vendredi 7 novembre 2025

2450 - Mon fantôme

Venue des profondeurs de ma geôle, du fin fond de ma solitude, du plus noir de ma détresse, une présence me rend visite, très irrégulièrement.
 
Quand je me sens atrocement trop seul dans ce trou sans issue, en réalité dans ces moments de naufrage absolu je ne suis pas si abandonné que ça dans ma tombe de neuf mètres carrés : cette ombre inconnue prend soin de mon agonie.
 
Pour que je ne perde pas totalement la raison, ou plus précisément lorsque je suis déjà engagé sur le chemin de la folie, cette entité sans nom semble voler à mon secours. L'intruse s'introduit entre mes quatre murs afin de me rattraper en plein vol tandis que je suis en train de tomber. Elle me tient compagnie dans les ténèbres de ma cellule éclairée jours et nuits.
 
Pour le dire autrement, dans ces heures critiques où je sombre un ange m'ouvre ses bras, je crois bien.
 
Du moins j'interprète ainsi le phénomène, depuis mon point de vue personnel. Plutôt que d'avoir peur de cette mystérieuse manifestation, je préfère m'en faire une amie. Tant que ce drôle de spectre ne m'apporte aucun mal, autant percevoir cette affaire de manière positive. Jusqu'à maintenant je n'ai jamais eu à me plaindre de cette chose. Bien que cette apparition soit inexplicable, sa nature me paraît bonne de toute évidence.
 
Je n'ai nullement besoin de l'appeler, alors que je vacille et chois. Cet être dont je ne sais rien accourt de lui-même dans les minutes cruciales de ma vie de captif. Il fait diversion à ma misère, c'est là son essentielle fonction. Je le nomme "mon fantôme" faute de mieux, ne connaissant ni l'origine de cette figure qui n'est pas de notre monde ni sa véritable apparence, tout n'étant que ressentis éphémères et reflets furtifs autour de moi. Mais cet hôte étrange est bel et bien là, juste à mes côtés, je le vois avec les yeux de mon âme et le touche du bout de mes doigts. Il effleure mon visage, me souffle des mots indistincts au creux de l'oreille, me tend la main au coeur du gouffre.
 
Tout cela résonne comme une pure chimère, je ne l'ignore pas. Il me reste encore de la lucidité.

Parfois je me demande si finalement je ne suis tout simplement pas égaré dans des rêves qui ressemblent à des certitudes... Mais non, cette petite lueur dans l'obscurité existe réellement. Je ne puis me permettre d'en douter. La preuve, une fois que je retrouve la pièce définitivement vide, après que l'énigmatique esprit m'a escorté au bord de l'abîme, je me surprends à le chercher dans les moindres recoins de ma minuscule forteresse, palpant tel un dément les parois qui m'entourent, désespéré de le savoir déjà parti.

jeudi 6 novembre 2025

2449 - Hallucinations

L'enfermement sans espoir de sortie, les quatre coins de la cellule pour derniers horizons, les lumières qui ne s'éteignent jamais, les silences pétrifiants de la solitude que ponctuent les échos sinistres des couloirs, la compagnie définitive des immuables barreaux, au bout de quelques décennies tout cela peut provoquer chez le détenu d'incroyables hallucinations qu'il prendra soit pour des certitudes de fer, soit pour de simples fumées, selon l'état de son mental.
 
Chez les condamnés à de longues peines nul n'échappe, je crois, à ce phénomène. Peut-être terrifiant pour les uns, merveilleux pour les autres.
 
Plusieurs fois au cours de mon interminable détention, j'ai pour ma part été confronté à ces rêves quasi palpables que sont ces "visions carcérales". En ce qui me concerne, je les considère comme des images que l'on peut soit noircir, soit colorier. Chacun réagit en ce cas en fonction de la qualité de son âme.
 
A force de me sentir escorté par les murs statiques de ma geôle et de faire du sur-place sous le plafond qui pèse au-dessus de ma tête comme un couvercle de béton, je deviens tout bonnement fou. C'est dans ces moments-là que la porte de mon cloître de criminel se met soudainement à grincer doucement... Elle s'ouvre toute seule devant mes yeux incrédules. Et là, au lieu de voir normalement apparaître le décor sinistre du pénitencier, un immense champ de fleurs s'étend face à moi sous un azur éclatant.
 
Je suis au milieu de cette prairie baignée de clarté, entouré par les herbes sauvages. Au loin, des sommets neigeux se confondent avec la brume. Un printemps éternel semble régner sur cette nature.
 
Une brise fait onduler ces milliers de plantes multicolores, des oiseaux aux ailes majestueuses frôlent cette multitude florale, des papillons virevoltent de tiges en tiges et bientôt cet espace de verdure parsemé de bourgeons et de diamants vivants se transforme en une étendue sidérale peuplée d'autant d'étoiles radieuses...
 
Je me retrouve aussitôt sous un firmament plein d'étincelles.
 
J'ai conscience d'être plongé dans un mirage, d'en faire intimement partie-moi-même. Je sais pertinemment que je suis demeuré dans mon trou à rat et que tout cela n'est qu'artifice. Cependant je me laisse emporter avec délices par ce céleste mensonge. Je vole et m'évade, n'est-ce pas l'essentiel ? Je profite du voyage et ne pense à rien d'autre qu'à l'infini au sein duquel n'en finissent pas de briller les astres... Et où je me perds le temps d'un doux délire.

Je sais que je recouvrerai toujours bien trop vite mes esprits, allongé sur mon lit, rouvrant les paupières sous la lampe allumée de cette pièce qui me sert de tombeau permanent. Revenu à moi une fois ce beau théâtre virtuel terminé, la réalité de mon cauchemar de prisonnier reprendra le dessus.

mardi 4 novembre 2025

2448 - Je compte les jours

Ce qui est absurde dans ma situation sans issue, c'est que je me comporte comme s'il y en avait une.
 
Tandis que je suis prisonnier définitif des murs, dans ma tête je pousse une porte inexistante. Alors que je me trouve enfermé dans une interminable parenthèse de néant, dans un trou dont je ne sortirai jamais libre, seulement mort, je me surprends à compter quand même les jours qui se sont desséchés, usés, éteints dans ces ténèbres.
 
Aussi inutile que soit la chose, je mesure scrupuleusement les moindres parties de mon enfer, j'énumère chacun de mes pas effectué sur la route de mon malheur, je mets des chiffres clairs et rigoureux, et totalement vains, sur l'immensité de mon châtiment.
 
Chaque journée révolue est un naufrage répétitif qui s'ajoute au cataclysme de ma vie. Mais aussi un  minuscule soulagement. Et mon horizon peu à peu se précise. Je m'approche de la fin de mon monde avec une lenteur géologique.
 
Année après année, lustre après lustre, décennie après décennie, le temps qui me tourmente tant s'allège au fil de sa progression. Il tue mes heures de souffrance et d'ennui une à une, puis par dizaines, par centaines, par milliers, me promettant de moins en moins de lendemains à endurer. Il engrange quotidiennement du passé et, à la même vitesse, se vide du futur. Et ma peine s'abrège fatalement au rythme du Soleil qui se lève et se couche sur mon sort de misère.
 
Et je prends la main de Chronos, cheminant avec lui en direction du gouffre final de la tombe qui me libérera de toutes les pesanteurs carcérales.
 
En attendant, je dénombre les vagues de chagrin et les flots de tristesse de cet océan de nuit et de solitude qu'est ma cellule.
 
Je sombre à petit feu dans cette pièce unique dans laquelle je suis condamné à mourir. Les soirs y sont pour moi des glaces et les matins des brûlures.

J'attends que tout se termine entre les ombres et les flammes qui m'entourent.

dimanche 2 novembre 2025

2447 - Vie de flamme

Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy

Cette femme qui émerge de la lumière représente elle-même un vivant flambeau.
 
Elle ne brûle pas abstraitement au firmament des idéales conceptions comme si elle était hors de portée humaine, non. Elle brille réellement parmi nous. Elle ne met pas seulement le feu à notre siècle, elle y éclaire surtout les êtres. Elle ne repousse pas passagèrement les ténèbres, elle enflamme durablement la nuit de sa présence.
 
Qu'a-t-elle donc à montrer de si impérieux aux hommes, à clamer si haut sous le clair azur de la vérité, à souverainement enseigner au monde ?
 
Rien, ou du moins si peu de choses...
 
Juste l'évidence. Elle sort de son ciel pour rappeler cette loi essentielle, capitale, cruciale que tous les mortels connaissent de manière innée. Mais qui très souvent est si vite oubliée !
 
Une bagatelle qui passe pour une baliverne en notre époque de mensonges, de faux, de toc.
 
De son seul regard elle réveille les morts. Et de sa face radieuse fait sortir les fleurs de la Terre et fleurir le roc. Sa force consiste à exprimer le vrai, à dire le bon, à désigner le beau. Et à n'avoir de l'estime que pour ce qui restera toujours grand.
 
La braise salutaire qu'elle déverse sur les âmes saines est fatalement douloureuse. Tant mieux !
 
Cette flamme au visage de soleil n'incarne nullement les rêves insipides de ces chiots dévirilisés qui ont choisi de mener de pauvres vies édulcorées dans le confort des modes et l'ombre du néant.

Bien au contraire, elle reflète la gloire de ceux qui, intègres, entiers, incorruptibles et éclatants, plutôt que d'affadir leur existence dans les mollesses de la prudence et autres tiédeurs en vogue, préfèrent mêler aux roses de leurs jours ordinaires les exquises épines du véritable bonheur.

Elle déclare à ceux qui veulent l'entendre que pour être heureux il faut aussi aimer le malheur, faire bon accueil au printemps autant qu'à l'hiver, se chauffer aux étoiles comme à la cendre, boire le vin de fête au même titre que l'eau austère.

Là est la joie authentique des natures simples.

2446 - De vagues souvenirs

La réalité du "temps carcéral", comme disent pompeusement les psychologues qui ne savent rien dire d'autre, ressemble à un océan qui n'en finit pas de s'étendre et qu'il faut cependant traverser jour après jour, heure après heure, pas après pas. Vues du côté du détenu, ces années d'incarcération agissent pareil à un patient processus d'obscurcissement des pensées qui de déprimes en confusions efface certains souvenirs.
 
L'ombre définitive de la cellule, ou plus exactement son éclairage permanent, blanchit les vieux rêves, fait pâlir les anciennes passions, édulcore les images du passé. Les couleurs du bonheur révolu s'estompent, l'éclat des roses perdues devient une peinture fade, les visages tant aimés sous la lumière crue de l'été prennent les traits inexpressifs des masques ternis. Du fond de ma geôle, je revois une partie de ma vie sans plus aucun relief, délavée, refroidie.
 
Certes, des vestiges de ma jeunesse demeurent encore intacts, clairs et vivants dans ma tête. Mais beaucoup d'autres se sont envolés sous le poids des barreaux. Eloignés de moi depuis déjà bien longtemps, ils voguent désormais tels de vagues nuages au-dessus de mon trou de neuf mètres carrés. Ils restent en suspension dans une sphère quasi inaccessible, aux antipodes de mon quotidien de fer et béton.
 
Je ne me souviens que de formes informelles, de vents imprécis et de vaux voilés de brume, de chemins évasifs et d'horizons approximatifs.
 
Des flammes mourantes remontent en moi : je n'en perçois que des reflets incolores. La poussière de la prison ayant fini par recouvrir ma mémoire d'un tapis de grisaille, je vois à présent tout trouble. Ce qui fut jadis des mots de feu résonne maintenant entre mes quatre murs aussi pauvrement que des murmures. Les matins illuminés d'hier m'apparaissent aujourd'hui semblables à de tristes crépuscules. Les amis que j'enlaçais autrefois s'apparentent à des braises soit lointaines, soit éteintes. Le gouffre de l'interminable détention fait oublier les sommets de la liberté. 

Tout n'est qu'étoiles mortes dans mon ciel de solitude.

jeudi 30 octobre 2025

2445 - Les étoiles s'éloignent de moi

Je n'ai plus droit au grand théâtre des étoiles. Les nuits pour moi sont devenues des trous noirs, des ciels bouchés, des horizons de pures ténèbres. Seuls les projecteurs du pénitencier s'allument le soir pour m'éblouir. Mais pour me faire rêver, il ne me reste que mes souvenirs des constellations.
 
La vue sur l'infini, c'est terminé ! Depuis toutes ces années où je suis détenu, mon regard ne porte guère au-delà des épaisses parois qui m'encerclent. Et lorsque je veux prendre la mesure exacte de mon espace visuel, pour ne pas dire de mon supplice carcéral, il me suffit de m'approcher de la fenêtre de ma cellule afin de contempler les coulisses de ma misère.
 
Spectacle piteux d'une aire plane, vide, austère, cimentée de toutes parts que la pluie vient arroser de temps à autre.
 
Alors je me rends compte qu'une partie de la cour que j'entrevois entre les barreaux forme une seconde prison pour les yeux, au lieu d'une évasion pour l'âme. Quant aux "promenades", terme que je trouve tellement ironique, elles m'enferment plus qu'elles ne me font souffler véritablement. En réalité, sous une apparence ludique elles ne font que prolonger mon incarcération. Dans ces conditions tout prisonnier considère le strict minimum ou la moindre respiration pour un luxe. Et ma piètre liberté de cafard emmuré se résume à faire les cent pas sur le béton et à danser tristement sous les astres électriques qui éclairent les couloirs.
 
Si je souhaite réellement changer d'air, atteindre de vraies hauteurs, quitter la Terre, je le fais en m'échappant vers l'intérieur de moi-même. Je ne voyage loin qu'en traversant les murs, le corps statique mais l'esprit fulgurant, étendu sur mon lit, aux commandes de ma fusée cérébrale.
 
Je vogue dans les abysses du silence, parcours les étendues sans fin de mes pensées idéales, découvre des mondes merveilleux, étranges et incompréhensibles aux beautés inexprimables. Je m'enfonce progressivement dans les profondeurs invisibles enfouies en moi. Je me perds dans d'autres galaxies.

Lorsque mes paupières se rouvrent, je m'aperçois plus cruellement encore de la distance qui sépare ma geôle du firmament.

mardi 28 octobre 2025

2444 - Eclats de joie

Fort paradoxalement, lorsque je sombre au fond de mon enfer, noyé dans ma détresse, les choses peuvent parfois prendre une tournure radicalement céleste.
 
Tandis que je me laisse dévorer tout vif par le gouffre de ma cellule qui m'engloutit et me glace de désespoir, soudainement tout se rompt.
 
Dans le noir total de mon être, je ressens alors une joie pure inexplicable.
 
Une lumière extrême, une sensation inexprimable, un éblouissement de ma conscience. Dans ces instants de déprime absolue où plus rien de pire ne peux advenir que la plongée continuelle dans la sinistre réalité de ce trou où je pourris sur place, j'accède subitement aux sommets d'un bonheur indescriptible. Aucune cause apparente ou cachée pour que de manière fulgurante je sorte des ténèbres et me retrouve aussitôt à un point aussi élevé. Je ne comprends jamais ce qui m'arrive.
 
Peut-être une réaction de défense de mon âme écrasée de peine... C'est certes plausible, à moins qu'il y ait une autre raison. Je ne sais pas. Et peu importe d'ailleurs, le fait s'impose : quand je suis dans la nuit de ma fosse, aussi bas que possible, sans nul signe précurseur je décolle comme une fusée !
 
Et je me réveille immédiatement sur la Lune où tout brille et chante.
 
Sur le satellite ou ailleurs. Sur un monde étranger ou sous un soleil familier. La tête perdue dans les brumes d'un fol horizon avec les pieds toujours fermement posés sur le sol, quelle importance, après tout ? Que je me situe proche de l'astre lunaire ou bien que je demeure dans ma geôle, j'ignore où j'ai atterri finalement... 
 
Mais tout y est idéal, parfait, enchanteur.
 
Je ne souffre plus : larmes et pesanteurs s'éloignent de moi, ombres et tristesse disparaissent de mon coeur. J'oublie murs et barreaux et ne vois que le bleu d'un azur de rêve.
 
Puis la situation redevient normale, c’est-à-dire misérable.
 
Rares sont ces moments d'ardente félicité ponctuant mon calvaire d'incarcéré.

Je fais face ici à un vrai mystère.

lundi 27 octobre 2025

2443 - Je parle aux murs

Je n'ai pas de liberté sous mes pieds, pas de ciel au-dessus de ma tête, pas de femme à mes côtés. Mais j'ai des barreaux pour unique horizon et tout l'espace de ma cellule pour m'y plaire comme dans un gouffre. Il y a encore ces infranchissables ombres de ciment armé pour me tenir compagnie et il ne me reste plus qu'à leur parler pour que je me sente beaucoup plus proche de la solitude, aussi peu à l'aise que possible, davantage condamné.
 
Je désire tant la proximité d'une compagne de chair, d'une âme joyeuse, d'une chaleur féminine... Une étoile voisine avec qui faire deux. Mais il fait trop sombre ici, bien que les lumières soient allumées jour et nuit, et mon rêve de loup en cage se brise dans le noir. Il n'y a finalement que les quatre fidèles et immuables remparts de béton dressés autour de moi avec qui m'entretenir follement de flots et de flammes.
 
Je raconte ma misère à ces austères présences qui daignent m'entendre et qui me répondent même de leur auguste indifférence... Je me confie au plafond, au sol et à la porte de mon cloître de fer. Ces sinistres natures ont l'éloquence du néant. Elles me laissent sans voix, tandis qu'elles demeurent de marbre.
 
Ma raison chancelle, mes pensées s'égarent, mon coeur s'emballe... Je perds les pédales.
 
Je mets le feu à la glace qui m'accable. J'adresse des mots d'amour aux murs et les morts les reçoivent. Ou plutôt, j'émets des mots d'amour vers les morts et seuls les murs les comprennent. En réalité, je ne sais plus... Ils n'y a plus ni sens ni certitude. Juste l'écran de la démence où sont projetées mes illusions.
 
Quelques étincelles apparaissent alors dans les ténèbres. Et je crois voir des interlocuteurs. Ces aimables personnes qui m'envoient ainsi à la figure leurs meilleurs sentiments sont les barrières de métal à ma fenêtre, les fermetures d'acier et autres blocs de maçonnerie dont est faite ma geôle. Leurs paroles me touchent et me tuent.

Ce sont des êtres francs, droits, durs. Des amis de toujours. D'une rigidité absolue sur les principes de base, incapables de me trahir, ils écoutent mes maux infinis.

samedi 25 octobre 2025

2442 - La marche des matons

Ils entrent en scène à pas d'équidés, armés de leurs trousseaux de clés.
 
Avec leur air tantôt impassible, tantôt maussade, ils arborent en toute occasion des allures équestres.
 
La marche lugubre des matons dans les couloirs de la prison ne manquent cependant pas de prestance.
 
Tels des cerbères un tantinet guindés, ils investissent l'espace carcéral de leur présence de fer, le regard imperturbable, le verbe tranchant, le geste sûr.
 
Chevaliers de l'ordre établi, ils ont pour mission de garder les brebis galeuses dans leur clos aux barreaux d'acier. Leur office moral le plus crucial consiste à veiller à ce que les détenus demeurent dociles et, accessoirement, à ce qu'ils deviennent honnêtes.
 
Nobles et sinistres à la fois, vêtus de leur uniforme à la couleur unique d'un sombre azur, ils apportent avec eux la grisaille des matins de plomb et le crépuscule des journées d'amertume.
 
Leur rôle est d'empêcher le Soleil de la rue d'entrer impunément dans les cellules. Mais également de laisser le vent de la contestation souffler dans les âmes vicieuses et rebelles.
 
Pour ce qui est des idées de liberté, chaque prisonnier, qu'il soit bon ou qu'il soit mauvais, fait comme il veut sur ce point. Cela ne regarde nullement les agents. Ces derniers se moquent d'ailleurs parfaitement de savoir quel condamné s'érige en innocent et quel autre coupable se prétend blanc comme neige... L'essentiel est qu'ils détiennent le pouvoir d'ouvrir et de fermer en toute légitimité les portes de ces rêveurs ou de ces menteurs. Et non de lire dans la caboche de leurs hôtes aux pensées tordues.
 
Ils sont les maîtres de toutes ces ombres incarcérées dont ils ont la charge. Austères et impérieux, ils évoluent dans leur théâtre sévère, conscients de l’importance de leur tâche.

Ils vont et viennent en faisant claquer leurs semelles, passent et repassent de geôle en geôle, droits dans leurs bottes, bien décidés à tenir en échec les mauvaises volontés de l'engeance coffrée.

2441 - La sainte à l'air

Texte d'après un tableau du peintre Aldehy
 
Avec ses airs de sainte, ses yeux dans le vague et sa tête dans le ciel, l'ingénue à la gorge nue s'imagine élue aux nues.
 
Est-elle plongée dans de célestes états intérieurs ou bien simplement entourée d'azur ?
 
Ainsi ceinte d'éther, nimbée de nuages clairs, dans cette posture ambiguë se situe-t-elle dans le sacré ou dans le nacré ? Dans la pureté ou dans la vénusté ? Dans la vertu ou dans le dévêtu ?
 
Son visage est celui des statues, son corps celui des vestales.
 
Que fait-elle donc sous la lumière propice du jour et les regards obliques des loups et des boucs ?
 
Cette nature de béate aux lignes diaboliques serait-elle finalement une tentatrice qui s'ignore ? Et sans le vouloir, attiserait-elle des feux impies sur la Terre au lieu de faire neiger dans les cimes de l'esprit ?
 
Elle-même ne le sait peut-être pas, trop éblouie par les sommets auxquels elle aspire, étourdie comme une gourde par ses folles aspirations, égarée dans ses hauteurs totalement désincarnées.

Convaincue d'avoir des ailes blanches, cette belle poterie à l'âme si légère se prend pour un ange.

2440 - À l'ombre de ma vie

Je suis engagé dans un voyage d'une lenteur monacale aux promesses tombales.
 
Je séjourne dans l'ombre de jours d'ennui, m’enlise dans la lourdeur des mois sombres et mornes, suis plongé dans l'enfer d'une vie vouée à l'impasse, me dirige vers la mort d'années totalement stériles. C'est une marche sur une route de néant bordée par des montagnes de grisaille.
 
Jusqu'à ce que mon dernier souffle me délivre de ces chaînes de ma condition carcérale, aussi oppressantes que l'acier, je n'ai rien d'autre à espérer que le malheur. Tant dans les détails de mon quotidien banal de captif que dans les grandes lignes de mon sort inconcevable de condamné à perpétuité. Cela dit, il m'est tout de même possible, dans une certaine mesure, de remodeler un tant soit peu cette misère à ma convenance. Je puis produire quelques vagues de légèreté, de folie, d'évasion dans cette mer plate de cauchemar.
 
Ici dans ma cellule je vogue dans un gouffre, certes. Mais il me suffit d'avoir le courage et la force de prendre de la hauteur dans mon âme, d'arranger avantageusement mes pensées, de préparer mon coeur à de meilleures perspectives, pour que cette fosse noire devienne un sommet lumineux, un promontoire vers un monde qui s'ouvre au lieu de se fermer.
 
Ce n'est pas la simple et bête imagination qui m'aide à accéder à ces nuages de l'esprit, non. C'est bien mieux. Cet azur s'appelle la poésie.
 
Avec ce ciel que je porte dans ma tête, le trou de ce tombeau où je gis et respire tout à la fois ressemble alors pour moi à un vaste espace sidéral, à une immensité non pas d'enfermement mais de liberté.
 
Le vide, la solitude et le silence de la prison, à mes yeux prennent des allures d'expérience astronautique, comme une aventure spatiale idéale, aussi fabuleuse que vertigineuse... Et je m'enfonce loin dans les profondeurs cosmiques. Heureux. Oui, heureux. Ou du moins, ivre. Troublé non pas par des illusions, mais par de nouvelles réalités, par d'autres certitudes.
 
Même si l'escapade ne dure que le temps d'un rêve, je parviens à voir des étoiles dans ma nuit de reclus.

Avant de me réveiller ceint par les murs immuables de ma geôle.

jeudi 23 octobre 2025

2439 - Ma geôle sans sucre d'orge

L'emprisonnement est une chose, la privation d'étoiles en est une autre.
 
Du fond de ma cage, j'ai gardé en moi les appétits primaires et les ivresses légitimes de ma condition de bipède. J'ai conservé le goût des joies profanes et mes rêves de reclus sont exactement les mêmes que ceux des oiseaux en liberté.
 
A la différence près que mes passions grossières sont décuplées.
 
Eux picorent encore les fruits non pas sacrés mais simplement sucrés du monde des gens humbles et honnêtes, tandis qu'il ne me reste plus que les cailloux amers du châtiment à me mettre dans le bec.
 
Dans le clair azur de mes pensées de définitif enchaîné, brillent mes plus beaux péchés mignons d'hier, posés sur des nuages imaginaires en guise de présentoirs idéaux : gâteaux, pralines et crèmes de tous parfums...
 
Ces astres ne se sont jamais éteints sous l'effet funeste des barreaux, bien au contraire. Je n'ai rien oublié de leurs douceurs. Ces trésors gastronomiques ont redoublé d'éclat pour la raison précise que je ne puis plus y accéder. Aussi dérisoires et triviaux que soient ces régals aux yeux de certains repus blasés aux sens émoussés qui en jouissent quotidiennement sans les apprécier à leur juste valeur, peu m'importe : je les désire ardemment !
 
Je suis un humain et mes besoins ne sont pas ceux des dieux mais ceux de mes semblables. Ces gourmandises se situent désormais hors de ma portée et prennent par conséquent un prix quasi céleste.

Je n'ai pas l'âme d'un intellectuel, moi ! Et quand bien même... Sous prétexte qu'un homme est un grand philosophe très sérieux à barbe blanche et bardé de diplômes impressionnants, d'imbéciles censeurs lui nieraient le droit de continuer d'aimer faire fondre dans sa bouche les sucettes de son enfance ? Et au nom de quel principe absurde ?

Ce ne sont pas les livres qui me manquent prioritairement dans le vide de ma cellule, mais les pâtisseries, les caramels et les tablettes de chocolat au lait !

Mon calvaire de détenu consiste aussi dans le fait de devoir subir l'imposition de l'austère soupe carcérale.

mercredi 22 octobre 2025

2438 - Des ombres

Suis-je en train de perdre la raison ? Ou au contraire serais-je devenu accessible à des réalités cachées à force de demeurer en contact intime avec les murs de ma solitude, ici au coeur de ma cellule ?
 
Du fond de mon tombeau allumé en permanence (la nuit l'éclairage baisse juste un peu d'intensité), je vois parfois des reflets étranges, capte de temps en temps des phénomènes que je n'explique pas, perçois en certaines occasions des formes furtives échappant à toute analyse rationnelle. Comme si un monde invisible se manifestait à moi.
 
Tandis que je me trouve seul dans ma pièce de captivité, des choses singulières surviennent au sein même de mes neuf mètres carrés. L'ambiance change, je me laisse emporter vers un autre univers. Cela débute par une impression d'intrusion : des entités pénètrent ma sphère privée bornée par les barreaux. Elles envahissent l'espace étroit de ma geôle et s'y meuvent à leur aise. Je sens leur présence dans le silence qui m'entoure. Je n'ai pas vraiment peur, je suis surtout curieux de découvrir ce qui se passe, attentif à cet inconnu qui s'ouvre à moi.
 
Ces expériences se révèlent subtiles et très personnelles certes, elles sont cependant bien réelles, de mon point de vue. Rien de ce qui m'apparaît là ne ressemble à un rêve.
 
Des figures énigmatiques surgissent et s'animent au milieu de mon gouffre. Âmes indéterminées tournant follement en mon lieu de réclusion pour y apporter un peu de leur légèreté ? Esprits s'invitant dans mon trou d'oubli afin d'y meubler opportunément le vide de leur flamme ? Bien que cela semble paradoxal, ces natures brumeuses sont loin de dégager de sombres intentions. Il émane de ces visiteurs immatériels une douce clarté. Et ces intrus venus de je ne sais où, non contents de me tenir obscurément compagnie, m'adressent également des signes. Des messages que je cherche à déchiffrer.
 
Je ne comprends ni le pourquoi ni le comment de ces faits. Peu importe : ils se présentent à moi telle une certitude de fer. Aussi éclatants que des étincelles. Je ne doute nullement de leur existence.
 
Qui sont ces êtres ? Que me veulent-ils ? N'ayant aucune réponse, je me contente de l'essentiel : leur bienveillance me suffit.
 
J'ai affaire à un mystère, pas à de simples illusions. Des événements impossibles à prouver mais tellement prégnants !
 
Entre la banale démence et l'irruption d'un ailleurs, je penche pour la seconde hypothèse : bien que ces images prennent des apparences vagues, elles s'imposent de manière trop évidentes à ma conscience pour que je les relègue au rang de troubles de la pensée. Il serait facile et néanmoins malhonnête de tenter d'interpréter l'impalpable à travers un discours purement psychiatrique.
 
Cela bien sûr dépend des personnes, mais en ce qui me concerne je crois que le fait de vivre reclus pendant une longue période implique nécessairement des changements dans ma perception intérieure. Au départ je pense avoir assez de prédispositions pour que ces rencontres se réalisent. Ce qui n'est pas forcément le cas pour tous les détenus. Isolé dans mon antre de métal et de béton, et par conséquent de plus en plus introspectif, je m'évade non par l'extérieur mais en direction de mes profondeurs.

Et aux heures propices je deviens progressivement sensible aux secrets de l'intangible et finis par me mettre à l'écoute du calme tout autour de moi. Dans ces rares moments où la prison est plongée dans la torpeur, des têtes sortent de nulle part et parlent à ceux qui gardent les yeux ouverts.

Alors commence pour moi le grand théâtre des ombres.

mardi 21 octobre 2025

2437 - Les feuilles

Il est rare que des feuilles d'arbres venues de je ne sais où parviennent quasi miraculeusement jusqu'au bord de ma fenêtre. Les plans de verdure sont loin de l'établissement pénitentiaire, il y peu de végétation et beaucoup de béton tout autour de ces lieux sinistres où je suis détenu depuis tant d'années.
 
Il faut à chaque fois un concours d'heureuses circonstances pour que l'une d'elles, après s'être décrochée de sa branche sous l'effet d'un opportun coup de vent, s'envole assez haut et parcoure une importante distance dans les airs sans qu'aucun obstacle ne l'arrête...
 
Mais cela ne saurait suffire.
 
Ajoutons d'autres souffles célestes pour que cette fane monte et descende au gré des courants aériens, tourbillonnant éventuellement ici et là rien qu'au nom de la gratuite beauté de son essor, et vienne finalement se déposer tout près de moi en tournoyant une dernière fois, comme pour me saluer.
 
Tout en délicatesse. Juste au bon endroit... Là où il ne me reste plus qu'à la recueillir.
 
Je suis systématiquement étonné de découvrir une de ces visiteuses éphémères entre les barreaux de ma lucarne. Quels tortueux chemins ces furtives compagnes d'Éole ont-elles donc suivis, traversant tant d'espaces dans le ciel, allant et venant entre les toits ou bien à ras du sol, pour se rendre ensuite directement à mon domicile perpétuel afin de me présenter leurs subtils hommages ?
 
Elles effectuent en réalité un voyage extraordinaire plein de finesse dans la banalité grossière du quotidien. Leur incursion hasardeuse dans mon univers carcéral apparaît telle une mince affaire aux yeux des profanes, un événement insignifiant sans conséquence. Sauf que cette expédition aux apparences anodines recèle des enjeux impérissables, intemporels, universels. Ces messagères de l'inaccessible horizon, celui qui désormais se trouve hors de ma vue, sont chargées de légèreté, empreintes de poésie, marquées de leur lumière natale. Fraîches ou sèches, vives ou mortes, elles incarnent tous les miracles, le plus fameux d'entre eux étant de réussir à frapper doucement au carreau de ma cellule en se jouant et des lois et des murs.
 
Elles représentent bien peu de choses au premier abord, lorsque l'on les voit ainsi virevolter au-dessus de nos têtes... En vérité ces ambassadrices de la joie simple et de la liberté de mouvement sont engagées dans une grande cause : elles volent au secours de ma solitude.
 
Elles ressemblent à des petites fées, tantôt vertes, tantôt jaunes selon la saison, m'apportant au creux de leur aile unique toute la fraîcheur de leur monde végétal. Sur leur visage élégant j'y lis les meilleures intentions à mon égard.
 
Je les reçois avec bonheur dans un coin de ma prison, si proches de mes rêves.

lundi 20 octobre 2025

2436 - Quelle issue à mon chemin ?

Au cour de ma longue route derrière les barreaux, je ne croise que mon ombre, ne rencontre que les murs, ne parle qu'au silence. Mon voyage est une descente dans les gouffres glacés du temps anonyme, opaque et austère.
 
Entre moi et les gardiens tout est simple, net et efficace. Nous échangeons des mots basiques et courtois, communiquons des pensées neutres ou bien pragmatiques, partageons de furtifs instants de franche affabilité. Bref nous vivons en parfaite intelligence. Je prends constamment soin de maintenir une certaine distance qui permet précisément de ne jamais dévaluer ces relations cordiales à travers d'éventuelles familiarités. J'entretiens avec le personnel carcéral des rapports sereins et policés. Je crois que je suis apprécié au sein de l'établissement.
 
Ne faisant guère de vagues, je coule discrètement telle une onde morne enfermée dans son canal de ciment dont on sait qu'elle ne déviera pas de sa voie rectiligne.
 
Si je suis bien entouré en qui concerne les obligations quotidiennes, c'est toujours seul qu'il me faut traverser les funestes déserts séparant le midi de la libératrice soirée où tout recommence à bouger et bruire un peu autour de ma cellule.
 
Juste après le déjeuner, je me retrouve sans nulle compagnie jusqu'à l'heure vespérale. Les agents du pénitencier ne sont plus là pour apporter un peu de lumière. C'est là véritablement que commence la partie dure de ma peine. C'est dans cet espace mortel de ma vie que mon âme souffre réellement et intensément. Ou plutôt, qu'elle oublie de se sentir exister, fuyant vers un monde de néant pour mieux échapper à son triste sort, comme si elle tentait de n'avoir plus conscience d'elle-même. Il m'arrive de passer ce moment stérile en attendant bêtement le repas du soir, inutilement étendu sur mon lit à fixer le plafond, à l'écoute du vide, la tête pleine de plomb, de poussière et d'ennui.
 
Et j'avance ainsi pas à pas, sans sortir de mon trou. Je progresse peu à peu dans mon "immobilisme en action", tantôt chargé d'idées noires, tantôt délesté de tout encombrement intérieur. Je file sur mon chemin de condamné, lentement, à l'allure désespérante d'un interminable sur place. Je marche quand même. Vers un horizon plat peut-être, vers des années de ténèbres il est vrai, vers une mort assurée je ne peux le nier, mais au moins les jours m'emportent.
 
Mais je me meus, vaille que vaille.

Aussi peu que ce soit, je me dirige dans la bonne direction. Je traîne ma carcasse, je gagne du terrain, je poursuis mon destin. Même si je creuse ma tombe, je sais qu'au coeur de cet univers sombre et statique où j'ai tellement l'impression de ne rien faire, finalement je contribue involontairement, du fond de mon minuscule antre de rat, au progrès de la cause humaine imbriquée dans le vaste ordre cosmique.

dimanche 19 octobre 2025

2435 - Des ailes dans la nuit

A la saison chaude en pleine nuit des hôtes impromptus s'invitent parfois dans ma cellule.
 
Il s'agit de papillons nocturnes attirés par les lumières de ma geôle. Ils tournoient joyeusement autour des lampes en m'apportant en même temps l'air du dehors. Je les observe, pensif. En pénétrant dans cette prison pour y virevolter juste sous mon plafond, ils se retrouvent finalement captifs des ampoules électriques.
 
Leur fascination pour ces clartés artificielles finissent par les perdre. Au petit matin ils agonisent au sol, brûlés par ces feux factices qui demeurent allumés en permanence.
 
Trompés par ces leurres, ils viennent de loin pour mourir pitoyablement sous ces flammes impassibles. Séduits par les promesses de ces faux soleils, il ne subsiste bientôt plus rien d'eux que des corps épars aux ailes brisés.
 
Et moi je m'amuse à compter les morts. J'arbitre cette sempiternelle guerre, aussi vieille que le monde, entre les noctuidés et les chandelles. Un combat inégal où les assaillants restent systématiquement sur le carreau. Conquérants de chimères qui depuis le début de la Création, succombent à leurs faiblesses. Innocentes victimes de leur idéalisme qui cherchent des fleurs et ne trouvent que des braises... Naïves natures volantes tuées par des simples mirages.
 
Le drame est à la mesure de mon univers étriqué.
 
Douce folie des passions obscures logées dans ces coeurs minuscules et qui se heurtent au mur gigantesque et inébranlable d'une réalité de pierre... Sort cruel de ces pauvres créatures ailées qui tombent une à une pour avoir tenté avec ces astres illusoires la grande aventure de la vie, de l'amour et du Cosmos...
 
Leur voyage se termine invariablement plus bas que terre, là dans ce trou où moi-même je croupis. Un peu comme si nous partagions le même destin.

Elles gisent à mes pieds. Leur histoire est finie.

Les restes de ces intrus venus du ciel disparaîtront dans la fange de mes toilettes.

samedi 18 octobre 2025

2434 - Éclat d'ange

(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)

Ses ailes sont des flammes et ses pensées volent dans l'azur. Sa face pure reflète le ciel et sa lyre brille comme un feu stellaire.
 
Depuis son sommet d'éther, l'ange se penche vers les humains de la Terre et ne voit que les lourdeurs et viles passions qui les retiennent si bas. Il s'en désole et s'en amuse en même temps. Il sait que la tempête de son passage leur fera bientôt lever les yeux plus haut que le toit où sont fixées leurs satanées antennes paraboliques. Ces lourdauds à la vue épaisse plongés dans leur univers virtuel sont loin d'imaginer ce qui les attend... Mais il est l'heure de répandre la braise céleste sur cette vaste étable de bovidés obèses !
 
Malicieux, il souffle toute son intelligence sur leur royaume de petitesses : au son de ses cordes et avec ses mots inspirés, il répand soudainement l'air de la poésie sur leur monde prosaïque, chassant les brumes et les ombres de leur quotidien d'engraissés repus.
 
Il chante sans fausse note les beautés de la Création, déverse des étoiles sur leur fange, ajoute des étincelles à leurs rêves ternes, apporte de la légèreté à leurs semelles lestées de lard. Et ce, afin de faire triompher en eux la lumière de l'esprit à la place des pâles clartés de leurs écrans étriqués.
 
Sa voix qui descend jusqu'à leurs oreilles de cochons débouche leurs âmes encrassées !
 
Ce chant miraculeux sortant de ses lèvres suprêmes les réveille enfin de leur torpeur : c'est tout simplement la musique du vent d'automne dans les feuilles. La ville s'est éteinte suite à une panne électrique.

Il ne leur reste plus que le réel pour s'émerveiller.

2433 - Le temps me tue

Le temps n'existe pour moi que pour se consumer dans la solitude de ma cellule. Il passe et meurt sur ma vie perdue.
 
Comme ces bulles d'air vouées au néant remontant du fond des marécages, mes journées ternes et creuses d'âme stagnante n'intéressent personne.
 
Les jours de mon existence de détenu naissent tristement le matin et s'éteignent bêtement le soir. Tous semblables, anonymes, pleins de grisaille, ils remplissent invariablement ma réalité de leur inutile pesanteur. Avec eux l'effroyable aventure de l'ennui est assurée et mon sort scellé à jamais.
 
Ces grandes ombres composées de vingt-quatre plombes m'engloutissent trois-cent-soixante-cinq fois par an dans un gouffre dénué de surprise : je sais que cette impasse de longue durée me mènera, sans dévier une seule fois, directement dans ma tombe. A chaque aube qui se lève, j'entreprends une expédition vers un nulle part lointain, un ailleurs bouché, un horizon barré.
 
Le pire de tous voyages.
 
Mon quotidien aux promesses de morne calvaire me tue sans bruit. J'effectue une marche interminable sur un chemin de crachin. J'avale le poison lent des heures mortes avec la régularité des horaires carcérales. Même le pauvre hère égaré, totalement esseulé dans son monde de froid et de pluie, a plus de perspectives que moi : il ignore l'issue de sa route et peut se permettre de s'attendre à de potentiels virages, à d'éventuels sommets, à de possibles rencontres, tandis que je connais mon destin à l'avance : condamné à la routine.

Privé d'imprévu, avec l'interdiction de tourner et dans l'obligation de suivre une ligne droite, je me dirige pas à pas, année après année, en direction du trou final qu'est en train de creuser la pierre écrasante des lendemains vides de joie.

vendredi 17 octobre 2025

2432 - Les flammes du silence

En réalité le silence de ma réclusion est rompu, pour ne pas dire rythmé, par les tapages de couloirs et divers bruits de routines. Ma solitude ne me pèse pas de manière linéaire et permanente mais se fractionne sur toute la journée. Elle ressemble à une multitude de petits trous quotidiens où j'entre et je sors au gré des horaires de services, des régulières obligations et passages des matons.
 
Je peux être plongé des heures durant dans un gouffre de mortelle pétrification et me réveiller dans un fracas d'alarmes, de claquements de portes, de hurlements... Ou bien émerger simplement de ma torpeur en raison du heurt discret de la trappe qui s'ouvre, me signalant l'arrivée du repas.
 
Entre les rondes des gardiens et les concerts de bêtes des autres détenus, en vérité la prison s'apparente à un cloître monacal plein de vacarme. Les surveillants et leurs hôtes s'y côtoient toute l'année, tantôt en bonne intelligence du côté des agents, tantôt dans les flammes contenues des passions les plus rances du côté des condamnés.
 
Ces deux parties de la population carcérale s'opposent foncièrement. : le bien en uniforme, le mal derrière les barreaux. L'atmosphère du pénitencier demeure plus ou moins austère et sereine. En ce lieu de tous les feux couvants et éventuelles éruptions, règne une autorité forte censée contribuer au maintient d'une relative quiétude. Ce qui n'empêche évidemment pas les tentions et explosions...
 
Les geôliers travaillent, les prisonniers s'évadent.
 
Les premiers sont des cerbères aux pas de fer et aux gestes de forgerons, les seconds des mauvaises têtes aux coeurs de loups. Il faut bien faire tenir debout ce difficile et sévère édifice où triomphe l'esprit de justice. 

En ces lieux se joue le dur mais nécessaire théâtre de la rédemption humaine. Et dans les coulisses débordent fatalement ses dramatiques souffrances...

Le mutisme des murs qui veillent sur ma vie d'inhumé, allié aux clameurs inutiles des reclus, ne forme qu'un interminable sanglot qui ne dit pas son nom.

jeudi 16 octobre 2025

2431 - Plus de Lune

Les nuits de clairs de lune mon ciel est toujours le même : il m'apparaît invariablement comme un espace pétrifié. Les projecteurs de la prison m'empêchant d'apercevoir les astres à travers ma fenêtre, il n'y a jamais l'ombre d'une nouveauté qui brille au-dessus de ma tête. Lorsque je dirige mon regard vers les étoiles, je n'y vois que du feu. Le firmament depuis ma cellule se résume à une couverture de lumière artificielle, totalement opaque. Seuls les puissants éclairages sécuritaires de l'enceinte carcérale m'éblouissent.
 
Et il ne me reste plus qu'à imaginer celle qui fut la reine de mes joies nocturnes. En guise de sphère lunaire, je n'ai que ma mine terne à contempler dans le miroir. Ce pauvre visage éteint que je fixe inutilement, dernier reflet sans flamme de ce que je suis devenu, ne me dit vraiment rien qui vaille... Mon air triste n'a pas cette beauté mélancolique si particulière au satellite quand il rayonne au zénith.
 
Je sais que cette chandelle céleste vogue là dans les nues, splendide, radieuse, si haut dans ses sommets éthériques, tandis que je me morfonds entre mes âpres murs... Elle demeure invisible à mes yeux mais  elle est bien présente pourtant. Avec sa clarté désormais effacée par les spots du pénitentiaire, je la perçois aujourd'hui de manière lointaine, abstraite et incertaine, malheureusement. Sa compagnie, purement théorique à présent que sa pâle lueur ne me parvient plus, rend ma solitude plus profonde encore. Elle a disparu de mon champ de vision, elle que j'aimais tant, du temps de ma liberté.
 
Je ne la retrouve qu'en rêve. Follement idéalisée, peut-être. Irréelle, autrement vivante, moins éloignée ou davantage lumineuse qu'elle n'est en réalité... J'ai peur d'en oublier son immuable simplicité, son calme mystère, sa tranquille nature.

Elle émerge de l'infini, belle, éternelle, inchangée, hors de ma ma vue cependant, alors qu'au fond de mon trou noir, le coeur plein de son souvenir, je ne pense qu'à sa face perdue.

mercredi 15 octobre 2025

2430 - Un jour de plus

Ma sanction pénale n'est pas que la normale rétribution de mes actes mauvais. Elle est aussi un calvaire, une misère, une agonie.
 
Elle n'en finit pas de se poursuivre, de durer, de persister et de m'entraîner dans son sillage sans fin. Elle est un long chemin bien droit constitué de vide, bordé d'ennui et ne menant nulle part ailleurs que vers la mort.
 
Cette satanée peine que je mérite, je la purge et elle me consume stérilement. Je la bois à petites gorgées et elle m'étouffe à feu doux, m'use lentement, m'épuise progressivement, m'achève en faisant traîner les choses...
 
Je la paye au prix fort et elle me rend de la fausse monnaie. Elle me coûte cher en vérité : je lui consacre toute ma vie et elle, prenant tout son temps, marchant à son rythme, en échange ne s'occupe que de la ralentir et de la vouer au néant, dévaluant et mon existence et ma personne.
 
Elle prolonge inutilement mes journées, dénuées de valeur, passées à tourner en rond autour des heures vaines.
 
Chaque jour perdu à m'éteindre dans ma cellule est un pas de gagné vers la tombe.
 
Ma libération ne se fera qu'en cette unique et ultime direction. Mon seul et dernier horizon, au-delà des simples barreaux d'acier, plus loin que cet interminable voyage statique entre les murs mutiques de ma geôle, se résume à ce point suprême et définitif.
 
Cette porte de sortie sera mon gouffre ou mon sommet. Mais par cette issue seulement je m'évaderai enfin. Et pour toujours. En attendant, je dois tuer les multiples secondes, les innombrables minutes, les milliers d'instants et même les siècles contenus entre chacun des matins et soirs de mon enfermement.
 
Trois-cent-soixante-cinq fois par an, il me faut recommencer les même épreuves et monotonies, suivre la routine et l'adopter comme un juste châtiment, accepter mon malheur pour qu'il se remplisse de sens.

Je souffre et je pleure, il ne reste que le silence pour entendre mes gémissements. Mais je crois que cela ne regarde que moi, finalement.

mardi 14 octobre 2025

2429 - Mes rêves

Quand je suis dans mes rêves, je me lève le matin avec des ailes dans le dos. Je m'envole alors de mon lit avec des légèretés de papillon.
 
Mes semelles me portant subitement vers tous les horizons, je prends tout simplement la direction du vent qui vient sans me poser de question, plein de lumière dans les poches et autant d'azur dans la tête. Il ne me reste plus qu'à suivre le chemin lumineux que me montre mon coeur : ce dernier balance entre les fleurs et les étoiles. Vous pensez bien que mon choix est vite fait ! Je me précipite les yeux fermés vers l'un ou vers l'autre, certain d'arriver à bon port.
 
Et j'atterris à chaque fois plus loin que ce qu'imaginent ces sots qui m'entourent. Au-delà des frontières banales et attendues de mes frères humains imbéciles, grossiers, obèses et vulgaires.
 
Mon ciel de liberté n'a aucun rapport avec leur boue de bêtes à deux pattes. Moi je monte et plane dans l'éther des âmes supérieures. Je chante non pas le vin, l'or ou les vaines gloires de ce siècle, mais l'immensité des océans cosmiques, la hauteur des mondes intérieurs, la beauté des réalités impalpables.
 
La poésie m'appelle, me brûle, m'éclaire. Elle me fait ouvrir les portes, briser les barreaux, sortir de mon trou, voyager, rire et pleurer.
 
Les autres dorment.
 
Ils habitent sur Terre, au bord des rivières, au sommet de tours, au milieu des cités ou bien entre mer et montagnes et demeurent pourtant dans leur prison mentale. Certes, ils peuvent aller et venir où bon leur semble. Mais en traînant des enclumes dans leur esprit. Leur bonheur est purement matériel, temporel, borné à leur vue prosaïque.
 
Le mien ne se mesure pas.

Et lorsque après avoir atteint le firmament des élus je reviens de si haut, oubliant le poids des heures et l’épaisseur des murs, étendu sur ma couche je crois voir passer des nuages en formes de château céleste ou de cheval au galop sur le plafond de ma cellule.

lundi 13 octobre 2025

2428 - Une journée ordinaire

L'aube se lève, l'ampoule électrique de ma cellule reste allumée.
 
En aucun cas elle ne s'éteint. Jusqu'à ma mort dans cette pièce elle éclairera ma vie de misère de sa lumière implacable. Et veillera même sur mon cadavre jusqu'au bout de mon chemin de reclus avant que les gardiens ne l'ensevelissent dans une terre d'oubli.
 
Les couloirs de la prison s'animent et se pétrifient tout à la fois : des grilles s'ouvrent dans des bruits de clé et se referment en claquant. La ruche des taulards commence à résonner des multiples éclats de bonnes et mauvaises humeurs. Les clameurs matinales des détenus se joignent aux heurts métalliques des systèmes de sécurité. Dans un concert plus ou moins joyeux ou plus ou moins déprimant, selon les différents points de vue...
 
Vérification des alarmes, contrôles humains et surveillance à distance des captifs, tout est consciencieusement passé en revue, rien n'est laissé au hasard. Dans cet enfer pénitentiaire, pas de place pour l'imprévu. Pas le moindre mouvement de cil n'échappe à la vigilance de l'autorité carcérale.
 
Les prisonniers se réveillent, leurs cerbères ne s'endorment jamais.
 
Les voix rauques des hommes qui se mêlent aux échos neutres et aseptisés des appareils électroniques confèrent à ce théâtre attristant des allures antiques, anachroniques, intemporelles, les chaînes de jadis étant simplement remplacées par les dispositifs sophistiqués de notre époque.
 
L'Humanité ne change guère dans ses fondements.
 
Et ce cirque des enfermés, cette ronde des enchaînés, cette chorégraphie des emmurés pour moi dure depuis vingt ans, cinq décennies, un siècle, bientôt mille années il me semble.
 
Chaque condamné demeure en permanence sous l'oeil des matons comme des caméras.
 
Certains patientent bêtement jusqu'à l'heure du prochain repas, quelques-uns espèrent vainement s'évader, d'autres s'occupent avec fruit, et parmi ces pauvres mortels il y en a qui pensent au ciel, au bonheur, à l'amour... Chacun vit sa réclusion à sa façon, conformément à sa nature et à sa qualité d'âme.

En ce qui me concerne, comme tous les jours, j'attends que la fin du monde vienne toquer à ma porte.

2427 - Reine d'un monde

(Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy)
 
Le monde est à ses pieds.
 
Son royaume s'étend vers les quatre horizons, dans le passé, le présent et le futur. Rien ni personne ne contredit son autorité et tout est bon et beau sous le ciel qui l'a vu naître.
 
Elle règne comme un soleil au sommet de sa gloire, veillant sur les hommes et leurs oeuvres.
 
Elle brille aux yeux de tous, tel un astre incontesté.
 
Incarnant divinement son peuple, elle l'aime, l'éclaire, le guide.
 
Depuis son trône, la souveraine pose son regard de marbre sur chaque tête. La terre est saine, les affaires prospèrent et les âmes sont en paix. Et tout est en ordre dans le siècle.
 
Les hôtes des nues l'applaudissent, ses sujets lui rendent grâces.
 
Elle a son nom gravé dans le firmament.

Longue vie à la reine !

dimanche 12 octobre 2025

2426 - La pluie

Depuis ma cellule où je suis censé me faner, me fossiliser et disparaître peu à peu, la pluie devient un spectacle à part entière, un passe-temps la fois anodin et merveilleux qui vaut un feu de cheminée, un théâtre grandeur nature où se joue un des grands numéros de la Création.
 
Là, au seuil de ma fenêtre de reclus à perpétuité, l'onde qui mollement tombe sur le sol de la cour, loin de m'ennuyer ou de me désespérer, me berce et m'apaise. Ces flots de mélancolie s'abattant sur le monde me font voyager dans un univers qui pourrait paraître banal au premier abord. En réalité ce qui se passe dehors s'avère prodigieux : l'humidité du ciel rejoint les germes de la terre pour une union féconde.
 
Je me projette alors dans cet océan aérien plein de fraîcheur. Je vogue dans cet espace où dans le mystère des hauteurs la légèreté croise la fluidité pour se transformer en une vaste averse. L'eau se déverse des toits de la prison et se répand sur le ciment pour y former d'amples flaques. J'essaie d'apercevoir les nuées à travers leur reflet..
 
Le chant régulier et monocorde de la douche céleste m'emporte sur ses ailes mouillées.
 
Les mains posées sur les barreaux, je contemple à l'extérieur la morne féerie des éléments. Et je vois les heures filer une à une devant moi, mais cette fois avec le poids du temps perdu en moins. C'est toujours cela de gagné : un peu de grâce venue soulager la lourdeur de ma condition...
 
Mon âme s'envole vers les nuages, je me trouve hors de ma geôle, m'imaginant à présent avoir les pieds dans la flotte.
 
Mais bientôt la douce illusion ne m'enchante plus.
 
Je demeure bien au sec en vérité derrière ces murs où je commence à sangloter. Maintenant je ne regarde plus que le vide.

Seuls mes yeux sont trempés.

samedi 11 octobre 2025

2425 - Je perds pied

Voilà plus d'une décennie que le temps m'écrase dans cet espace sans espoir de neuf mètres carrés. Je suis comme un papillon enfermé dans une forteresse. Mes ailes caressent inutilement les murs de béton. Les barreaux d'acier brisent toute joie en moi. Nulle chair vivante sur Terre ne serait capable de rompre cette barrière de métal, de fissurer ces parois invincibles, d'ébranler cette porte inviolable. Les remparts qui m'entourent forment un océan intraversable, des montagnes de glace, des gouffres de lave. Bien au-delà des conceptions humaines.
 
La distance est incommensurable entre la tristesse de ma cellule et l'air libre.
 
Jamais je ne sortirai de cette pièce à la densité d'enclume où je gis et gémis. Mes pensées de feu s'y enracinent et s'y égarent, ma raison chancelle, tout m'échappe, je perds pied, mes rêves deviennent de plus en plus vagues, ma vue s'alourdit et j'entends des pierres qui parlent, sens des doigts de fer se poser sur mes lèvres, vois une ombre immense se dresser face à moi, aperçois un horizon morne qui m'ouvre ses bras pleins de brume pour, sans un mot, m'inviter à une mort lente...
 
Je me retrouve loin de moi-même, au bout de tous les chemins, en bas de l'impossible escalier, au point culminant de l'inimaginable vertige. La folie qui me prend me semble ordonnée selon des normes extravagantes qui dépassent les bornes matérielles de ma geôle. Si bien que, ivre d'obscurité et avide de flammes, emporté par ma fièvre, je puis soudainement m'extraire de cette prison et m'envoler vers des réalités autres, hautes, claires.
 
Et je ne sais plus où je suis finalement arrivé : au sommet de ce que j'espère ou bien au pied de ce que je redoute ? Près d'un but ultime ou au fond d'un éternel et absurde recommencement ? Devant un début d'infini libérateur ou plongé dans une fin du monde à échelle de mon cloître immuable et de mon lit scellé ? Ma démence sera-t-elle mon refuge ou mon enfer ? Ma fuite ou ma dérive ? Ma barque d'évasion ou mon radeau de naufrage ? Mon voyage ou mon errance ? Mon salut ou ma ruine ?
 
Le tumulte routinier du matin me réveille, il est déjà sept heures !
 
Reprenant mes esprits, je me lève en oubliant ces mauvaises herbes de la nuit. Une nouvelle journée m'attend. Peut-être entreverrai-je par la fenêtre une moindre fleur accrochée au ciment.

Avant que le soir ne revienne m'étourdir de ses coups sourds et confus cauchemars...

vendredi 10 octobre 2025

2424 - Un oiseau à ma fenêtre

Parfois les événements surviennent du mauvais côté, les circonstances sont malvenues et les histoires  qui en résultent tombent mal.
 
Qu'avais-je besoin de la présence de cet intrus venu se poser sur un des barreaux de ma fenêtre ?
 
Comme si le quotidien de ma réclusion, à ce même moment, ne se trouvait pas déjà suffisamment chargé par d'autres petits riens pour m'occuper avantageusement l'esprit... Pour une fois -fait assez rare pour être relevé- je n'avais aucun temps à consacrer à ce genre de futilité. Pour ne pas dire "à perdre" avec ce volatile. Quel paradoxe dans ma condition de détenu !
 
Certains jours, en effet, les heures ont heureusement moins de poids sur moi : elles deviennent beaucoup plus légères et défilent à mon insu, elles passent sans que je m'en aperçoive tandis que je m'affaire à des tâches domestiques, à diverses bricoles ou à de menues distractions. Et c'est cette occasion précise que choisit cet animal pour me rendre visite, alors que je n'avais vraiment pas la tête à cela...
 
Dans mon cas bien des imbéciles auraient vu à travers ce vulgaire piaf un symbole fort, un signe salutaire à interpréter naïvement, cherché une explication extraordinaire aussi ridicule qu'alambiquée pour expliquer un phénomène aussi banal et dérisoire.
 
Je ne me laissai pas séduire par si peu de chose. Moi je ne percevais qu'un commun moineau au plumage terne me rappelant toute la grisaille de mon environnement carcéral. Pas de quoi faire un poème de cet expert en piaillements !
 
Je suppose que ce piètre oiseau était simplement en quête de pitance, habitué à l'animation de la cour de la prison et donc peu effarouchée par les humains.
 
Il me fixait bêtement en sautillant sur la barre d'acier. Que lorgnait-il donc si assidûment ? Les miettes de pain sur le sol de ma cellule ? Je n'avais de toute façon que mon indifférence blasée à lui offrir. Nulle envie en moi d'apprivoiser ce messager du vide et de l'ennui.
 
Il s'envola bien vite.

Je crois bien que ce matin-là les étoiles furent déçues.

jeudi 9 octobre 2025

2423 - L'évadé

Ca devait arriver, depuis tant d'années que je séjourne dans cette caisse de résonance du néant où rien d'autre ne se passe que la stagnation des heures de plomb... La nouvelle fait l'effet d'un coup de matraque sur un dormeur : un prisonnier s'est évadé !
 
L'impensable a donc eu lieu. La hantise des geôliers et le rêve de leurs hôtes... Ces derniers d'ailleurs manifestent leur contentement par des cris joyeux accompagnés de tapages de singes hystériques, tapant des pieds contre les portes et improvisant des concerts de percussion sur les barreaux
 
La prison entière est en effervescence. Les gardiens, nerveux, redoublent de vigilance et le reste du personnel fait du zèle. Les détenus ayant le privilège de sortir de leur cellule y sont maintenus confinés, les alarmes ne cessent de résonner au sein de l'établissement et des bruits de toutes sortes emplissent les couloirs.
 
Je crois bien que je dois être le seul à demeurer de marbre face à ce cirque.
 
L'évasion de cet individu me laisse totalement indifférent, pour ma part. Je ne participe évidemment pas à l'allégresse générale de mes frères d'infortune avec qui je partage le même sort mais dont je me tiens le plus loin possible en vérité. Je n'éprouve pas de compassion particulière à l'égard de cette engeance de malfaiteurs, n'ayant ni l'honneur ni la fierté d'appartenir à leur monde de crapules. Certes, il est vrai que j'en fus une moi aussi avant d'entrer dans ce pénitencier, mais j'ai aujourd'hui trouvé maintes raisons pour renier ce passé douteux.
 
Leurs réactions aussi stupides que stériles ne m'apparaissent en aucune façon comme les signes d'une quelconque repentance. Soyons réalistes et jugeons froidement les choses telle qu'elles sont : ces hommes se réjouissent que l'un des leurs, un criminel potentiellement dangereux pour la société, soit retourné dans la communauté des gens honnêtes afin d'y poursuivre ses oeuvres répréhensibles. Bien sûr il y a l'heureuse possibilité que ce fuyard devienne un sujet exemplaire une fois devenu libre, rompant radicalement avec sa funeste existence de malfrat, mais cela se voit rarement dans la réalité...
 
Où est la cohérence de ces prétendus repentis là-dedans, attendu qu'ils sont plus ou moins censés (officiellement en tout cas) regretter les actes les ayant conduits à l'ombre ? Quelques-unes de ces oies blanches revendiquées clament même haut et fort, en dépit de tout bon sens, être des victimes du système parfaitement "innocentes"... Preuve de leur incommensurable bêtise et de leur incorrigibilité.
 
Pourquoi devrais-je me sentir solidaire de ces âmes médiocres fêtant le triomphe du vice et non celui de la vertu ? Sous prétexte que je mange leur nécessaire pain carcéral, il faudrait que j'avale également le vin superflu de leur vile ivresse ? J'accepte d'être leur égal dans le châtiment, pas leur complice dans la fuite des responsabilités.
 
L’affaire du fugitif remuera la fourmilière jusqu'au soir.

Moi pendant ce temps d'affolement, impassible sur mon lit, je dors.

Liste des textes

2450 - Mon fantôme
2449 - Hallucinations
2448 - Je compte les jours
2447 - Vie de flamme
2446 - De vagues souvenirs
2445 - Les étoiles s’éloignent de moi
2444 - Eclats de joie
2443 - Je parle aux murs
2442 - La marche des matons
2441 - Sainte à l’air
2440 - À l’ombre de ma vie
2439 - Ma geôle sans sucre d’orge
2438 - Des ombres
2437 - Les feuilles
2436 - Quelle issue à mon chemin ?
2435 - Des ailes dans la nuit
2434 - Éclat d’ange
2433 - Le temps me tue
2432 - Les flammes du silence
2431 - Plus de Lune
2430 - Un jour de plus
2429 - Mes rêves
2428 - Une journée ordinaire
2427 - Reine d’un monde
2426 - La pluie
2425 - Je perds pied
2424 - Un oiseau à ma fenêtre
2423 - L’évadé
2422 - Les barreaux
2421 - Eclats et monotonie de la prison
2420 - Les clés
2419 - Espérance
2418 - A travers la fenêtre
2417 - Les années passent
2416 - Une lettre mystérieuse
2415 - Le psychologue
2414 - La douche
2413 - Je tourne en rond
2412 - L’anniversaire
2411 - Quelques visites
2410 - Insomnies
2409 - La promenade
2408 - Mes repas
2407 - Mon lit
2406 - Les printemps
2405 - Solitude de fer
2404 - L’ennui
2403 - Tête de taulard
2402 - La fouille
2401 - Passe-temp
2400 - Les gens libres
2399 - Prière
2398 - Les heures
2397 - La mouche
2396 - La porte
2395 - Le plafond
2394 - Nulle compagnie
2393 - Bientôt fou ?
2392 - Départ
2391 - Mes geôliers
2390 - L’enfermement
2389 - Quatre murs
2388 - Des mots en guise d’ailes
2387 - Mon trou
2386 - Connexion céleste
2385 - Une flamme de l’azur
2384 - Seigneur cinglant
2383 - L’âme en l’air
2382 - Flamme verte
2381 - Au feu les plumes sombres !
2380 - Sombre forêt
2379 - Emportés par le vent
2378 - Un homme des nues
2377 - Courage de Bayrou
2376 - Un chemin sans fin
2375 - Mon univers infini
2374 - Je ne suis pas de la ville !
2373 - Seul parmi les arbres
2372 - Au bout des chemins
2371 - Mon trésor
2370 - Les cumulus
2369 - Qui donc m’observe ?
2368 - Le loup
2367 - Cauchemar
2366 - Un peu de foin
2365 - Bain de crépuscule
2364 - Voyage sous un arbre
2363 - Ma solitude de roi
2362 - Le silence
2361 - Aubes de plomb
2360 - Mes anges les corbeaux
2359 - Vertueuse verdure
2358 - Le parachute
2357 - Au bord de l’eau
2356 - J’y suis et j’y reste !
2355 - Ma soupe
2354 - Les fées n’existent pas !
2353 - Le bon air de mon exil
2352 - Un jour ordinaire
2351 - Vie de rêve
2350 - Ma solitude
2349 - Je découvre une tombe
2348 - Le randonneur
2347 - La nuit
2346 - Le braconnier
2345 - A l’ombre des arbres
2344 - Une belle journée
2343 - L’intruse
2342 - La chasse à courre
2341 - Les vers luisants
2340 - L’hôte qui pique
2339 - Dans la pénombre
2338 - Le ballon
2337 - Ma lanterne
2336 - La barque
2335 - Le chemin creux
2334 - Les deux chasseurs
2333 - Flamme noire
2332 - Deux corbeaux dans un arbre
2331 - Insomnie
2330 - Cris des corbeaux
2329 - Papillons de nuit
2328 - Froid et pluies
2327 - Les ronces
2326 - Chemins de boue
2325 - Tristesse de la forêt
2324 - Provisions de bois
2323 - Dans les buissons
2322 - Pluie matinale
2321 - Les grands arbres
2320 - Terribles crépuscules
2319 - Les rats
2318 - Un ami frappe à ma porte
2317 - Entouré de rusticité
2316 - Le sanglier
2315 - Mon sac
2314 - Le renard
2313 - Ma marmite
2312 - Des bruits dans la nuit
2311 - Les lapins
2310 - Un signe sous le ciel
2309 - La Lune vue de mon toit
2308 - Une gauchiste explosive
2307 - Sortie nocturne
2306 - Le vent sur la forêt
2305 - Un air de feu
2304 - Rêve dans les branches
2303 - L’écolo
2302 - Les papillons
2301 - La corneille
2300 - Les patates
2299 - L’escorte des souches
2298 - Un orage au dessert
2297 - Nulle femme dans ma forêt
2296 - Indispensables pommes de pin
2295 - Promenade
2294 - La pluie sur mon toit
2293 - A la chandelle
2292 - Un soir de brume
2291 - Vie de feu
2290 - La rosée matinale
2289 - Dans l’herbe
2288 - Par la fenêtre
2287 - Ma cheminée
2286 - Mes chemins d’ermite
2285 - Au réveil
2284 - Les cailloux sur mes chemins
2283 - Mes sentiments de bûche
2282 - Nuit de pleine lune en forêt
2281 - Ivresse de femme
2280 - Loin de ma grotte
2279 - Tempête dans mon trou
2278 - Baignades d'ermite
2277 - Un hibou dans la nuit
2276 - Mes ennemis les frileux
2275 - Ermite aux pieds sur terre
2274 - Mon jardin d’ermite
2273 - La récolte des fagots
2272 - Un étrange visiteur
2271 - Ma demeure d’ermite
2270 - Un homme clair
2269 - Un foyer au fond de la forêt
2268 - Les raisons du peintre
2267 - La célibataire
2266 - Les femmes
2265 - Une femme
2264 - France sous les étoiles
2263 - Un homme hors du monde
2262 - Homme de feu
2261 - Rencontre du troisième type
2260 - Voyage
2259 - Déprime
2258 - Fiers de leur race
2257 - La fille lointaine
2256 - Le Noir méchant
2255 - L’attente
2254 - J’ai entendu une musique de l’an 3000
2253 - Le modèle
2252 - Blonde ordinaire
2251 - Mâle archaïque mais authentique
2250 - La femme et la flamme
2249 - Voyages au bout de la terre
2248 - Ma chambre
2247 - Le vieil homme entre ses murs
2246 - L'ovin
2245 - Vous les mous, les mouches, les mouchards
2244 - Mon humanisme fracassant
2243 - Ma cabane sur la Lune
2242 - Les marques rouges du ciel
2241 - Je reviens !
2240 - Une fille de toque
2239 - La légèreté de la Lune
2238 - Janvier
2237 - Elena Yerevan
2236 - Oiseaux de rêve ?
2235 - J’irai vivre à la campagne
2234 - Fiers de leurs péchés
2233 - Deux faces
2232 - Le soleil de la jeunesse
2231 - Dans les bois
2230 - Nuit de vents
2229 - Mon fauteuil de lune
2228 - Le sourire d’une marguerite
2227 - Je ne suis pas antiraciste
2226 - Qui est-elle ?
2225 - L’arc-en-ciel
2224 - Je suis parti dormir sur la Lune
2223 - La sotte intelligence
2222 - Leurre ou lueur ?
2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin
2220 - La tempête Trump
2219 - Femme de lune
2218 - Une plume de poids
2217 - Douches glacées
2216 - Les arbres et moi
2215 - Je pulvérise le féminisme !
2214 - J’aime les vieux “fachos”
2213 - La surprise
2212 - Promenade en forêt
2211 - Je vis dans une cabane
2210 - Plouc
2209 - Je suis un mâle primaire
2208 - Musique triste
2207 - Ma cabane au fond des bois
2206 - Hommage à Christian FROUIN
2205 - Installation sur la Lune
2204 - Barreaux brisés
2203 - Affaire Pélicot : juste retour de bâton du féminisme
2202 - L’abbé Pierre, bouc-émissaire des féministes
2201 - Par tous les flots
2200 - Votre incroyable aventure !
2199 - Je ne suis pas en vogue
2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre
2197 - Dernière pitrerie
2196 - Alain Delon
2195 - Je déteste les livres !
2194 - L’esprit de la poire
2193 - Je ne suis pas citoyen du monde
2192 - Ma cabane dans la prairie
2191 - Devant l’âtre
2190 - Plus haut que tout
2189 - Pourquoi la femme vieillit si mal ?
2188 - Je prends l’avion
2187 - Sous la Lune
2186 - La pourriture de gauche
2185 - Je dors à la belle étoile
2184 - L’obèse et l’aristocrate
2183 - Le hippy et moi
2182 - Croyant de feu
2181 - Les gens importants
2180 - Le Beau
2179 - Michel Onfray
2178 - J’irai cracher sur leurs charentaises !
2177 - Clodo
2176 - Corbeaux et corneilles
2175 - Un dimanche plat atomique
2174 - Promenade en barque
2173 - Juan Asensio, ce rat lumineux
2172 - Il va pleuvoir bientôt
2171 - Au bord de la lumière
2170 - Dans mes nuages
2169 - J’ai dormi dehors
2168 - Les roses
2167 - Perdu en mer
2166 - Un jeune heureux
2165 - Le vagabond
2164 - Un ogre
2163 - Brigitte
2162 - Les gens simples
2161 - L’azur de Warloy-Baillon
2160 - Cause majeure
2159 - Je n’ai aucune élégance
2158 - La rivière
2157 - Il n’est pas raciste
2156 - Elle me fait peur
2155 - L’horloge
2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean
2153 - L’écologiste, ce primitif
2152 - Madame Junon
2151 - Chemins de pluie à Clinchamp
2150 - Voyage vers Mars
2149 - Galaxies
2148 - Je suis de la droite honteuse
2147 - Les écrivains sont des poids morts
2146 - L’héritage de Clinchamp
2145 - Clinchamp, une histoire sans fin
2144 - Vent de mystère à Clinchamp
2143 - Ma cachette à Clinchamp
2142 - Randonnée à Clinchamp
2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp
2140 - Un arc-en-Ciel à Clinchamp
2139 - Clinchamp sous l’orage
2138 - J’ai rêvé de Clinchamp
2137 - Jour de l’An à Clinchamp
2136 - Vacances d’été à Clinchamp
2135 - Attente à Clinchamp
2134 - Un jour ordinaire à Clinchamp
2133 - Or de France
2132 - La compagne des esseulés
2131 - Loup de lumière
2130 - Spleen
2129 - Le pitre
2128 - Les corbeaux de Clinchamp
2127 - Un homme heureux à Clinchamp
2126 - Le mouton
2125 - Des lutins à Clinchamp ?
2124 - Je suis fort !
2123 - Paroles prophétiques
2122 - L’égalité entre les hommes est injuste !
2121 - L’idéaliste de gauche
2120 - La femme est la monture de l’homme
2119 - Clinchamp sous la neige
2118 - Le Nord et le Sud
2117 - Pourquoi j’aime Clinchamp ?
2116 - Convaincre Blandine
2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp
2114 - Le facteur de Clinchamp
2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp
2112 - L’Art
2111 - Botte à l’oeuf
2110 - Les bûcherons de Clinchamp
2109 - Le coucou de Clinchamp
2108 - BFMTV : l’écran de la vérité
2107 - Lettre anonyme
2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !
2105 - Un jour d’hiver à Warloy-Baillon
2104 - La femme soumise brille comme une casserole
2103 - Les chouettes de Clinchamp
2102 - Quand la tempête s’abat sur Clinchamp...
2101 - L’aile et la pierre
2100 - Mes amis les maudits
2099 - Le brouillard de Clinchamp
2098 - Artiste de gauche
2097 - L’éternité dans la tête
2096 - Toussaint à Clinchamp
2095 - Chagrin échappé
2094 - Clinchamp-sur-Mystère
2093 - Les cafards
2092 - Loup des airs
2091 - Le loup de Clinchamp
2090 - En latin, c’est plus beau !
2089 - Les patates de Clinchamp
2088 - L’enfant des airs
2087 - Ciel de France
2086 - Thaïs d’Escufon
2085 - Les tomates de Clinchamp
2084 - Jérôme Bourbon
2083 - Les chats de Clinchamp
2082 - Poupée d’ailleurs
2081 - Pierre de feu
2080 - Les champs de Clinchamp
2079 - L’éclosion
2078 - Vacuité des bouquinistes
2077 - Les toits
2076 - Freud
2075 - Sport
2074 - Le simplet de Clinchamp
2073 - Les oiseaux de Clinchamp
2072 - Je ne suis pas cartésien
2071 - Au cimetière de Clinchamp
2070 - Le Panthéon pour Hugo, l’évasion pour Izarra
2069 - Les rats de la France
2068 - Le curé de Clinchamp
2067 - Mon trou à Clinchamp
2066 - Saint-Léonard-des-Bois
2065 - Les cloches de Clinchamp
2064 - Un épouvantail à Clinchamp
2063 - Les rêves de Clinchamp
2062 - Je suis raciste
2061 - L’injustice sociale ne me choque pas
2060 - Les femmes de Clinchamp
2059 - Les jours vides de Clinchamp
2058 - Une grand-mère
2057 - Clinchamp vers 1970
2056 - La femme de soixante ans
2055 - Sale temps à Clinchamp
2054 - Un grand voyage en forêt
2053 - L’ailé et l’aliéné
2052 - Souvenirs lointains
2051 - Domestication d’une greluche
2050 - Déprime à Clinchamp
2049 - L’amour à Clinchamp
2048 - Les Droits de l'Homme, c'est la négation de l'homme !
2047 - Les hivers de Clinchamp
2046 - Les chemins de Clinchamp
2045 - Seul au monde
2044 - Ne me parlez pas d’amour
2043 - Tristesse de l’été
2042 - Jour de fête à Clinchamp
2041 - Monsieur Lecon
2040 - Châtelain
2039 - Les ailes de Clinchamp
2038 - Tremblement de terre
2037 - Nuit d’amour
2036 - Pluie de joie à Clinchamp
2035 - Les gauchistes
2034 - Clinchamp sous les clartés lunaires
2033 - Henri d’Anselme, héros hétéro rétro
2032 - Les hirondelles
2031 - Retraite dans la forêt
2030 - Mon bosquet
2029 - L’or de Clinchamp
2028 - Sur le chemin
2027 - La souche
2026 - Clinchamp, ce voyage sans fin
2025 - Sardines à l’huile
2024 - Les fantômes
2023 - Le silence de la forêt
2022 - Les arbres
2021 - Les joies de Clinchamp
2020 - La merde républicaine
2019 - Les ailés
2018 - Les soirées de Clinchamp
2017 - Parasite
2016 - Clinchamp, les routes de l’ennui
2015 - Moi français, je déteste les migrants !
2014 - Répugnante
2013 - Les complotistes
2012 - Je déteste les livres de philosophie !
2011 - Le bossu de Clinchamp
2010 - La lumière de Clinchamp
2009 - Les crépuscules de Clinchamp
2008 - Les nuits à Clinchamp
2007 - Les aubes de Clinchamp
2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp
2005 - Les rats de Clinchamp
2004 - Les papillons de Clinchamp
2003 - Les richesses de la normalité
2002 - Le Rimbaud des bobos
2001 - Les vaches de Clinchamp
2000 - La folle de Clinchamp
1999 - Mon ego solaire
1998 - Vague Lune
1997 - Ma cabane à Clinchamp
1996 - Moi, IZARRA
1995 - Mais qui donc est Dardinel ?
1994 - La Dame Blanche de Clinchamp
1993 - Le Dalaï-Lama
1992 - Pluie à Clinchamp
1991 - Je suis sexiste
1990 - Les flammes du printemps
1989 - Le rustaud de Clinchamp
1988 - Les larmes d’Amsterdam
1987 - Clinchamp, terre d’envol
1986 - La Joconde de Clinchamp
1985 - Face cachée de Clinchamp
1984 - La clocharde de Clinchamp
1983 - Je suis un extraterrestre
1982 - Clinchamp sous les éclats de novembre
1981 - Clinchamp au bord des larmes
1980 - Les fantômes de Clinchamp
1979 - Les pissenlits de Clinchamp
1978 - Clinchamp : fin et commencement de tout
1977 - Amsterdam
1976 - J’habite sur la Lune
1975 - Secret de Lune
1974 - Les ailes de la Lune
1973 - Voir Clinchamp et sourire
1972 - La pierre et l’éther
1971 - Clinchamp, au bonheur des larmes
1970 - Clinchamp, mon dernier refuge
1969 - Croissant de Lune
1968 - Mais d’où vient donc la Lune ?
1967 - Lune lointaine
1966 - Lune éternelle
1965 - Sandrine, notre voisine
1964 - Rêve de Lune
1963 - Lune des rêves
1962 - La Lune dans le bleu
1961 - Lune ultime
1960 - Les tourmentés
1959 - Clinchamp, paradis des ombres
1958 - Lune absente
1957 - Je raffole des commérages !
1956 - Clinchamp : royaume des humbles
1955 - La Dame dans le ciel
1954 - Palmade : de la gloire au gouffre
1953 - Evasion
1952 - Tatouages, ces marques de faiblesse
1951 - L’égalité est un enfer !
1950 - Repas sur l’herbe à Clinchamp
1949 - Escale à Clinchamp
1948 - Beauté morbide de la Lune
1947 - J’ai dormi dehors à Clinchamp
1946 - Les humanitaires sont des parasites !
1945 - Sur les routes de Clinchamp
1944 - Une année à Clinchamp
1943 - Tristesse du printemps
1942 - Bulle de Terre
1941 - Jour de joie à Clinchamp
1940 - L’inconnu de Clinchamp
1939 - Le ciel de Clinchamp
1938 - Les éclats de Clinchamp
1937 - Le voyageur
1936 - Fête triste
1935 - Les antiracistes
1934 - Jean Messiha
1933 - Coeur gelé
1932 - Romantisme de pierre
1931 - La femme est sous mes pieds
1930 - Burcu Güneş, un air léger
1929 - Je déteste les pauvres !
1928 - Quand mon coeur s’allume
1927 - Intègre, entier, râpeux
1926 - Le cheval
1925 - Homme mauvais
1924 - Un trou sous le ciel
1923 - Hauteur de la Lune
1922 - Nulle part, là-bas, ailleurs
1921 - Belle Lune
1920 - Salades lunaires
1919 - Lettre à Reynouard
1918 - MARGUERITE OU L’HISTOIRE D’UNE VIEILLE FILLE
1917 - Récoltes lunaires
1916 - Je suis français de souche
1915 - Lune mortuaire
1914 - Clinchamp, cité des oubliés
1913 - Clinchamp, l’air de rien
1912 - Clinchamp, sommet du monde
1911 - La pollution, c’est la vie !
1910 - Seule au monde ?
1909 - Le Ciel et la Terre
1908 - Lune de haut vol
1907 - La Lune s’allume
1906 - Nuit sombre
1905 - Soupe de Lune
1904 - Puretés raciales
1903 - Lune-pizza
1902 - La grande question
1901 - Amiens
1900 - Pleur de Lune
1899 - Rêve d’amour
1898 - Vive le patriarcat !
1897 - La libellule
1896 - L’eau qui m’éclaire
1895 - Une question de clarté
1894 - La Lune dort
1893 - Les artifices du spirituel
1892 - Lune normale
1891 - Ni chauffage ni travail
1890 - Lune de fer
1889 - Molle Lune
1888 - Insensible aux malheurs des autres
1887 - Mon visage de vérité
1886 - Amante russe
1885 - J’écris
1884 - Lune martiale
1883 - Je suis un incapable
1882 - Lune creuse
1881 - 1975
1880 - L’éclat d’un fard
1879 - Amour impossible
1878 - Femme au foyer
1877 - L’esprit de la Lune
1876 - Ingérence féministe
1875 - Cratères lunaires
1874 - Lune d’effroi
1873 - Lune des chats
1872 - Les athées
1871 - Lune d’or
1870 - Lune carrée
1869 - Lune de miel
1868 - Folle lune
1867 - Jour de joie
1866 - SMARPHONES : abrutissement des masses
1865 - Sombre lune
1864 - Les mouches
1863 - Ma vie simple
1862 - Clinchamp, terre lointaine
1861 - Je suis un conservateur
1860 - Lune de glace
1859 - Le lac
1858 - Qu’est-ce que la beauté ?
1857 - Lune blanche
1856 - Lune de mer
1855 - Lune de feu
1854 - Présence immortelle
1853 - Surprenante Lune !
1852 - L’éclat de la Lune
1851 - Epis lunaires
1850 - L’autre Lune
1849 - L’amie des cheminées
1848 - Lune morte
1847 - Lune Parmentier
1846 - Lune fatale
1845 - Amour céleste
1844 - Grâces et disgrâces
1843 - Ma maison, c'est la Lune
1842 - Poids de la Lune
1841 - La morte visiteuse
1840 - Ma cabane sous la Lune
1839 - Bleu ciel
1838 - Histoire de lune
1837 - Suc de Turque
1836 - Stéphane Blet
1835 - Ciel bleu
1834 - Bonheur de rat
1833 - Redneck
1832 - Sur le rivage
1831 - Attraction lunaire
1830 - Je suis anti-féministe radical
1829 - Mais qui est-il ?
1828 - Je veux des frontières !
1827 - Les francs-maçons
1826 - Folies lunaires
1825 - Alunir, en un mot
1824 - “Comme ils disent”, chanson d’Aznavour
1823 - Lune tiède
1822 - Globe de rêve
1821 - Effroi
1820 - Vangelis
1819 - L’air de la Lune
1818 - La campagne
1817 - Lune tombale
1816 - Les cailloux
1815 - Je déteste Paris !
1814 - Boules de neige
1813 - Je n’ai pas peur
1812 - Parler vrai
1811 - Les hommes simples
1810 - Quand la Lune panse
1809 - Régine : extinction d’un feu
1808 - Morte veilleuse
1807 - Coeur de pierre
1806 - Noir
1805 - Mystère de la Lune
1804 - Jackson Pollock
1803 - En pleine lumière
1802 - Harmonie des sexes
1801 - Dix ans dans l’azur
1800 - Pluie d’avril
1799 - Le gueux
1798 - Les pommes de pin
1797 - Voyage vers la Lune
1796 - Mystère d’une nuit
1795 - Une lumière turque
1794 - Sans coeur et avec écorce
1793 - Envolé !
1792 - Galante ou l’abcès crevé
1791 - La lumière du Bosphore
1790 - Claude Monet
1789 - Rat aristocrate
1788 - Ukraine : sortez de vos ornières mentales !
1787 - Tranche de ciel et plumes de la Terre
1786 - Les sots écolos
1785 - L’astre turc
1784 - L’Ukraine, je m’en fous totalement !
1783 - Vive la guerre !
1782 - Réponses à un coatch
1781 - Droite pure
1780 - Vains hypersensibles
1779 - Mes valeurs vives
1778 - Le secret
1777 - Force et lumière
1776 - De l’herbe à l’aiguillon
1775 - Jusqu’à la mort
1774 - Zemmour et les journalistes de gauche
1773 - Dur et juste
1772 - La flamme et le marbre
1771 - Mon chat est mort
1770 - Les frères Bogdanoff
1769 - J’ai rêvé de Natacha
1768 - Technologie
1767 - Vers la Lune
1766 - C’était la guerre
1765 - La “tondue de Chartres”
1764 - Dans le métro
1763 - Naissance d’un virus
1762 - Zemmour est-il un de Gaulle ?
1761 - Je suis grand
1760 - Jour de gloire
1758 - Une muse du Bosphore
1758 - Je suis un extrémiste
1757 - Les éoliennes
1756 - Femme terminale
1755 - Autoportrait
1754 - Je suis un sanglier
1753 - Faux fou
1752 - Les affaires
1751 - Octobre
1750 - Le fantôme
1749 - Les écrivains
1748 - Sauvez la France !
1747 - Mes sentiments de pierre
1746 - Une araignée raconte
1745 - Un coeur clair
1744 - Phallocrate
1743 - Les vaches
1742 - Les faibles sont mauvais
1741 - Les sans-visage
1740 - Le trouillard de gauche
1739 - Léonard de Vinci enfant
1738 - Mes froideurs sublimes
1737 - Le romantisme, c’est la décadence
1736 - La Joconde
1735 - La tour Eiffel
1734 - Le Soleil
1733 - Une boule de mystère
1732 - Les masqués
1731 - Burcu Günes, l’or turc
1730 - Léa Désandre
1729 - Le père Dédé
1728 - “Blanc lumière” de Pollock
1727 - Les kikis et les cocos
1726 - Les funérailles de Belmondo
1725 - Pôle Sud
1724 - Vierge au mariage
1723 - La forêt
1722 - Le réveil des clochers
1721 - En septembre
1720 - Extraterrestre
1719 - Ni cagoule ni sérum
1718 - L’astre des morts
1717 - L’idéaliste
1716 - Un ange noir pour les Blancs ?
1715 - Trois heures du matin
1714 - Dur et vivant
1713 - Homme des bois
1712 - De flamme et de sang
1711 - Mes bas potentiels
1710 - Je suis un anti-progressiste
1709 - Eléonore et les Noirs
1708 - Eléonore et les Juifs
1707 - Une française
1706 - Femme d’idées
1705 - Joie de vivre
1704 - Auteur de rêves
1703 - Raison féminine
1702 - Vieillard
1701 - Face de France
1700 - 1789
1699 - Adieu, France
1698 - Célibataire
1697 - L’envers vert
1696 - Avant la chute
1695 - L’aube d’Ève
1694 - Amour raté
1693 - À vue d’homme
1692 - Le loup et l’agnelle
1691 - Têtes à corps
1690 - Trêve de la nuit
1689 - L’été
1688 - L’hiver
1687 - Les âmes de la forêt
1686 - Enfin libre !
1685 - Je vis sans masque
1684 - Enfants du monde
1328 - Je suis apolitique
115 - Le cygne
114 - Le spleen de Warloy-Baillon
113 - Les visiteurs
112 - La Lune
111 - L’amant des laides
110 - Mémoires d’un libertin
109 - Une existence de pompiste
108 - Lettre à mes amis des listes sur Internet