Une nouvelle journée de retraite s'annonce au fond de mon trou. L'aube,
comme d'habitude, éclaire le monde de sa flamme blanche en prévision d'heures
indolentes. Aujourd'hui tout est calme, à l'image de ce que fut hier et de ce
que sera demain. Du moins je l'espère. Rien ne surviendra, à part peut-être un
peu de vent, quelques nuages passagers et trois ou quatre vols d'oiseaux au-dessus de
mon toit.
Pas la moindre femme ne viendra dans mon antre pour me tenir compagnie,
aucun visiteur à deux pattes ne se rendra chez moi pour me saluer, nul pèlerin
ne s'arrêtera devant ma demeure, pas un seul vagabond ne passera dans les
environs.
Cependant je serai heureux d'accueillir mes habituels amis les rats, de
recevoir quelque muet et affable fantôme, de convier l'auguste solitude que je
connais de tout temps, d'offrir mon coeur aux froideurs du jour qui, serein, fidèle et
impassible, m'ouvrira ses bras jusqu'au soir. Et c'est bien ce que je demande :
que la Terre entière m'accorde une paix royale !
Certes, je saurais donner l'hospitalité à tout étranger qui se présenterait. Jamais je ne refuserais bonne réception à quiconque. Mais en guise de vin il n'aurait, c'est certain, que l'eau de la rivière à
boire... Et pour se caler l'estomac, rien que le reste de mon vieux pain. Autant
dire que personne n'osera s'aventurer dans les parages ! Les fragiles promeneurs
citadins et vains explorateurs du dimanche le regretteraient, je crois. Et c'est
tant mieux ! Et s'il y en a quand même un plus courageux que les autres pour
franchir le seuil de ma maison, je sais qu'après avoir fait si mauvaise chère il
ne sera pas prêt de revenir ! Pour cela, je peux rester tranquille.
L'unique invité que j'attends est un compagnon discret, léger, aérien,
respectueux de mon foyer, plein de profondeur et d'esprit. Et surtout peu
contrariant.
Tantôt taciturne, tantôt lumineux mais toujours présent quand il le faut, cet hôte de longue date déborde d'égard et de délicatesse pour moi. Ce complice issu de l'ombre de la forêt s'approchant chaque matin de mon refuge à pas feutrés pour frapper avec tant de douceur à ma porte s'appelle tout simplement... le silence.
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