Si je me lève avec la lumière dans le coeur, cela ne signifie pas pour
autant que la forêt s'éveille sous des éclats de joie... Parfois il suffit d'une
certaine configuration nuageuse inhabituelle, de quelque effet de clair-obscur à
l'horizon pour qu'elle prenne des allures sinistres et me montre une face
sombre. Et me contamine peu à peu de son humeur noire, des son air maussade, de
son mauvais jour.
Et bientôt mon regard sur le monde change.
Mon âme se ferme, mes sentiments s'endeuillent : la verdure qui m'entoure
m'inspire l'ennui, le ciel m'apparaît lourd, même mon propre asile me semble
soudainement bien déprimant, là dans cet océan de silence, sur cette île de
solitude, dans ce trou de rat... Tout n'est plus que vide et torpeur à mes yeux,
juste parce que les nues l'ont voulu.
Il arrive, en effet, que les nuages fassent la loi, qu'ils décident, par de
simples jeux d'ombres, de ce que sera faite la journée. C'est depuis leur
hauteur qu'ils projettent ainsi leurs funestes desseins sur la terre. Impossible
d'y faire quoi que ce soit, je dois subir leur caprice en attendant que revienne
les heures légères.
Il n'y a pas une brise, tout est pétrifié.
J'allume alors un feu à l'extérieur pour dissiper cette langueur immobile.
A travers les flammes je vois s'animer des visages, surgir des fantômes, danser
des corps de femmes... Cette flambée est une respiration au milieu de ce vaste
étouffement.
Autour de moi les bois n'en paraissent que plus tristes. Les grands arbres
hier pleins de majesté avec leurs bras dans le vent, ne sont plus aujourd'hui
que d'austères figures figées, crucifiées dans l'inertie d'une ambiance
plombée.
L'atmosphère devenue terne jusqu'à faire taire le chant des oiseaux.
Sauf celui des corbeaux.
Et heureusement d'ailleurs car ils sont pour moi les derniers porteurs
d'espoir. Eux seuls parviennent encore à m'enchanter quelles que soient les
circonstances, dans le malheur ou dans le bonheur.
La braise progressivement s'éteint et la morosité générale reprend le
dessus. Au loin j'aperçois le vol des croasseurs. Le voile du spleen s'épaissit,
le paysage soupire, la sylve s'enlise.
Et tout brille de beauté pourtant.
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