lointain, frère d'ailleurs, toi qui trouveras ce message, qui que tu sois, sache que quelque part en ce monde, par le biais de ce billet accrochée à un ballon d'hélium, une âme s'est précipitée vers toi. Dieu seul, ou simplement le bon vent, t'a choisi puisque tu as ce présent papier sous les yeux, parvenu jusqu'à toi à travers les nues... Tu ne sauras jamais qui je suis. Moi non plus, je ne saurai jamais qui tu es. Ni même si ma "missive" sera lue un jour. J'écris peut-être pour le vide, je sais. Mais ce sont les meilleurs sentiments de mon être que je te destine, comme une flamme jetée dans l'azur. Si tu la reçois, j'espère qu'elle t'éclairera, t'allégera, embellira ta journée ou bien ta vie entière. C'est ainsi que naissent les choses de valeur, que germent les actes ayant un prix infini : de manière aléatoire et gratuite, sans calcul ni aucune distinction. A l'image de l'amour universel. Ces mot que tu viens de lire sont ma prière. Où que tu sois, quel que soit ton nom, je t'aime."

Je demeurai pensif. Etait-ce une blague ? Ce bristol aux apparences anodines mais au contenu si riche me fit un tel effet que le doute disparut assez vite. Cela ne pouvait pas être une farce. J'avais bel et bien reçu une bénédiction venue d'en haut, au sens littéral du terme. Une grâce issue des nuages. La plume d'un ange, pourquoi pas ?

J'ai gardé précieusement cette preuve écrite de l'existence de petits miracles générant des joies pures. Cela m'a confirmé que même au centre d'une forêt de réclusion, loin des pollutions matérielles du siècle, à tout moment peut se manifester une source inattendue de beauté.

vendredi 13 juin 2025

2337 - Ma lanterne

Un des plus vifs agréments dans mon existence de reclus aux moeurs rétrogrades consiste à me promener tard le soir en forêt en m'éclairant avec ma vieille lanterne. Juste pour le plaisir de me sentir totalement hors du monde moderne.
 
Quel bonheur je ressens à m'enfoncer dans les ténèbres en tenant à la main cette flamme sous verre ! J'effectue alors un voyage poétique dans les profondeurs d'un XIXième siècle délicieusement suranné. Nul besoin d'aller trop loin d'ailleurs, quelques pas suffisent pour que je pénètre au coeur de cet espace anachronique si cher à mon âme d'exilé...
 
Je traverse cet univers d'un autre temps avec la lenteur de la Lune.
 
Et sous mon regard archaïque tout devient plus essentiel. Des papillons noctambules viennent se cogner à mon fanal, ils sont mes compagnons nocturnes. Je chemine au rythme prudent de mes pensées poussiéreuses, comme si au fil de ma marche j'ouvrais un livre de fables. J'entre peu à peu dans une réalité sobre, rude, antique.
 
Il n'y a plus que les arbres qui m'importent, le silence, ma chandelle, l'immensité des ombres et le vertige de cette odyssée à échelle de mes sabots, à hauteur de mon chapeau, à portée de ma vue... Là se trouve ma joie âpre.
 
La lueur de ma lampe me projette dans des âges révolus, m'entraîne dans des chemins mythiques, m'emporte vers des horizons que nul ne voit plus aujourd'hui.

Je vis à l'heure des légendes, à la lumière de la bougie, à la mesure de mes rêves.

Toutes ces choses précieuses qui n'ont plus cours dans les villes.

Je retourne dans un passé lourd, épais, rustique et pourtant si lumineux ! Je ne suis pas pressé, j'avance à la vitesse d'un l'homme portant des semelles de bois, non à la cadence des machines électriques. Et je vais ainsi jusqu'au bout de mon royaume. En atteignant mes sommets étoilés, je me sens l'égal d'un roi.
 
Avec mon humble flambeau dans la nuit, je me transforme en explorateur des jours anciens. Je vagabonde dans les ères éteintes afin de les rallumer rien que pour moi, pas après pas.

jeudi 12 juin 2025

2336 - La barque

Un jour je vis une barque passer sur la rivière.
 
Une femme en était le modeste capitaine. Etonné et amusé de cette présence inhabituelle sur l'eau, si proche de mon ermitage, je lui adressai un signe amical de manière impromptue, comme il est coutume de le faire en pareil cas.
 
Contre toute attente, sur ce geste elle vint accoster la rive boueuse avec un air enthousiaste. Je pensais qu'elle aurait continué tout simplement son chemin après avoir répondu à mon salut. Visiblement elle semblait chercher le contact. Une réaction tellement humaine...
 
Je l'observai donc de plus près. Il s'agissait d'un extraordinaire équipage en réalité. L'embarcation était remplie de divers objets à usages domestiques et artistiques : des coussins, des casseroles, des livres, des pièges à rats, un miroir chinois, un gros tambour, une nature morte dans un grand cadre dorée, une multitude de bibelots, un chat noir famélique, un violon, de beaux vêtements anciens, un chevalet, un baromètre... Mais surtout, la passagère vêtue d'une robe blanche d'un autre temps me paraissait fort désirable, bien qu'étrange, extravagante, comme sortie d'un rêve ou bien d'une pièce de théâtre.
 
Elle m'expliqua être une châtelaine voyageant ainsi au gré de l'onde en quête d'aventures, de rencontres et d'inspiration... De toute évidence j'avais affaire à un esprit original. A mon tour je lui signifiai ce que je faisais au fond de cette forêt. Elle fut enchantée de faire ma connaissance. Mais moi je lorgnais intensément sur ses appas, une telle apparition en ce lieu isolé tenant du prodige ! A part les sangliers, qui d'autre aurais-je pu espérer croiser dans ce trou ? Certainement pas cette déesse... J'ignore si elle avait conscience de mon trouble. Et puis comment prendre cette merveilleuse et fracassante intrusion dans ma solitude ? Une cloche du destin ? Un pur hasard dénué de sens ? Un caprice du sort ?
 
Cette improbable navigatrice aurait pu être laide, plate, osseuse, sotte, peureuse, désagréable, folle et méchante. Devant moi se tenait une superbe créature aux formes vénusiaques, au caractère aimable, au visage souriant... Une personnalité brillante et pleine de fantaisie avec qui échanger des choses bien agréables...

Je brûlais d'en savoir plus sur cette drôle de marquise aux effets ravageurs. Mais la mondaine loufoque demeurait dans son univers ouaté et décalé. Tel un oiseau perché chantant en haut de sa branche, elle m'éblouissait de ses mots lumineux et de sa compagnie romanesque. Quelle fraîcheur elle dégageait !

Cependant, avec ses ailes splendides et son âme si légère, le papillon me parut finalement inaccessible. Je me rendais compte que mon chapeau de loup des bois dépareillait radicalement avec sa plume dans les cheveux, car oui j'ai omis d'ajouter ce détail délicieux : elle avait mis de l'azur dans sa chevelure.

Bref, je voulus sortir de cette féérie avant qu'elle ne m'emportât dans d'amères désillusions. Je décidai donc de rompre le charme. J'annonçai à la visiteuse qu'il était l'heure de rentrer chez moi, sans lui préciser que mon foyer se situait non loin de là, afin qu'elle ne m'y suivît point. Après avoir fait quelques tours retentissants sur la berge, elle repartit sur les flots où elle disparut bientôt de ma vue, dans une tempête de beauté.

Le soir au coin du feu je repensai longuement à cette mystérieuse vagabonde. Avais-je bien fait de l'éloigner de ma vie ? La flamme se tortillait joyeusement dans l'âtre. Et, comme une amante jalouse, me rappelait avec douceur qu'elle concourait, elle aussi, à mon bonheur d'ermite jusque dans le silence de la nuit.

2335 - Le chemin creux

Dans la forêt où je me suis laissé engloutir pour y passer une éternité de solitude, il existe une voie secrète s'enfonçant vers des parcelles moins connues où les terres sont plus sombres et les bois plus denses... Comme un recoin situé hors du siècle, un trou oublié loin des certitudes modernes, un endroit que l'on ne trouve que dans les livres de contes. Mais l'on ne s'engage pas volontiers dans cette percée qui semble mener vers un monde effrayant. Ce lieu inquiétant consiste en un chemin creux et tortueux qui descend abruptement et donne l'impression de faire disparaître ceux qui s'y engouffrent.
 
J'ai souvent hésité à emprunter ce sentier à l'issue incertaine.
 
Jusqu'au jour où, tenaillé par la curiosité, je me décidai à aller explorer cet abîme. En avançant prudemment dans ce nouvel espace, je fus bien vite envahi par un sentiment d'oppression. Au fil de mes pas, tout devenait étrangement calme autour de moi, je progressais dans un silence pétrifiant. Le vent ne pénétrait plus et la clarté s'atténuait considérablement, alors que le Soleil resplendissait au-dessus de la sylve et qu'un souffle chaud remuait les feuillages, plus haut. Même la fraîcheur régnant dans ces profondeurs m'apparaissait anormale.
 
Je marchai longtemps dans cette sorte de tranchée bordée d'arbres aux racines monstrueuses. De vieilles souches dont je n'osais pas regarder les traits grimaçants ajoutaient une dimension extraordinaire à ce fossé de cauchemar. Je me persuadai que des êtres, des spectres, des visages, m'escortaient. Ces présences me suivaient de près, je pouvais en effet deviner leur subtile étreinte, sentir leurs lèvres effleurer ma joue, leurs doigts caresser mes cheveux, leurs mains toucher mon épaule...
 
Evidemment ce n'étaient en réalité que des feuilles, des tiges, des branches sur mon passage.
 
Pourtant j'eus peur. Bêtement. Au point de préférer abandonner et me sauver ! Ce que je fis. Je rentrai promptement dans la sécurité de ma demeure.
 
Le soir venu, je repensai longuement à cet événement près de la flamme réconfortante de ma cheminée, finalement heureux de n'avoir pas été jusqu'au bout de ce voyage dans l'ombre.
 
N'ayant jamais osé retourner dans ce secteur maudit, j'ignore encore sur quoi débouche ce trajet mystérieux.
 
Cela pourra paraître insensé mais je pense que l'imagination, la simple et absurde imagination ne suffit pas à justifier ma fuite. Dans ma situation d'ermitage où les choses prennent une direction tellement différente, je suis nécessairement confronté à des évidences qui n'ont pas cours ailleurs.
 
Qu'on l'admette ou non, dans mon univers forestier les lois ne sont pas les mêmes que dans les villes ténébreuses, éclairées par leurs seuls néons. Contrairement aux métropoles électrifiées et désenchantées, ici le terrain n'est pas partout défriché et l'invisible pas toujours dévoilé. Les légendes et croyances ancestrales y persistent, s'y enlisent même. La cité brille de ses multiples artifices mais sombre par son vide. Ses scintillements ne valent rien à mes yeux.

L'obscurité des ramures sous lesquelles je frémis et la lumière de l'âtre devant lequel je rêve y ont beaucoup plus de prix.

mercredi 11 juin 2025

2334 - Les deux chasseurs

Dans ma vie lumineuse de solitude, il y parfois des nuages qui assombrissent l'azur, des anomalies qui apparaissent dans la clarté du jour, des distractions qui perturbent la quiétude des heures les plus brillantes, mais aussi des interactions improbables qui me font bien rire : c'est ce qui se passe lors de certaines rencontres avec des bipèdes. La plupart d'entre eux sont saugrenus, bavards, sots, pesants, insipides, bêtes, ridicules.
 
Ainsi je croisai deux chasseurs le long d'un sentier forestier. Dûment équipés de leur attirail, consciencieusement vêtus de leurs tenues de camouflage que contredisaient avec éclat leurs règlementaires gilets jaunes fluorescents dont le but est de les rendre toujours bien visibles, sans oublier les typiques casquettes de circonstance (chargées de badges et de sigles porteurs de messages écologiques) vissées sur leurs fronts, ils se targuaient de traquer l'animal sauvage.
 
Nous discutâmes un moment sur le chemin. A les voir ainsi accoutrés et si bien disposés à me faire partager leurs belles idées en vogue, je suppose qu'ils durent me prendre pour un des leurs : un ami de la nature , un défenseur du climat adoptant des "moeurs vertes", doté d'une "conscience de la planète" et ayant évidemment des habitudes de "consommation citoyenne", selon leurs formules.
 
Comme ils se trompaient !
 
Leur vocabulaire infantilisant me consternait et m'amusait tout la fois : "moeurs vertes", "conscience de la planète", "consommation citoyenne"... Pas de doute, je venais de tomber sur de sacrés numéros ! En un mot, des victimes consentantes du ramollissement de notre siècle.
 
Avec leurs épinglettes moralisatrices sur leurs couvre-chefs, j'avais affaire à de drôles d'amateurs de gibier en vérité ! Ce duo de rigolos se présentait comme un "binôme d'écolo-ruraux". Ainsi se définissaient non sans fierté ces authentiques andouilles. Cette paire de guignolos s'enorgueillissaient de pratiquer une "prédation responsable". Aussi sensibles que des caniches de salon, ils m'expliquèrent qu'ils avaient peur de faire souffrir leurs proies et que la vue du sang les répugnait. Mais que diable foutaient-ils donc ici avec leurs fusils s'ils éprouvaient tant de scrupules envers la faune dont ils étaient pourtant censés trouer la peau ?
 
Ils m'avouèrent que souvent, pleins de regrets, ils n'osaient plus tirer, tandis que le lapin se trouvait dans leur viseur ! Pris de remords, il leur arrivait même de verser une larme sur la scène de leur "massacre". Ils attendaient peut-être un signe de confirmation de ma part, face à ces vertueux aveux... Je souriais en écoutant leur repentance.
 
Cela leur blessait le coeur de faire tant de mal à leur "Terre-mère", ne serait-ce qu'en marchant sur les champignons, en piétinant les fleurs des bois, en aplatissant quelques fougères dans leur exploration sylvestre... A ce stade je me demandai s'ils n'étaient pas des sodomites en vadrouille, leurs armes et leur costumes frisant le folklore n'étant que des prétextes pour prendre l'air en donnant le change...
 
Je pris vite congé de ces clowns de la verdure, comiques dindons déguisés en pisteurs de rossignols, en tueurs de peluches, vivantes farces de notre monde contemporain !

Le soir en dégustant mes patates au beurre au coin du feu, je repensai à ces sanguinaires mollusques, les imaginant revenus bredouilles de leur sortie en forêt, une pâquerette au bout de leurs canons.

mardi 10 juin 2025

2333 - Flamme noire

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy

Elle a des nuages blancs dans les yeux et sa face est brillante comme l'obscurité. Sa peau ténébreuse fait ressortir l'éclat de ses traits. Elle nous fixe avec la précision d'une flèche et la pénétration d'une flamme, sûre de sa lumière.
 
Elle sait ce qu'elle veut et ne regarde que l'essentiel.
 
Son visage est une braise qui cherche les secrets de la nuit, le début du jour, autrement dit l'amour, rien que l'amour. C'est pour cela qu'elle est née, si proche de ses rêves, si loin des artifices.
 
Elle désire un mâle de feu au corps plein de force et de soleil, un homme avec qui partager ses clartés de femme comme ses orages de femelle...
 
Sa chair est un fruit gorgé de sève, elle l'offrira à celui qui aura soif de sa nègre beauté.
 
Beaucoup de prétendants la convoitent, mais lequel parmi eux sera à sa hauteur ? Il faudra lui décrocher la Lune pour la mériter.

Seul un astre pourra toucher cette étoile.

2332 - Deux corbeaux dans un arbre

Tandis que je vagabondais jusqu'à l'orée de la forêt par une journée automnale nuageuse, j'aperçus deux corbeaux perchés en haut d'un arbre mort. Les branches sombres et sèches montaient vers le ciel comme un spectre en prière. Le duo de corvidés assis côte-à-côte sur un même bras décharné semblait observer paisiblement le monde en bas. Cette simple scène formait un tableau sépulcral saisissant. Une pure esthétique mortuaire se dégageait de cette sobre mais puissante image.
 
Dans leur noir costume, les compères siégeaient sur leur perchoir ainsi que des rois. J'admirais longuement ce théâtre de volatiles emblématiques jouant exactement leur rôle dans le décor naturel. Bien mieux qu'un conte de Perrault, la réalité me montrait ses angles et ses fulgurances sans le moindre filtre.
 
Ces compagnons au plumage éclatant de ténèbres, sagement installés dans leur sommet, brillaient tels des astres contemplatifs sur un paysage semi-lunaire.
 
J'avais devant moi le spectacle à la fois inédit et éternellement recommencé de la Création en marche. La nature peignait en cet instant un chef-d'œuvre éphémère et vivant racontant toute l'histoire des êtres et des choses : ce couple d'oiseau aux allures suprêmes, et qui peut-être ressemblaient tellement à des humains, d'un réalisme cru, total, mêlé à un romantisme sinistre, résumait le miracle, le tragique et la poésie ultime de tout ce qui vit, aime, meurt ici-bas.

Par-delà les effets profonds, les présences magistrales et les formes radicales composant cette peinture aux couleurs crépusculaires, à travers ces incarnations de légendes, ces figures fabuleuses, cette représentation intemporelle enfin, ce qui dominait par-dessus tout et se répandait jusqu'à l'infini, c'était la définitive, l'universelle, la fracassante beauté.

2331 - Insomnie

Je ne dors pas toujours : accroché à mon sommet de solitude, niché au fond de mon cloître de verdure, perdu dans mes hauteurs sublimes et farouches, je contemple la situation avec mon acuité d'ermite... Certains soirs mon sommeil est chassé par des rêves éclatants, alors j'entre dans la nuit les yeux grands ouverts pour un long voyage. Mon âme envahie par des sentiments océaniques se laisse emporter jusqu'à l'aube par des vagues de mystère. Ce qui m'arrive souvent lorsque la Lune resplendit sur la forêt : c'est la gloire de la lumière extatique et le règne de la sérénité.
 
Je sors de ma demeure à la rencontre des immensités et de leurs hôtes, pars à la découverte d'un invisible qui se dévoile. Des ombres s'allongent au loin, l'horizon s'éclaire peu à peu, quelques nuages se transforment en messages et je lis des mots suprêmes dans le ciel. J'en suis retourné... Devant moi, une forme s'anime dans un arbre. Qu'est-ce ? Un oiseau nocturne ? Je crois discerner deux bras en croix mais la scène reste nébuleuse. Au détour d'un chemin à proximité, un marcheur se dirige droit vers moi ! Ne suis-je donc pas le seul humain ici ? Non, cela doit être un animal... Je regarde autour de moi, soudain tout redevient paisible. Il n'y a plus que le vide et le silence.
 
A moins que ces illusions ne soient, précisément, les signes de mon éveil...
 
Les nues sont profondes et les ténèbres brillent. Un théâtre céleste s'ouvre spécialement pour moi. La sylve rejoint la sphère astrale pour se mêler au firmament. La frontière entre la terre et les étoiles disparaît, je me retrouve dans une ambiance purement sidérale, là dans ce décor végétal. Les ramures au-dessus de ma tête forment d'étranges étendues mouvantes où je m'engouffre comme dans un brouillard opaque, guidé par une chimère dont la robe ressemble à un reflet lunaire et la voix s'apparente à la brise...
 
Tout s'élève, s'agrandit, prend des allures vertigineuses. Les chênes, ainsi que des silhouettes démesurées, atteignent les constellations. Les herbes mortes deviennent une foule d'elfes fous, ou peut-être un flot de flammes floues. Une simple brume se prolonge jusqu'à se confondre infiniment avec l'effrayante obscurité des bois...
 
Une tempête subtile est en train d'ébranler cet univers, tandis que tout somnole.
 
Le temps a des airs cosmiques, mes repères s'ajustent avec l'heure des géants sur le cadran poétique. Et je me sens écrasé par la majesté des cimes de ce monde nouveau.
 
Un souffle me soulève : j'ai des ailes et je vole dans les altitudes sacrées de l'ailleurs.
 
Avant de me poser calmement au point du jour tel un papillon, assis sur le sol humecté de rosée, légèrement ébloui par les rayons du Soleil.

lundi 9 juin 2025

2330 - Cris des corbeaux

Quel merveilleux concert que les croassements des corbeaux au-dessus de ma demeure ! Les cris délicieusement rauques de ces spectres au plumage ténébreux résonnent comme des cloches fêlées dans l'air, apportant une profondeur supplémentaire à la forêt.
 
Lorsqu'ils rasent mon toit, c'est à chaque fois un événement exceptionnel pour moi. Les apercevoir de si près en plein vol m'enchante, me subjugue ! Avec leurs ailes semblables à des capes mortuaires, ils ont l'envergure de personnages de prestige, l'attitude de mystérieux dignitaires, la majesté d'augustes messagers.
 
Quand ils brisent la quiétude de l'aube de leur chant funèbre, j'ai l'impression d'entendre les grandes orgues du ciel. Ces princes en robe de nuit illuminent le jour de leur sombre éclat. Et éclairent mon coeur de leur splendeur sépulcrale.
 
J'imagine que ces divins charognards voient en moi un gibier potentiel depuis leur hauteur de vautours... Lorsqu'ils survolent ma maison en m'observant de leur oeil de croque-morts, espèrent-ils que je trépasse afin que je leur serve de macabre festin ? Peut-être bien... N'importe ! Cela n'enlève rien à leur charme.

Ils me font rêver avec leurs plaintes caverneuses, leurs bras noirs, leurs profils de cauchemars.

Ces hôtes des brumes ont la beauté des seigneurs, la prestance des aristocrates, la noblesse des couronnés. Ils méritent mon admiration d'ermite !

En toutes circonstances ils arborent des allures hautaines d'oiseaux d'élites, pour cette raison je les maintiens au sommet de mon estime.

Nous nous ressemblons beaucoup en tant qu'ombres des bois, eux les épouvantails en manteau de deuil, moi l'homme des breuils en chapeau de paille. Nous sommes finalement des fantômes : eux dans les nues, moi sur l'humus.

En les écoutant crailler, je me crois soudain aussi grand qu'eux.

dimanche 8 juin 2025

2329 - Papillons de nuit

Du fond de la sombre grotte où je suis reclus, les papillons de nuit enchantent mes soirées de hibou solitaire. Ils sortent de leur noir espace pour saluer ma chandelle, tournoyant frénétiquement autour de cette perle de feu comme s'ils voulaient l'embrasser, ce qui anime agréablement mes longues heures de léthargie après le souper.
 
Leur présence sous mon toit vaut mieux que celle des humains : ils se montrent tellement plus légers qu'eux... Délicats et aériens, ils savent rester dans les hauteurs de mes vues d'esthète. Et puis surtout, je n'ai nullement besoin de les nourrir à grands frais.
 
Dans les profondeurs de la sylve, au coeur de cette immensité plongée dans les ténèbres, ces fantômes surgis de l'obscurité sont  toujours les bienvenus à ma table. Je ne me lasse pas de les voir tourner au-dessus de ma lampe. Ils apportent une ambiance chaleureuse dans la maison.
 
L'intrusion dans mon terrier de rustaud de ces aimables insectes m'est précieuse. Ces visiteurs nocturnes virevoltant à proximité de tout ce qui brille constituent une excellente compagnie dans ma demeure. Ils représentent les esprits de la forêt. J'attends avec bonheur que viennent se cogner à ma fenêtre ces flammes pâles et froides venues d'un autre monde.
 
Je fais le meilleur accueil à ces hôtes de marque, au même titre que les rats. Les uns rampent furtivement au niveau de mes pieds, les autres dansent dans l'air. On peut constater que mes convives sont issus des horizons les plus opposés de mon univers : les premiers remontent de la terre, les seconds descendent du ciel... Tous méritent le festin de mes miettes ou l'éclat de ma bougie. Mais revenons à nos moutons.
 
Véritables rêves incarnés de mes veillées, ces petites fées attirées par la maigre lueur de ma tanière y trouvent opportunément refuge.

Ces créatures célestes forment un firmament mouvant dans la pièce : lorsque leurs ailes s'éclairent à la lumière de mon cierge, je vois des étoiles voler dans mon foyer.

samedi 7 juin 2025

2328 - Froid et pluies

L'avantage de mon existence hors des commodités de la modernité, c'est que je prends les choses comme elles sont sans chercher à les changer. La nature m'offre ce quelle m'offre, ni plus ni moins. Je ne refuse rien et dis merci à tout. J'accepte les caresses des saisons autant que leurs morsures.. Je ne m'occupe guère de savoir si l'eau de la rivière est tiède ou glacée : je m'y baigne été comme hiver. Si elle est douce, j'en suis content. Si elle est gelée, je ne m'en plains pas. Dans les deux cas j'en ressors toujours propre et satisfait.
 
Moins il y a de confort, plus la vie est simple.
 
La cendre me sert de savon et le vent de serviette. Qu'ai-je besoin de salle de bain ? De murs pour mes ablutions ? D'ampoules électriques pour y voir clair ? De robinetterie pour me mouiller la peau ? De radiateurs pour chauffer ces inutiles artifices ? Le résultat est exactement le même sans ces convenances superflues. Peu importent les moyens employés, du moment que je suis lavé, frais et bien séché, le reste est sans importance.
 
Je ne fais pas le difficile, la rudesse de mes moeurs m'éloigne des vacuités de la civilisation tout en me rapprochant des joies de l'essentiel.
 
Lorsque la pluie arrose la forêt sans discontinuer du matin au soir, qu'est-ce qui m'empêche de sortir ? Absolument aucun obstacle, nulle cause majeure, pas la moindre raison. Bottes, manteau et chapeau me suffisent. Pas un orage ne m'arrête et surtout pas l'inoffensive averse qui ne fait que couler sur ma coiffe de paille.
 
Qu'est-ce qu'une douche issue des nuages ? Juste une rigolade. Je devrais donc avoir peur des précipitations, de l'intempérie, des flots et des flux, de l'air et de la flotte au point de me calfeutrer chez moi en attendant que passent ces fracas parfaitement insignifiants ? Il faudrait impérativement que je me protège de la grêle, de la neige, du crachin, de la brume ? Et pourquoi pas de la brise et de la rosée ? Qu'il pleuve ou qu'il vente, le ciel ne me tombe pas sur la tête pour autant !
 
Que d'histoires faites en ville pour ces bêtises !

Loin de ces sottises, je demeure intègre dans mon trou préservé de sanglier. En restant au fond des bois, je me sais à l'abri de ces stupidités.

Et, indifférent aux idioties citadines, je marche à travers les sentiers (qu'ils se retrouvent trempés ou poussiéreux), entre les arbres (qu'ils soient secs ou aspergés), sous les nues (qu'elles se montrent sombres ou lumineuses), sans jamais me laisser polluer l'esprit avec les fadaises en vogue, libre et heureux.

vendredi 6 juin 2025

2327 - Les ronces

Les ronces autour de ma demeure sont une bénédiction. Elles me permettent de bien m'occuper les jours où je n'ai rien à faire. Ces arbrisseaux qui paraissent remplis de haine avec leurs aiguillons sont fort profitables en réalité : ils m'offrent un excellent labeur, ce qui par ailleurs me rend grandement service car le travail manuel fait également germer en moi de belles pensées.
 
Une fois laborieusement coupées, ces épines sèchent à l'air en libérant de l'espace vital. J'en apprécie les fruits : mes chemins s'allongent, mes heures se prolongent.

Et mon temps prend de la valeur.
 
Après m'être donné du mal à les réduire en tas inoffensifs, j'en fais du feu bénéfique dans ma cheminée, ainsi que de la cendre qui s'emploie à tout. Ces broutilles végétales ne semblent certes pas représenter grand chose au premier abord, mais cela en vaut quand même la peine. Et ce n'est déjà pas si mal !
 
Aucune plante, nulle manifestation de la Création, pas la moindre feuille ou tige dans la nature n'est négligeable ou vaine. Et parfois le peu peut vite devenir le beaucoup, voire l'essentiel.
 
Avec ces piquants que les citadins voueraient volontiers au néant, purement et simplement, moi je fais de l'utile.

En puisant dans cette misère, je crée de la richesse. Aussi peu que ce soit, mais de manière certaine. Il me suffit de me baisser pour la récolter, ce qui en soi constitue un beau cadeau du ciel. Voici que la pire de toutes les mauvaise herbes, infâme productrice de douleur, aussi redoutable que des fils barbelés, alimente finalement mon foyer de ses flammes de joie !

Et puis surtout, le soir j'ai tant de plaisir à voir brûler le loup dans l'âtre...

2326 - Chemins de boue

Ma retraite sylvestre ne se conçoit pas qu'en des jours riants sous des cieux clairs, comme pourraient le croire certains esprits naïfs. Quelle sotte et misérable idéalisation de la vie en forêt ce serait ! Mon existence de solitaire au coeur des broussailles est bien plus riche dans les faits que ce plat bonheur de bovidé imaginé par les âmes molles en mal de fade verdure...
 
Si je chante parmi les fleurs et me roule dans les herbes folles, je marche également les pieds dans la boue. Sans ces contrastes la pluie autant que le beau temps seraient insipides. Pour progresser et m'envoler, il me faut de la pesanteur collée à mes semelles. Avant de prendre de la hauteur, j'ai besoin de sentir toute la lourdeur me retenant au sol. Afin de désirer la légèreté, je dois d'abord connaître le poids des choses.
 
Mes ailes naissent et grandissent non quand je me retrouve dans les nues mais quand je m'enlise dans le bourbier. Le gouffre donne du prix au sommet. Ce n'est pas la vue de l'azur qui me fait monter mais les bains forcés de bouillasse.
 
Les bassesses et saletés du bas me font diriger les regards vers les clartés et puretés du haut. Quand des sots jugeraient avec dégoût que je me "vautre dans la fange" avec mes grosses pattes de sanglier bourru comme un marginal arriéré, les sages, eux, comprendraient que ce fossé boueux où je glisse et trébuche représente en réalité ma piste de décollage.
 
Mon essor s'effectue non depuis un terrain sempiternellement horizontal et invariablement fleuri où, trop engourdi par l'apathie qui en résulterait pour pouvoir m'élever je ne ferais que stagner, tourner en rond, mais là où il y a la possibilité d'un élan : à partir du point culminant d'un caniveau.
 
Les faux pas, l'envasement, les chaussures crottées font partie du cheminement. La chute permet la salutaire propulsion. J'impulse dans un sens vertical le moindre de mes plongeons vers la merde.
 
Mon voyage sous le ciel forestier passe nécessairement par des chemins de taupes et de rats.

J'avance non en petits souliers dans la nature avec de creuses et proprettes idées de citadin dans la tête, mais avec mes vrais sabots de bête des bois et mes simples pas d'homme.

jeudi 5 juin 2025

2325 - Tristesse de la forêt

Si je me lève avec la lumière dans le coeur, cela ne signifie pas pour autant que la forêt s'éveille sous des éclats de joie... Parfois il suffit d'une certaine configuration nuageuse inhabituelle, de quelque effet de clair-obscur à l'horizon pour qu'elle prenne des allures sinistres et me montre une face sombre. Et me contamine peu à peu de son humeur noire, des son air maussade, de son mauvais jour.
 
Et bientôt mon regard sur le monde change.
 
Mon âme se ferme, mes sentiments s'endeuillent : la verdure qui m'entoure m'inspire l'ennui, le ciel m'apparaît lourd, même mon propre asile me semble soudainement bien déprimant, là dans cet océan de silence, sur cette île de solitude, dans ce trou de rat... Tout n'est plus que vide et torpeur à mes yeux, juste parce que les nues l'ont voulu.
 
Il arrive, en effet, que les nuages fassent la loi, qu'ils décident, par de simples jeux d'ombres, de ce que sera faite la journée. C'est depuis leur hauteur qu'ils projettent ainsi leurs funestes desseins sur la terre. Impossible d'y faire quoi que ce soit, je dois subir leur caprice en attendant que revienne les heures légères.
 
Il n'y a pas une brise, tout est pétrifié.
 
J'allume alors un feu à l'extérieur pour dissiper cette langueur immobile. A travers les flammes je vois s'animer des visages, surgir des fantômes, danser des corps de femmes... Cette flambée est une respiration au milieu de ce vaste étouffement.
 
Autour de moi les bois n'en paraissent que plus tristes. Les grands arbres hier pleins de majesté avec leurs bras dans le vent, ne sont plus aujourd'hui que d'austères figures figées, crucifiées dans l'inertie d'une ambiance plombée.
 
L'atmosphère devenue terne jusqu'à faire taire le chant des oiseaux.
 
Sauf celui des corbeaux.
 
Et heureusement d'ailleurs car ils sont pour moi les derniers porteurs d'espoir. Eux seuls parviennent encore à m'enchanter quelles que soient les circonstances, dans le malheur ou dans le bonheur.
 
La braise progressivement s'éteint et la morosité générale reprend le dessus. Au loin j'aperçois le vol des croasseurs. Le voile du spleen s'épaissit, le paysage soupire, la sylve s'enlise.

Et tout brille de beauté pourtant.

mercredi 4 juin 2025

2324 - Provisions de bois

Mon âpre foyer va bientôt manquer de combustible. La quête du bois et sa coupe font partie intégrante de mon immersion dans ce gouffre de quiétude que représente la forêt. Ce n'est pas qu'une nécessité pragmatique, mais également un jeu, une activité d'ancrage dans le sol, les racines, le passé.
 
Et finalement, un voyage dans les légendes.
 
Activer ma cheminée ne me sert évidemment pas qu'à me réchauffer et à cuisiner, sinon je ne serais qu'un bipède vide à l'intérieur, qu'une bête au coeur froid, qu'une fade créature dénuée intelligence, qu'un homme misérable.
 
La flamme est enchanteresse, céleste, divine.
 
Avant tout, elle éclaire mon âme.
 
Et fait tout le reste en second lieu. La flambée est un spectacle de roi, un festin pour les yeux, une bénédiction dans ma demeure.
 
J'apporte la lumière sous mon toit à coups de haches, contribue à la gloire de la Création à la force des biceps, fais naître le brasier du labeur de mes bras.
 
Je jette la première étincelle dans mon âtre pour y brûler des bûches, comme si j'allumais les étoiles. L'acte a une portée qui dépasse les petitesses du quotidien. Briller pour briller, telle est la fonction principale de ce flambeau au fond de mon gîte.
 
Aller ramasser des branches mortes, les dégrossir puis entreposer ces rouleaux au sec, voilà une besogne qui fait germer en moi les graines d'un vrai bonheur ! Au cours de ces journées de plein effort, je me prépare ainsi à illuminer ma solitude nocturne. En somme, je travaille à l'éclat de mes longues veillées.
 
Même tard le soir, lorsque le feu est en train de mourir, rien ne se perd.
 
De cette mince braise émane le peu de clarté suffisant à nourrir la totalité de mon être. Elle est le maigre soleil de mes nuits, le pâle vigile de mes rêves, le dernier éclair enfoui dans la cendre, l'ultime lueur avant l'aube.

Et le jour me réveille pour une nouvelle vie.

Faire ces provisions de rondins, cela équivaut à stocker de la joie.

mardi 3 juin 2025

2323 - Dans les buissons

Les buissons abritent bien des vies cachées, pense-t-on.
 
Des bêtes s'y terrent. Certaines, fuyardes, y trouvent opportunément refuge. D'autres, des habituées, y nichent durablement. Des intrus éphémères s'y attardent même... Toute une faune y gîte. Si l’esprit curieux observe bien, il y verra des formes bouger, des ombres passer, des êtres s'animer.
 
Mais ça, c'est du folklore.
 
En réalité, la plupart du temps nul n'y distingue strictement rien. Dans ces tas de feuilles denses, parfois impénétrables, on ne découvrira que du vent. Il est rare de tomber sur un hérisson, un lapereau, un mulot. Voire sur un squelette d'un de ces animaux. Et c'est précisément pour cette raison que je m'aventure souvent à chercher l'improbable dans ces haies sauvages : pour y dénicher, une fois sur mille, un trésor, une surprise, un miracle, une merveille.
 
Entre tout et rien dans de tels trous, il y a une infinité de choses à se mettre sous la main.
 
C'est ainsi qu'un beau jour, m'agenouillant comme à l'accoutumée pour fouiller sans trop y croire un de ces endroits propices, au lieu des habituelles épines et sempiternels déchets végétaux, mes doigts fureteurs rencontrèrent un corps métallique de la taille d'une boîte à biscuits. Et c'en était d'ailleurs une !
 
Lourde, hermétiquement close, scellée avec de la cire coulée contre la bordure du couvercle, ce n’était certes pas une découverte anodine ! La rouille tout autour indiquait que cet objet gisait là depuis des lustres. Je décidai de le ramener chez moi pour en vérifier le contenu au calme. Une fois rentré, non sans l'avoir maintes fois soupesé sur le chemin du retour, assis à ma table, je l'ouvris lentement, le coeur battant.
 
Je m'attendais à de l'or, c'était de la ferraille.
 
Des boulons, des vieilles clés, des pièces de monnaie anciennes sans aucune valeur. Il y avait également des portraits jaunis d'hommes et de femmes, enchâssés dans des cadres aux verres brisés. Cela datait vraisemblablement du début du vingtième siècle à en juger par le style et les physionomies. Ces visages d'une époque lointaine respiraient la tristesse et l’ennui.
 
Mais qui donc a eut l'idée saugrenue de rassembler ces souvenirs dérisoires dans ce fragile coffre improvisé pour le déposer aléatoirement là où je l'avais trouvé ? L'oeuvre d'un fou ? D'un désespéré ? D'un original ?
 
Et puis, que faire de cette trouvaille ?

Je ne réfléchis pas bien longtemps. Finalement, j'allai jeter à la rivière ces misères sans intérêt qui, au regard de ma solitude sublime et joyeuse, ne méritaient que l'oubli.

2322 - Pluie matinale

L'averse sur la forêt le matin, c'est comme une pesanteur sur le monde, une masse d'ennui qui s'effondre sur la végétation, des flots de lourdeurs qui s'abattent sur les arbres. Tout est froideur et déprime. La terre s'enlise dans l'humide torpeur et même l'horizon est trempé de tristesse.
 
C'est l'occasion idéale pour me réfugier près de mon feu de cheminée.
 
L'envie me prend cependant d'aller d'abord m'exposer nu sous l'onde frigorifiante... Ce que je fais avec un authentique frisson de crainte mêlé de délice, surtout si le temps est hivernal, cédant ainsi à la tentation de la rigueur. Avant de me blottir dans la douceur de l'âtre, je succombe, en effet, à l'âpreté des éléments. Après la gifle de l'eau, je n'en apprécie que mieux la caresse de la flamme.
 
J'affronte alors la vague oppressante qui m'étreint jusqu'aux os et qui, à l'heure du lever, finit par me réveiller tout à fait... Je reçois en pleine face et à bras ouverts toutes les austérités du ciel qui me tombent dessus. J'attends d'être totalement aspergé, lavé, assommé par ce déluge de sévérité qui me cingle la peau. Je rentre ensuite me sécher directement à la flambée, sans m'essuyer.
 
Cette douche d'inconfort dès le début de ma journée me met en forme et de fort gaillarde humeur ! Au contact de cette lame de glace, tout devient plus facile, plus léger et moins morne. Me jeter dans la gueule de la pluie, me brûler aux ardeurs de l'épreuve, tendre les deux joues aux claques de la nature, c'est la meilleure manière que j'ai trouvée pour briser les habitudes avec fruits et fracas, évitant les pièges d'une vie de mollesse.
 
On savoure d'autant mieux le miel lorsque l'on vient d'avaler une bonne coulée d'amertume.
 
Et tandis que les nuages continuent de déverser sans compter leur lot de larmes fécondes sur mon toit, réchauffé, rhabillé, réconforté, j'alimente le foyer pour y faire chauffer mon café. Je puise ma joie dans le choc des contrastes.
 
Lorsque s'éteindra la braise, je serai plus vivant que jamais !

lundi 2 juin 2025

2321 - Les grands arbres

Au coeur de la forêt, les figures qui comptent à mes yeux dans le contexte de ma solitude, ce sont les arbres séculaires.
 
Ils dépassent mon quotidien de plusieurs têtes, s'élèvent au-dessus du siècle, montent plus haut que mes patates, voient au-delà de mon horizon, dominent largement mon espace physique. Ces illustres silhouettes ne sont pas faites pour l'anodin mais pour l'exceptionnel. Leur destin est de devenir des géants, de défier le temps, de se mesurer au ciel, de faire de l'ombre aux hommes.
 
Il faut être une nature solaire pour les admirer, doublée d'une âme pénétrante pour les saluer comme je le fais à l'égal des seigneurs, au risque de passer pour un fou.
 
Ces vastes entités végétales s'affichent avec majesté sur la toile de fond de l'azur. Je les aime pour leur envergure royale, leur bras ouverts à tous les vents, leurs constellations de feuilles dans les nues... Leur beauté d'élégants colosses leur confère un statut supérieur. Pour moi ce sont des demi-dieux à la peau rêche, des Goliath en dentelle verte, d'antiques sommets aux racines de marbre.
 
Leur attitude naturelle, c'est la prise d'altitude.
 
Ils ont le regard hautain des personnages aux carrures immenses. Et les vues de longue portée qui vont avec. Ces troncs augustes aux ailes vertigineuses et aux silences sublimes valent mieux que nos immortels sous la coupole. Ces derniers sont de pauvres astres fragiles, de bruyantes brindilles, de purs légumes académiques brillant bien moins longtemps que les chênes, pour être finalement oubliés dans la poussière des bibliothèques.
 
Personnalités historiques des profondeurs forestières, dignitaires de la sylve, vieux épouvantails aux branches glorieuses, ces sages aux toges d'écorce, aussi solides que des statues de pierre, sont nés avant nous tous. Et avec leur sève plus ancienne que notre sang, en savent plus que nos vies aux jours si brefs.
 
Leurs grands airs impassibles me charment et m'enchantent. Je sais que depuis leur hauteur ils m'ignorent, l'allure impériale, la face figée, tandis que je les contemple, couché à leurs pieds.

Leur essentielle vertu, c'est que devant nos humaines vanités ces monuments  vivants restent invariablement de bois.

dimanche 1 juin 2025

2320 - Terribles crépuscules

Au cours de ma retraite sylvestre je vois s'écouler des jours bien ordinaires. Et d'autres beaucoup moins.
 
Parfois ma perception des choses change subitement et certaines heures, qu'elles soient sombres ou éclatantes deviennent augustes, pleines de présages et de sens caché.
 
Ainsi, à l'approche du crépuscule il m'arrive de craindre les splendeurs de l'obscurité naissante ou bien au contraire de vouloir me fondre avec les clartés des nues en feu... Mes repères se brouillent et le Beau n'est plus qu'une tentation aux enjeux supérieurs et insaisissables qui me dépassent...
 
Descendre dans les gloires infernales ou monter dans l'azur enflammé, avoir un pied dans le gouffre et l'autre dans les sommets, faire le choix entre le dérisoire lumineux et le sublime ténébreux, telles sont les contradictions devant lesquelles je me retrouve.
 
L'arrivée du soir sonne soit comme une flûte, soit comme un glas. Je l'espère et la redoute tout à la fois, sans vraiment savoir pourquoi. Ni quelles couleurs ses lueurs produiront sur mon âme, claires ou funestes, grises ou dorées, ternes ou brillantes, légères ou mortelles.
 
Et là, seul au coeur de la forêt, aux prises avec les immensités s'agitant en moi, je ressemble à un fétu d'existence. Je suis pris sous un orage de réalités infiniment plus hautes que ma pauvre tête d'ermite, emporté dans une mélancolie aux dimensions cosmiques, enseveli sous des vagues de mystère venues d'un océan d'éther.
 
Et les nuages du couchant au-dessus de mon univers de verdure prennent alors des allures dantesques. Je pleure et je ris, tandis que le ciel impassible s'effondre dans les brumes vespérales.
 
Je suis perdu dans les incertitudes de ses nuances.
 
La nuit finit par trancher entre le oui et le non, le blanc et le noir, le vrai et le faux.
 
Une fois le Soleil couché, je m'aperçois que le réel et ses tempêtes d'ivresses mêlées de vertiges est déjà loin.
 
Et que commencent maintenant la paix du sommeil et les profondeurs du rêve.

2319 - Les rats

Dans ma tanière d'homme des bois, je loge des rats énormes.
 
Leur taille démesurée est d'autant plus incompréhensible que je ne m'évertue nullement à les engraisser de quelque manière que ce soit, ne faisant rien pour les attirer. J'ignore de quoi ils se nourrissent exactement pour être si gros, de ce que j'abandonne aux oiseaux, aux lapins et aux souris j'imagine... Entre autres festins moins identifiables. En tout cas ils vivent bel et bien là sous mon toit et semblent vouloir y rester pour longtemps ! Je les surprends parfois à aller et venir comme des voleurs dans la pénombre, discrets, furtifs, jaillissant de nulle part et se cachant dans les moindres recoins.
 
Ils gitent et se reproduisent, je suppose, dans des galeries creusées sous ma maison. Depuis leur abri secret en sous-sol, c'est facile pour eux de remonter à la surface à la recherche d'un peu de lumière et de restes alimentaires. Ils osent dîner à ma table, ou plutôt sous ma table, sans y être invités. Sortant de leur quartier général aux heures propices, ils viennent opportunément me rendre visite en plein repas. Et s'attardent jusque fort tard le soir, surtout lorsque je commence à dormir et que la pièce devient plus calme. Ils gambadent alors sous mon lit, furètent un peu partout, explorant les lieux avec leur naturelle curiosité, grimpent sur les tas de fagots, s'introduisent dans les paniers d'osier, se chamaillent autour des épluchures éparses...
 
Ces rusés rongeurs se faufilent à travers je ne sais quels interstices de ma demeure pour aller récupérer mes miettes et se chauffer indûment à mon feu. Ils ont vraiment l'air de se plaire chez moi ! Aussi imposants qu'ils soient, je les laisse volontiers mener leur vie de crapules sous mes pieds. L'avantage de leur intrusion, c'est qu'ils apportent une merveilleuse présence à mes soirées de solitaire.
 
Il faut dire que je ne les déteste pas, au contraire. Je leur trouve des charmes pétrifiants avec leurs petites carcasses sombres, leurs museaux pareils à des faces de loups, leurs queues semblables à des lombrics... Ils ne cherchent visiblement pas à me séduire : je n'en éprouve que plus d'estime à leur égard. Hideux et répugnants, j'aime encore mieux leur âpre et pittoresque compagnie à celle, trop tiède et trop policée, des hypocrites humains lissés par la civilisation.
 
J'ai fait de ces visiteurs aux moeurs ténébreuses mes intimes amis nocturnes, et eux de même je crois. Je suis leur meilleur allié dans leur quête de confort et de rebuts comestibles... Même si nous instaurons dans nos rapports une certaine distance, je pense que nous nous apprécions mutuellement.
 
Ensemble au coeur de la forêt, loin des villes, au centre de nos univers respectifs.

Eux dans leurs trous au fond de la nuit, moi dans mon nid d'ermite au sommet de mon lumineux isolement.

samedi 31 mai 2025

2318 - Un ami frappe à ma porte

Une nouvelle journée de retraite s'annonce au fond de mon trou. L'aube, comme d'habitude, éclaire le monde de sa flamme blanche en prévision d'heures indolentes. Aujourd'hui tout est calme, à l'image de ce que fut hier et de ce que sera demain. Du moins je l'espère. Rien ne surviendra, à part peut-être un peu de vent, quelques nuages passagers et trois ou quatre vols d'oiseaux au-dessus de mon toit.
 
Pas la moindre femme ne viendra dans mon antre pour me tenir compagnie, aucun visiteur à deux pattes ne se rendra chez moi pour me saluer, nul pèlerin ne s'arrêtera devant ma demeure, pas un seul vagabond ne passera dans les environs.
 
Cependant je serai heureux d'accueillir mes habituels amis les rats, de recevoir quelque muet et affable fantôme, de convier l'auguste solitude que je connais de tout temps, d'offrir mon coeur aux froideurs du jour qui, serein, fidèle et impassible, m'ouvrira ses bras jusqu'au soir. Et c'est bien ce que je demande : que la Terre entière m'accorde une paix royale !
 
Certes, je saurais donner l'hospitalité à tout étranger qui se présenterait. Jamais je ne refuserais bonne réception à quiconque. Mais en guise de vin il n'aurait, c'est certain, que l'eau de la rivière à boire... Et pour se caler l'estomac, rien que le reste de mon vieux pain. Autant dire que personne n'osera s'aventurer dans les parages ! Les fragiles promeneurs citadins et vains explorateurs du dimanche le regretteraient, je crois. Et c'est tant mieux ! Et s'il y en a quand même un plus courageux que les autres pour franchir le seuil de ma maison, je sais qu'après avoir fait si mauvaise chère il ne sera pas prêt de revenir ! Pour cela, je peux rester tranquille.
 
L'unique invité que j'attends est un compagnon discret, léger, aérien, respectueux de mon foyer, plein de profondeur et d'esprit. Et surtout peu contrariant.

Tantôt taciturne, tantôt lumineux mais toujours présent quand il le faut, cet hôte de longue date déborde d'égard et de délicatesse pour moi. Ce complice issu de l'ombre de la forêt s'approchant chaque matin de mon refuge à pas feutrés pour frapper avec tant de douceur à ma porte s'appelle tout simplement... le silence.

Liste des textes

2344 - Une belle journée
2343 - L’intruse
2342 - La chasse à courre
2341 - Les vers luisants
2340 - L’hôte qui pique
2339 - Dans la pénombre
2338 - Le ballon
2337 - Ma lanterne
2336 - La barque
2335 - Le chemin creux
2334 - Les deux chasseurs
2333 - Flamme noire
2332 - Deux corbeaux dans un arbre
2331 - Insomnie
2330 - Cris des corbeaux
2329 - Papillons de nuit
2328 - Froid et pluies
2327 - Les ronces
2326 - Chemins de boue
2325 - Tristesse de la forêt
2324 - Provisions de bois
2323 - Dans les buissons
2322 - Pluie matinale
2321 - Les grands arbres
2320 - Terribles crépuscules
2319 - Les rats
2318 - Un ami frappe à ma porte
2317 - Entouré de rusticité
2316 - Le sanglier
2315 - Mon sac
2314 - Le renard
2313 - Ma marmite
2312 - Des bruits dans la nuit
2311 - Les lapins
2310 - Un signe sous le ciel
2309 - La Lune vue de mon toit
2308 - Une gauchiste explosive
2307 - Sortie nocturne
2306 - Le vent sur la forêt
2305 - Un air de feu
2304 - Rêve dans les branches
2303 - L’écolo
2302 - Les papillons
2301 - La corneille
2300 - Les patates
2299 - L’escorte des souches
2298 - Un orage au dessert
2297 - Nulle femme dans ma forêt
2296 - Indispensables pommes de pin
2295 - Promenade
2294 - La pluie sur mon toit
2293 - A la chandelle
2292 - Un soir de brume
2291 - Vie de feu
2290 - La rosée matinale
2289 - Dans l’herbe
2288 - Par la fenêtre
2287 - Ma cheminée
2286 - Mes chemins d’ermite
2285 - Au réveil
2284 - Les cailloux sur mes chemins
2283 - Mes sentiments de bûche
2282 - Nuit de pleine lune en forêt
2281 - Ivresse de femme
2280 - Loin de ma grotte
2279 - Tempête dans mon trou
2278 - Baignades d'ermite
2277 - Un hibou dans la nuit
2276 - Mes ennemis les frileux
2275 - Ermite aux pieds sur terre
2274 - Mon jardin d’ermite
2273 - La récolte des fagots
2272 - Un étrange visiteur
2271 - Ma demeure d’ermite
2270 - Un homme clair
2269 - Un foyer au fond de la forêt
2268 - Les raisons du peintre
2267 - La célibataire
2266 - Les femmes
2265 - Une femme
2264 - France sous les étoiles
2263 - Un homme hors du monde
2262 - Homme de feu
2261 - Rencontre du troisième type
2260 - Voyage
2259 - Déprime
2258 - Fiers de leur race
2257 - La fille lointaine
2256 - Le Noir méchant
2255 - L’attente
2254 - J’ai entendu une musique de l’an 3000
2253 - Le modèle
2252 - Blonde ordinaire
2251 - Mâle archaïque mais authentique
2250 - La femme et la flamme
2249 - Voyages au bout de la terre
2248 - Ma chambre
2247 - Le vieil homme entre ses murs
2246 - L'ovin
2245 - Vous les mous, les mouches, les mouchards
2244 - Mon humanisme fracassant
2243 - Ma cabane sur la Lune
2242 - Les marques rouges du ciel
2241 - Je reviens !
2240 - Une fille de toque
2239 - La légèreté de la Lune
2238 - Janvier
2237 - Elena Yerevan
2236 - Oiseaux de rêve ?
2235 - J’irai vivre à la campagne
2234 - Fiers de leurs péchés
2233 - Deux faces
2232 - Le soleil de la jeunesse
2231 - Dans les bois
2230 - Nuit de vents
2229 - Mon fauteuil de lune
2228 - Le sourire d’une marguerite
2227 - Je ne suis pas antiraciste
2226 - Qui est-elle ?
2225 - L’arc-en-ciel
2224 - Je suis parti dormir sur la Lune
2223 - La sotte intelligence
2222 - Leurre ou lueur ?
2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin
2220 - La tempête Trump
2219 - Femme de lune
2218 - Une plume de poids
2217 - Douches glacées
2216 - Les arbres et moi
2215 - Je pulvérise le féminisme !
2214 - J’aime les vieux “fachos”
2213 - La surprise
2212 - Promenade en forêt
2211 - Je vis dans une cabane
2210 - Plouc
2209 - Je suis un mâle primaire
2208 - Musique triste
2207 - Ma cabane au fond des bois
2206 - Hommage à Christian FROUIN
2205 - Installation sur la Lune
2204 - Barreaux brisés
2203 - Affaire Pélicot : juste retour de bâton du féminisme
2202 - L’abbé Pierre, bouc-émissaire des féministes
2201 - Par tous les flots
2200 - Votre incroyable aventure !
2199 - Je ne suis pas en vogue
2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre
2197 - Dernière pitrerie
2196 - Alain Delon
2195 - Je déteste les livres !
2194 - L’esprit de la poire
2193 - Je ne suis pas citoyen du monde
2192 - Ma cabane dans la prairie
2191 - Devant l’âtre
2190 - Plus haut que tout
2189 - Pourquoi la femme vieillit si mal ?
2188 - Je prends l’avion
2187 - Sous la Lune
2186 - La pourriture de gauche
2185 - Je dors à la belle étoile
2184 - L’obèse et l’aristocrate
2183 - Le hippy et moi
2182 - Croyant de feu
2181 - Les gens importants
2180 - Le Beau
2179 - Michel Onfray
2178 - J’irai cracher sur leurs charentaises !
2177 - Clodo
2176 - Corbeaux et corneilles
2175 - Un dimanche plat atomique
2174 - Promenade en barque
2173 - Juan Asensio, ce rat lumineux
2172 - Il va pleuvoir bientôt
2171 - Au bord de la lumière
2170 - Dans mes nuages
2169 - J’ai dormi dehors
2168 - Les roses
2167 - Perdu en mer
2166 - Un jeune heureux
2165 - Le vagabond
2164 - Un ogre
2163 - Brigitte
2162 - Les gens simples
2161 - L’azur de Warloy-Baillon
2160 - Cause majeure
2159 - Je n’ai aucune élégance
2158 - La rivière
2157 - Il n’est pas raciste
2156 - Elle me fait peur
2155 - L’horloge
2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean
2153 - L’écologiste, ce primitif
2152 - Madame Junon
2151 - Chemins de pluie à Clinchamp
2150 - Voyage vers Mars
2149 - Galaxies
2148 - Je suis de la droite honteuse
2147 - Les écrivains sont des poids morts
2146 - L’héritage de Clinchamp
2145 - Clinchamp, une histoire sans fin
2144 - Vent de mystère à Clinchamp
2143 - Ma cachette à Clinchamp
2142 - Randonnée à Clinchamp
2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp
2140 - Un arc-en-Ciel à Clinchamp
2139 - Clinchamp sous l’orage
2138 - J’ai rêvé de Clinchamp
2137 - Jour de l’An à Clinchamp
2136 - Vacances d’été à Clinchamp
2135 - Attente à Clinchamp
2134 - Un jour ordinaire à Clinchamp
2133 - Or de France
2132 - La compagne des esseulés
2131 - Loup de lumière
2130 - Spleen
2129 - Le pitre
2128 - Les corbeaux de Clinchamp
2127 - Un homme heureux à Clinchamp
2126 - Le mouton
2125 - Des lutins à Clinchamp ?
2124 - Je suis fort !
2123 - Paroles prophétiques
2122 - L’égalité entre les hommes est injuste !
2121 - L’idéaliste de gauche
2120 - La femme est la monture de l’homme
2119 - Clinchamp sous la neige
2118 - Le Nord et le Sud
2117 - Pourquoi j’aime Clinchamp ?
2116 - Convaincre Blandine
2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp
2114 - Le facteur de Clinchamp
2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp
2112 - L’Art
2111 - Botte à l’oeuf
2110 - Les bûcherons de Clinchamp
2109 - Le coucou de Clinchamp
2108 - BFMTV : l’écran de la vérité
2107 - Lettre anonyme
2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !
2105 - Un jour d’hiver à Warloy-Baillon
2104 - La femme soumise brille comme une casserole
2103 - Les chouettes de Clinchamp
2102 - Quand la tempête s’abat sur Clinchamp...
2101 - L’aile et la pierre
2100 - Mes amis les maudits
2099 - Le brouillard de Clinchamp
2098 - Artiste de gauche
2097 - L’éternité dans la tête
2096 - Toussaint à Clinchamp
2095 - Chagrin échappé
2094 - Clinchamp-sur-Mystère
2093 - Les cafards
2092 - Loup des airs
2091 - Le loup de Clinchamp
2090 - En latin, c’est plus beau !
2089 - Les patates de Clinchamp
2088 - L’enfant des airs
2087 - Ciel de France
2086 - Thaïs d’Escufon
2085 - Les tomates de Clinchamp
2084 - Jérôme Bourbon
2083 - Les chats de Clinchamp
2082 - Poupée d’ailleurs
2081 - Pierre de feu
2080 - Les champs de Clinchamp
2079 - L’éclosion
2078 - Vacuité des bouquinistes
2077 - Les toits
2076 - Freud
2075 - Sport
2074 - Le simplet de Clinchamp
2073 - Les oiseaux de Clinchamp
2072 - Je ne suis pas cartésien
2071 - Au cimetière de Clinchamp
2070 - Le Panthéon pour Hugo, l’évasion pour Izarra
2069 - Les rats de la France
2068 - Le curé de Clinchamp
2067 - Mon trou à Clinchamp
2066 - Saint-Léonard-des-Bois
2065 - Les cloches de Clinchamp
2064 - Un épouvantail à Clinchamp
2063 - Les rêves de Clinchamp
2062 - Je suis raciste
2061 - L’injustice sociale ne me choque pas
2060 - Les femmes de Clinchamp
2059 - Les jours vides de Clinchamp
2058 - Une grand-mère
2057 - Clinchamp vers 1970
2056 - La femme de soixante ans
2055 - Sale temps à Clinchamp
2054 - Un grand voyage en forêt
2053 - L’ailé et l’aliéné
2052 - Souvenirs lointains
2051 - Domestication d’une greluche
2050 - Déprime à Clinchamp
2049 - L’amour à Clinchamp
2048 - Les Droits de l'Homme, c'est la négation de l'homme !
2047 - Les hivers de Clinchamp
2046 - Les chemins de Clinchamp
2045 - Seul au monde
2044 - Ne me parlez pas d’amour
2043 - Tristesse de l’été
2042 - Jour de fête à Clinchamp
2041 - Monsieur Lecon
2040 - Châtelain
2039 - Les ailes de Clinchamp
2038 - Tremblement de terre
2037 - Nuit d’amour
2036 - Pluie de joie à Clinchamp
2035 - Les gauchistes
2034 - Clinchamp sous les clartés lunaires
2033 - Henri d’Anselme, héros hétéro rétro
2032 - Les hirondelles
2031 - Retraite dans la forêt
2030 - Mon bosquet
2029 - L’or de Clinchamp
2028 - Sur le chemin
2027 - La souche
2026 - Clinchamp, ce voyage sans fin
2025 - Sardines à l’huile
2024 - Les fantômes
2023 - Le silence de la forêt
2022 - Les arbres
2021 - Les joies de Clinchamp
2020 - La merde républicaine
2019 - Les ailés
2018 - Les soirées de Clinchamp
2017 - Parasite
2016 - Clinchamp, les routes de l’ennui
2015 - Moi français, je déteste les migrants !
2014 - Répugnante
2013 - Les complotistes
2012 - Je déteste les livres de philosophie !
2011 - Le bossu de Clinchamp
2010 - La lumière de Clinchamp
2009 - Les crépuscules de Clinchamp
2008 - Les nuits à Clinchamp
2007 - Les aubes de Clinchamp
2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp
2005 - Les rats de Clinchamp
2004 - Les papillons de Clinchamp
2003 - Les richesses de la normalité
2002 - Le Rimbaud des bobos
2001 - Les vaches de Clinchamp
2000 - La folle de Clinchamp
1999 - Mon ego solaire
1998 - Vague Lune
1997 - Ma cabane à Clinchamp
1996 - Moi, IZARRA
1995 - Mais qui donc est Dardinel ?
1994 - La Dame Blanche de Clinchamp
1993 - Le Dalaï-Lama
1992 - Pluie à Clinchamp
1991 - Je suis sexiste
1990 - Les flammes du printemps
1989 - Le rustaud de Clinchamp
1988 - Les larmes d’Amsterdam
1987 - Clinchamp, terre d’envol
1986 - La Joconde de Clinchamp
1985 - Face cachée de Clinchamp
1984 - La clocharde de Clinchamp
1983 - Je suis un extraterrestre
1982 - Clinchamp sous les éclats de novembre
1981 - Clinchamp au bord des larmes
1980 - Les fantômes de Clinchamp
1979 - Les pissenlits de Clinchamp
1978 - Clinchamp : fin et commencement de tout
1977 - Amsterdam
1976 - J’habite sur la Lune
1975 - Secret de Lune
1974 - Les ailes de la Lune
1973 - Voir Clinchamp et sourire
1972 - La pierre et l’éther
1971 - Clinchamp, au bonheur des larmes
1970 - Clinchamp, mon dernier refuge
1969 - Croissant de Lune
1968 - Mais d’où vient donc la Lune ?
1967 - Lune lointaine
1966 - Lune éternelle
1965 - Sandrine, notre voisine
1964 - Rêve de Lune
1963 - Lune des rêves
1962 - La Lune dans le bleu
1961 - Lune ultime
1960 - Les tourmentés
1959 - Clinchamp, paradis des ombres
1958 - Lune absente
1957 - Je raffole des commérages !
1956 - Clinchamp : royaume des humbles
1955 - La Dame dans le ciel
1954 - Palmade : de la gloire au gouffre
1953 - Evasion
1952 - Tatouages, ces marques de faiblesse
1951 - L’égalité est un enfer !
1950 - Repas sur l’herbe à Clinchamp
1949 - Escale à Clinchamp
1948 - Beauté morbide de la Lune
1947 - J’ai dormi dehors à Clinchamp
1946 - Les humanitaires sont des parasites !
1945 - Sur les routes de Clinchamp
1944 - Une année à Clinchamp
1943 - Tristesse du printemps
1942 - Bulle de Terre
1941 - Jour de joie à Clinchamp
1940 - L’inconnu de Clinchamp
1939 - Le ciel de Clinchamp
1938 - Les éclats de Clinchamp
1937 - Le voyageur
1936 - Fête triste
1935 - Les antiracistes
1934 - Jean Messiha
1933 - Coeur gelé
1932 - Romantisme de pierre
1931 - La femme est sous mes pieds
1930 - Burcu Güneş, un air léger
1929 - Je déteste les pauvres !
1928 - Quand mon coeur s’allume
1927 - Intègre, entier, râpeux
1926 - Le cheval
1925 - Homme mauvais
1924 - Un trou sous le ciel
1923 - Hauteur de la Lune
1922 - Nulle part, là-bas, ailleurs
1921 - Belle Lune
1920 - Salades lunaires
1919 - Lettre à Reynouard
1918 - MARGUERITE OU L’HISTOIRE D’UNE VIEILLE FILLE
1917 - Récoltes lunaires
1916 - Je suis français de souche
1915 - Lune mortuaire
1914 - Clinchamp, cité des oubliés
1913 - Clinchamp, l’air de rien
1912 - Clinchamp, sommet du monde
1911 - La pollution, c’est la vie !
1910 - Seule au monde ?
1909 - Le Ciel et la Terre
1908 - Lune de haut vol
1907 - La Lune s’allume
1906 - Nuit sombre
1905 - Soupe de Lune
1904 - Puretés raciales
1903 - Lune-pizza
1902 - La grande question
1901 - Amiens
1900 - Pleur de Lune
1899 - Rêve d’amour
1898 - Vive le patriarcat !
1897 - La libellule
1896 - L’eau qui m’éclaire
1895 - Une question de clarté
1894 - La Lune dort
1893 - Les artifices du spirituel
1892 - Lune normale
1891 - Ni chauffage ni travail
1890 - Lune de fer
1889 - Molle Lune
1888 - Insensible aux malheurs des autres
1887 - Mon visage de vérité
1886 - Amante russe
1885 - J’écris
1884 - Lune martiale
1883 - Je suis un incapable
1882 - Lune creuse
1881 - 1975
1880 - L’éclat d’un fard
1879 - Amour impossible
1878 - Femme au foyer
1877 - L’esprit de la Lune
1876 - Ingérence féministe
1875 - Cratères lunaires
1874 - Lune d’effroi
1873 - Lune des chats
1872 - Les athées
1871 - Lune d’or
1870 - Lune carrée
1869 - Lune de miel
1868 - Folle lune
1867 - Jour de joie
1866 - SMARPHONES : abrutissement des masses
1865 - Sombre lune
1864 - Les mouches
1863 - Ma vie simple
1862 - Clinchamp, terre lointaine
1861 - Je suis un conservateur
1860 - Lune de glace
1859 - Le lac
1858 - Qu’est-ce que la beauté ?
1857 - Lune blanche
1856 - Lune de mer
1855 - Lune de feu
1854 - Présence immortelle
1853 - Surprenante Lune !
1852 - L’éclat de la Lune
1851 - Epis lunaires
1850 - L’autre Lune
1849 - L’amie des cheminées
1848 - Lune morte
1847 - Lune Parmentier
1846 - Lune fatale
1845 - Amour céleste
1844 - Grâces et disgrâces
1843 - Ma maison, c'est la Lune
1842 - Poids de la Lune
1841 - La morte visiteuse
1840 - Ma cabane sous la Lune
1839 - Bleu ciel
1838 - Histoire de lune
1837 - Suc de Turque
1836 - Stéphane Blet
1835 - Ciel bleu
1834 - Bonheur de rat
1833 - Redneck
1832 - Sur le rivage
1831 - Attraction lunaire
1830 - Je suis anti-féministe radical
1829 - Mais qui est-il ?
1828 - Je veux des frontières !
1827 - Les francs-maçons
1826 - Folies lunaires
1825 - Alunir, en un mot
1824 - “Comme ils disent”, chanson d’Aznavour
1823 - Lune tiède
1822 - Globe de rêve
1821 - Effroi
1820 - Vangelis
1819 - L’air de la Lune
1818 - La campagne
1817 - Lune tombale
1816 - Les cailloux
1815 - Je déteste Paris !
1814 - Boules de neige
1813 - Je n’ai pas peur
1812 - Parler vrai
1811 - Les hommes simples
1810 - Quand la Lune panse
1809 - Régine : extinction d’un feu
1808 - Morte veilleuse
1807 - Coeur de pierre
1806 - Noir
1805 - Mystère de la Lune
1804 - Jackson Pollock
1803 - En pleine lumière
1802 - Harmonie des sexes
1801 - Dix ans dans l’azur
1800 - Pluie d’avril
1799 - Le gueux
1798 - Les pommes de pin
1797 - Voyage vers la Lune
1796 - Mystère d’une nuit
1795 - Une lumière turque
1794 - Sans coeur et avec écorce
1793 - Envolé !
1792 - Galante ou l’abcès crevé
1791 - La lumière du Bosphore
1790 - Claude Monet
1789 - Rat aristocrate
1788 - Ukraine : sortez de vos ornières mentales !
1787 - Tranche de ciel et plumes de la Terre
1786 - Les sots écolos
1785 - L’astre turc
1784 - L’Ukraine, je m’en fous totalement !
1783 - Vive la guerre !
1782 - Réponses à un coatch
1781 - Droite pure
1780 - Vains hypersensibles
1779 - Mes valeurs vives
1778 - Le secret
1777 - Force et lumière
1776 - De l’herbe à l’aiguillon
1775 - Jusqu’à la mort
1774 - Zemmour et les journalistes de gauche
1773 - Dur et juste
1772 - La flamme et le marbre
1771 - Mon chat est mort
1770 - Les frères Bogdanoff
1769 - J’ai rêvé de Natacha
1768 - Technologie
1767 - Vers la Lune
1766 - C’était la guerre
1765 - La “tondue de Chartres”
1764 - Dans le métro
1763 - Naissance d’un virus
1762 - Zemmour est-il un de Gaulle ?
1761 - Je suis grand
1760 - Jour de gloire
1758 - Une muse du Bosphore
1758 - Je suis un extrémiste
1757 - Les éoliennes
1756 - Femme terminale
1755 - Autoportrait
1754 - Je suis un sanglier
1753 - Faux fou
1752 - Les affaires
1751 - Octobre
1750 - Le fantôme
1749 - Les écrivains
1748 - Sauvez la France !
1747 - Mes sentiments de pierre
1746 - Une araignée raconte
1745 - Un coeur clair
1744 - Phallocrate
1743 - Les vaches
1742 - Les faibles sont mauvais
1741 - Les sans-visage
1740 - Le trouillard de gauche
1739 - Léonard de Vinci enfant
1738 - Mes froideurs sublimes
1737 - Le romantisme, c’est la décadence
1736 - La Joconde
1735 - La tour Eiffel
1734 - Le Soleil
1733 - Une boule de mystère
1732 - Les masqués
1731 - Burcu Günes, l’or turc
1730 - Léa Désandre
1729 - Le père Dédé
1728 - “Blanc lumière” de Pollock
1727 - Les kikis et les cocos
1726 - Les funérailles de Belmondo
1725 - Pôle Sud
1724 - Vierge au mariage
1723 - La forêt
1722 - Le réveil des clochers
1721 - En septembre
1720 - Extraterrestre
1719 - Ni cagoule ni sérum
1718 - L’astre des morts
1717 - L’idéaliste
1716 - Un ange noir pour les Blancs ?
1715 - Trois heures du matin
1714 - Dur et vivant
1713 - Homme des bois
1712 - De flamme et de sang
1711 - Mes bas potentiels
1710 - Je suis un anti-progressiste
1709 - Eléonore et les Noirs
1708 - Eléonore et les Juifs
1707 - Une française
1706 - Femme d’idées
1705 - Joie de vivre
1704 - Auteur de rêves
1703 - Raison féminine
1702 - Vieillard
1701 - Face de France
1700 - 1789
1699 - Adieu, France
1698 - Célibataire
1697 - L’envers vert
1696 - Avant la chute
1695 - L’aube d’Ève
1694 - Amour raté
1693 - À vue d’homme
1692 - Le loup et l’agnelle
1691 - Têtes à corps
1690 - Trêve de la nuit
1689 - L’été
1688 - L’hiver
1687 - Les âmes de la forêt
1686 - Enfin libre !
1685 - Je vis sans masque
1684 - Enfants du monde
1328 - Je suis apolitique
115 - Le cygne
114 - Le spleen de Warloy-Baillon
113 - Les visiteurs
112 - La Lune
111 - L’amant des laides
110 - Mémoires d’un libertin
109 - Une existence de pompiste
108 - Lettre à mes amis des listes sur Internet